DEHORS pdf
DEHORS
J’ai peur de mes intérieurs si peur si intense la peur que tout ce que je regarde c’est DEHORS. DEHORS c’est la rue des vélos, DEHORS la lumière le feu les âtres les univers. DEHORS il y a la pluie qui remonte la surface vitrée des portières DEHORS je me projette je me proteste, DEHORS pas protégé c’est comme ça DEHORS, je me perds je m’oublie je me dissous. Je sors DEHORS et la seule peur qui reste c’est celle du noir, du noir absolu, du noir déposé, DEHORS, qui m’attend, DEHORS, en riant, il m’attend le noir DEHORS et je suis à la merci de ses dents jaunes qui se foutent bien de mes intérieurs, elles, parce que DEHORS tout le reste s’agite. C’est seulement dedans que ça vibre. DEHORS ça remue, ça s’emberlificote les ficelles, DEHORS ça drague les fonds, ça drague les hommes, ça drague les femmes, ça s’entremêle les pinceaux, ça se croise les cuillères DEHORS faut se faire à manger, faut se faire un toit faut se faire une petite beauté, faut se faire aimer, faut se faire aux autres, DEHORS. Alors DEHORS c’est pas facile. Il faut se forcer DEHORS pour le poulet. Il faut se forcer, se mettre à mal, se mettre à bas, se mettre bien bas et pis se lever et puis se relever parce que non mais DEHORS tu peux pas, rester couché DEHORS, rester coucher à dormir DEHORS, à rêver DEHORS ou tu bailles aux corneilles alors, tu te concentres pas tu fais pas d’efforts, pas assez, et c’est DEHORS que tu le dois, DEHORS on te contrôle ta qualité, on te contrôle DEHORS circulez vos papiers contrôle technique et ton identité DEHORS tu crois que tu vas l’avoir comme ça ? Non mais ça va pas DEHORS là ? Mais tu fais quoi DEHORS d’abord t’as pas de chez toi ? Non mais non mais DEHORS t’es pas chez ta grand-mère mon petit bonhomme t’es pas chez toi qu’est-ce que tu crois, que c’est DEHORS que tout est permis, c’est pas DEHORS que tu vas l’avoir ton permis d’exister, non mais non mais rentre moi ça, non mais oh là là, DEHORS ça va pas ça va pas se passer comme ça mon petit mon grand mon vieux DEHORS ça ne marche pas comme ça. DEHORS. Lève toi, marche DEHORS, tais toi. Tais toi enfin. Écoute. Tu les entends, là les bêtes qui courent DEHORS, les hardes qui traversent la combe, leurs pieds rentrant DEHORS qui dévalent les pâtures, leurs souffles DEHORS qui se rejoignent et qui se parlent sous le filet de lune, avec les ailes de chouettes effrayantes, battantes DEHORS avec la pluie ? Les entends-tu DEHORS qui jouent à se faire peur ? Toute la peur du DEHORS c’est juste pour jouer d’abord tu le sais bien. Parce que la peur la vraie peur du dedans, tu le sais, c’est la peur noire aux dents jaunâtres qui t’attend, encore, qui t’ouvre grands les bras juste avant de se refermer sur toi. Et le DEHORS n’existe pas, pas plus que toi. Je le sais bien dedans que DEHORS cela n’existe pas, que c’est un chien dedans et encore même pas. Alors dedans je me tiens coi, à quoi je ne sais pas ce qui me tient mais le silence est là et c’est le silence qui me catapultera DEHORS pour entendre à nouveau, sentir à nouveau, toucher à nouveau, goûter à nouveau DEHORS les bruits, DEHORS le vent, DEHORS courir transpercer à nouveau tout l’or le fer l’acier du DEHORS, tout le tumulte qui rugit dans les creux, dans les bosses du DEHORS, dans ses grandes montées et ses surfs angoissés, dans ses glissades longues à buter sur la prochaine vague, dans ses fragments volants qui te rentrent dedans mais encore là tout prêt à t’avaler le noir déposé DEHORS qui ne cesse pas d’attendre, qui ne sait faire que ça de sa vie d’obscurité DEHORS pour toi, que je ne transperce pas, toi qui sais bien dedans que plus rien DEHORS ne reste à transpercer qu’un écran fin tout juste avant de te retrouver DEHORS avec toi-même et je le sais tu vois, tout tu le vois, tu le sais tout ce que je vois dans la serrure le filament, tu le sais tout entier que plus personne DEHORS ne t’attendra encore si jamais je sors DEHORS, si je te sors, que plus personne DEHORS jamais ne t’attendra, seul le battement de ta source dedans DEHORS, quand tu seras poreux complètement qu’il n’y aura plus d’écran ni fin ni début qu’un recommencement avec tous, là , tous ceux-là DEHORS pour toi, en toi, rien que pour toi, rien que des signes DEHORS dedans, que ça circule enfin et dedans et DEHORS, sans rien que le souffle DEHORS dedans DEHORS dedans DEHORS dedans DEHORS dedans, devant.
DEHORS c’est CHAUD