Poussière dentelée ocre brune perdue dans la nuit, le pied à peine posé bondit encore et revient dans une trépidation intense comme un désir inassouvi — tard dans l’obscurité les graves djembés scandent le rythme des corps ; puis c’est le froid de la nuit, dans la case de terre posée entre pays maure et soninké aux confins du Sahel, les corps allongés sur les nattes réchauffés par les couvertures attendent les soleils du matin ; alors, méfiance, veiller qu’un scorpion ne se soit pas glissé dans une chaussure depuis la terre battue encore fraîche. Le soir venu — un autre soir — assises en tailleur dans l’obscurité sur la terre sèche, après la journée à battre le mil sous un soleil inexorable, cinq ou six personnes bavardent en savourant le couscous, accompagné de thé fort ; l’oncle dispose les meilleurs morceaux de viande sur le bord de l’assiette le plus proche de l’invité et l’encourage à manger ; du bout des doigts il roule alors le mil avec la viande et les légumes en une boule qu’il porte à sa bouche. C’est sur cette terre encore qu’il a marché, longuement, sous le soleil ; puis il a cheminé dans une charrette tirée par un âne, est allé plus loin encore, tout près de la Mauritanie ; il s’arrête au soleil couchant pour poser dans les rares buissons son vieux trépied de bois Ronford, y monte sa lourde Betacam, se met derrière à genoux dans les broussailles et fait un long panoramique. Arrivés, tard, dans le village isolé, la veuve, jeune encore et déjà voûtée, sèche comme cette terre ingrate, le visage sillonné de rides, et très belle, dispose devant eux, sur le sol d’argile de sa petite habitation aux murs colorés, le thé traditionnel ; l’homme apprend qu’elle a vendu cinquante kilos de mil pour acheter un kilo de sucre nécessaire à cette préparation. Au matin, attendant la voiture qui vient le chercher, il observe les villageoises munies d’un balai de paille sans manche qui chassent la poussière devant leur maisonnette en un geste antique et sans cesse répété, Sysiphes sahéliennes qu’il imagine heureuses.
Danses… doublées d’une bien douce mélopée !