(1er Quoi qui, 2ème Là)
Steve habite la rue depuis déjà quelques années et il affectionne particulièrement son salon c’est à dire le banc situé sur la petite place. Sous un regard désabusé et un cheveu peu amène, il râle très fort lorsque quelqu’un s’avise de marcher sur ses plates-bandes -ce n’est pas parce-qu’il n’y a pas de porte, question d’éthique, que l’on doit s’autoriser à marcher dans son salon d’été- Il possède aussi un studio d’enregistrement quelques pas plus loin. Il travaille son groove à l’aide du poteau métallique et de ses deux baguettes de bois -présentement, au repos, rangées dans la poche droite de sa chemise- car il veut se remettre sérieusement à la musique dit-il. Pour l’heure, assis sur son banc, il préfère maugréer et soupire tout en se redressant pour mieux le voir passer.
– Tiens, le voilà qui rentre. Doit être 5 heures. Faut qu’y goûte le petiot à sa daronne. Oui, ça sonne tout juste 5 heures. Comment qui fait pour se pointer toujours à l’heure ce naze ? Faut qu’il en ait dans son citron. L’a pas l’air pourtant. ‘Hé ça va ? Tout baigne ? Rgard’moi cette tronche de cake. J’étais sûr à cent pour cent qui m’répondrait pas l’enflure. y-a pas à dire l’est pas bavard non mais r’garde cette tronche de cake. y m’énerve. Toujours poli gnangnangnangan toujours pressé d’rentrer. Hé !T’as les chocottes ou quoi ? Pourquoi tu t’tires ? Ah, je sais ta bergère t’attend. Hé toto ! Ta bergère t’attend ? Hé ! Ducon ! J’te parle…
Madame Lerieste, la boulangère était à son présentoir lorsque Madame Lottre entra acheter son pain. La première, sachant son mari occupé toutes les nuits à veiller au grain, a la mine épanouie et tranquille de l’épouse comblée tandis que madame Lottre, peu heureuse en ménage mais veuve depuis un an et demi, s’octroie quelques sorties, de plus en plus à vrai dire, hors du quartier. Jeunes filles, elles se connaissaient déjà ces deux-là et ensemble, ont vu grandir leurs enfants, ont assisté à toutes les fins d’années scolaires. Elles s’apprécient quasi-quotidiennement, du moins tant qu’elles font face aux sucreries meringuées de la boutique.
– Oh mais c’est le petit qui rentre. Regardez ça, comme il marche fier. La bouche en cœur. Y’a pas à dire, il …
– Il est gentil ce gars-là. C’est pas lui qui viendrait me chouraver quelque chose. Et toujours bien mis.
– Oui, mais il a les dents longues et …
– Oh mais il a la côte avec ses patrons. Elle a de la chance d’avoir un fils comme lui, gentil, poli, aimable et souriant avec ça. Il fera un bon gendre, pas de doute.
– Peut-être mais m’a tout l’air, tout de même… des fois, il donne l’impression que quelque chose ne gaze pas… Je trouve. Et puis, son air endimanché… Je ne sais pas mais moi si j’avais une fille, je l’aurais à l’oeil.
– Bah il a bon dos ce soir à ce que je vois, madame Lottre. Il a les pieds sur terre ce garçon. Vous, quand vous avez quelqu’un dans le nez … Je vous sers quoi aujourd’hui ? Vous avez un appétit d’oiseau ces temps-ci. Régime ? Tenez la mère du petit, elle a de beaux restes, c’est encore une belle femme. Un peu toquée mais gentille aussi. La dernière fois que je l’ai vue, elle donnait à manger aux pigeons. Du pain qu’elle m’a acheté tout exprès pour eux.
– C’est bien ce que je disais. Ils ont tout faux ceux là.
– Faut avoir l’esprit large et pas la langue bien pendue, comme dit mon mari.
– Il a de l’or dans les mains votre mari, hein madame Lerieste ?
– Oh vous alors. Et les impôts qu’est-ce que vous en faites ?
– Moi ? Rien. J’en paie pas. Et j’ai tout mon temps. Au fait, je descends en ville. Les vacances tous les jours…
(pratiquement : palpitant) (en tout cas, le petit est bien accroché – pas sûr que ça gaze, mais on va voir) (on suivra)
J’ai eu du mal à démarrer, je ne savais comment introduire les personnages. Un peu rassurée en lisant votre commentaire. Si ça peut/semble fonctionner … Merci beaucoup.
à suivre avec plaisir cete galerie de personnages
Merci Danielle. On va voir ce que ça donne !
j’aime beaucoup le premier, aussi pour ce qui n’est pas dit et qu’on perçoit : l’interlocuteur qui passe, muet – d’ailleurs peut-être qu’il n’existe que dans la tête de Steve – les mots lancés dans le vide sidéral qui s’étend entre ceux qui vivent dans la rue et les autres.
Merci pour votre lecture Bizaz. (en fait, l’interlocuteur qui passe sans répondre à Steve, est le personnage présent dans le 1er et 2eme texte-livre).