Il attend, il ne traverse pas tout de suite. De l’autre côté,un type se plante face à un autre, glisse sa main sur son crâne rosi par le soleil, une femme avec un chignon très haut, une fillette un crocodile vert à la main. Il s’imagine glisser Fischer Fritz Frisst Frische Fische dans l’oreille de la fillette pour la faire sourire. Il marche le front bandé, un casque sur les oreilles, il prend le chemin pour aller là où il doit aller. La rue est un miroir, chaque passant porte un miroir de lui – même, les miroirs éblouissent. Il suit la première rue traversée, il se souvient de certains magasins, le bureau de tabac avec sa vitrine poussiéreuse, le magasin de fringues avec ses mannequins sans tête, et plus loin il aperçoit le cheval sorti du mur, suspendu au-dessus de la porte du bar. Devant lui, un grand type bras raides collés au buste, tourne avec un mouvement régulier sa tête, de droite à gauche, de gauche à droite. Il voit le type s’arrêter devant la grande glace de la boutique de fourrures, le type ne bouge plus. Il évite de regarder son visage dans la glace. C’est un beau jour d’été, Fischer Fritz Frisst Frische Fische , à se répéter ses mots pour sourire. Un instant tout disparaît. Tu attends que quelqu’un te raconte ce qui se passe, tu penses que quelqu’un abuse de ta patience ? Tu imagines que quelqu’un porte une vérité à te donner. Alors invoque un dieu tout puissant du verbe un dieu du langage bon à faire de toi un locataire du temps perdu. Un ballon rebondit, bruit brut inattendu, deux gamins le plus grand se frappe la tête des deux mains. Il lui reste la place à traverser. Il croise une fille en pull marin, une autre au doigt nerveux dans les cheveux, une autre irritée au portable. Il se souvient, c’est peut-être dans Le Livre de l’intranquillité, Pessoa demande : « quand deux personnes se rencontrent, laquelle rencontre l’autre ? ». Tu peux te poser la question. Il y a un moment de flottement, des sons galopent autour de lui, une musique du soir, il se met à rêver tout bas. La question de la lumière, une lumière rapide puissante importante pour quoi dire. Il voit la place assombrie par les arbres. Un groupe bruyant de gamins déboulent et s’installent sur les deux bancs. Il lui reste à attendre. Attendre la nuit rencontrer les étoiles trouver les étoiles à leur place, être debout dans des millions d’années de lumière, regarder le monde, voir les anges s’attacher au milieu de la nuit.
la force des détails
merci Brigitte, avant d’écrire j’ai déjà regardé des choses à l’extérieur, et puis des choses en mémoire dans ma tête
Ça donne très envie de lire la suite, d’imaginer les parcours possibles, d’envisager les pas dans la nuit et leurs échos lointains, d’espérer de nouvelles rencontres et de vous suivre dans cette ville qui va s’inventer au fil des ateliers.
merci pour votre encouragement, je ne sais pas encore où je vais, mais j’ai ce grand désir d’aller quelque part
tous ces miroirs… et pourtant rien ne semble inversé, si ce n’est le monde autour.
Étonnant comme face à ce texte j’ai eu moi-même l’impression de me retrouver face à un miroir.