#boost #02 | De seuil en seuil

Sur les cicatrices de l’âme de la porte la main pousse le battant et franchit le seuil de ce qui fut jadis faisant fi des verrous dont les clés se sont égarées. C’est à l’aide du pied puis de l’épaule qu’il faut aider la porte vitale haute et lourde à s’entrebâiller sur un long couloir sombre dont on sait une noirceur encore plus profonde. Une fois que le bouton de laiton est bien en place entre les doigts il suffit de tourner et d’entendre le léger cliquetis occasionné pour mettre au monde l’odeur de parfum de rose qui s’échappe de la chambre. Avant même d’approcher de la porte siffloter chantonner pour annoncer son arrivée afficher la joie d’un sourire et espérer le miroir du sien. D’une extrémité de soi un doigt le bout du pied le sommet du crâne on repousse le portillon aux charnières bien huilées et le ventre de la cabane s’épanche. Sans mot de passe il faut bien pénétrer dans l’antre où l’on restera enfermé durant des années avec face à soi des visages se superposant. La poignée froide de la papeterie abaissée les clochettes ayant retenti le vendeur vêtu de son éternelle blouse grise pouvait nous accueillir de son sourire et les trésors recherchés s’étaler sous les yeux. Une porte automatique serait comme franchir une ligne d’ombre dans un jardin de lumière où l’on pénètrerait un songe. Entrer dans la chambre que l’on a quittée il y a peu et désormais c’est la chambre d’un mort et le sourire que l’on plaquait sur le visage ne sert plus à rien alors on abaisse la poignée et le sol se dérobe sous le corps. Se tenir devant la porte en bois vernie du cinquième étage avec le trousseau de clés nécessaires car la porte de couleur miel est bien cadenassée avec son judas qui fixe juste au-dessus de la plaque nominative sans un monsieur ou madame accolé aux lettres capitales du nom que je porte qu’il faudra décoller puisque l’appartement sera vidé et qu’une vie sera close. Grâce à la dislocation opérée par des yeux de myope le bloc-porte semble une muraille sans la licence du franchissement autre que celui de la contemplation car ici c’est sans doute la porte de l’arrivée celle qui ne s’ouvre qu’avec un sésame que l’on n’a pas encore mais rien ne presse on veut bien rester encore dehors. De la porte ne pas aimer la serrure mais le seuil comme un possible une promesse de commencement comme une avant-scène de vie avec ou sans cicatrices à venir.

Codicille: des portes poussées, d’autres oubliées, et d’autres encore où l’on reste devant; il n’est pas toujours bon d’entrer.

A propos de Solange Vissac

Entre campagne et ville, entre deux livres où se perdre, entre des textes qui s'écrivent et des photos qui se capturent... toujours un peu cachée... me dévoilant un peu sur mon blog jardin d'ombres.

2 commentaires à propos de “#boost #02 | De seuil en seuil”

  1. te retrouver Solange, derrière ces portes et ces parts de vie
    j’ai souri en lisant « à l’aide du pied et de l’épaule », ayant utilisé la même image !
    pas de verrou non !
    et le seuil comme un possible, oui

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