Je ne suis pas la première née, il y a eu lui avant moi, bien avant. Je ne suis pas lui, je ne suis pas née garçon, je suis née fille. J’ai failli ne pas. Avant et après moi, il y a eu deux absences, deux morts bien avant de naître. Ce que ça fait de mourir avant de naître, je ne sais pas. Je n’ai pas su que je vivrais avant de naître mais j’ai vécu. J’ai vécu in vitro, bien avant de naître.
J’ai vécu dans sa voix à elle, dans son corps, dans sa peau et ça me paraît incroyable maintenant qu’elle n’est plus là, que je ne peux même plus la toucher, la sentir, poser ma main sur sa joue. Je me suis nourrie d’elle, j’ai absorbé, j’ai grandi, je me suis transformée. J’ai dû poser ma main à l’intérieur d’elle, j’ai dû gigoter, donner des coups de pieds, de tête. J’ai peut-être acquiescé, refusé, protesté. J’ai peut-être réclamé, exigé. J’ai peut-être été un tyran au milieu des organes, dans cette vie aquatique.
Non, avant de naître, j’étais déjà un petit être sage, on ne me l’a pas dit, je le suppose, je l’imagine. Je me décalque, moi à 5 ans, calme presque effacée, moi poupée immobile, et je me plaque dans le ventre de ma mère. Je me vois avant de naître sans savoir si c’est bien moi. Je m’anticipe. Je me vois comme je n’ai peut-être pas été. Je me vois fictionnelle. Je me vois foetus formé, un visage, un sourire. Je me vois dessinée. Je me vois sculptée dans sa chair à elle. Faisant corps, faisant tout.
J’ai vécu en elle avec plutôt que sans, j’ai vécu avec attention, patience, amour. Mais sans tabac, elle a arrêté avec moi, pour moi. Je n’ai pas respiré ça, j’ai respiré quelque chose qui ressemblait au bonheur. J’ai probablement entendu voix aimantes, cris de joie, rires, chants. J’ai été désirée, aimée, nommée avant de naître. J’ai eu une chambre, un frère, une maison, un jardin, un chienne, une peluche, avant de naître. Et après je suis née.
« j’ai respiré quelque chose qui ressemblait au bonheur ». On le ressent à vous lire, le texte en est imprégné, l’importance de ce qui est avant, il n’y a plus qu’à naître. Merci
Merci à vous Isabelle
Je me vois avant de naître sans savoir si c’est bien moi. Je m’anticipe. Je me vois sculptée dans sa chair à elle. Faisant corps, faisant tout.
C’est fort cette façon de raconter l’amour, l’attention, la tendresse autour de la naissance.
Cette répétition des J’ai vécu redessine un paysage qui restitue le lien entre l’enfant et sa mère.
Et puis il y a ces phrases qui me touchent beaucoup : Ce que ça fait de mourir avant de naître, je ne sais pas. Je n’ai pas su que je vivrais avant de naître mais j’ai vécu.
Merci
Merci Françoise, cest fou comme il y a des résonances entre nos textes, des forces sur ces fils déroulés là, des réverbérations.
c’est vraiment doux, et dire que tous et toutes nous sommes né.es d’une mère – vraiment doux
Oui, c’est doux de le savoir, de l’imaginer, j’espère qu’on peut imaginer cette douceur chez toute mère.
Merci pour ce lointain précis et tendre. Envie
de faire ce voyage aussi, merci
Merci Cécile
Petit coucou, je suis passée lire. Tiens, je m’aperçois que nous partageons un éditeur en commun, Tarmac. Bonne suite dans ce cycle.
Mais oui ! Bonne suite d’écriture et au plaisir de te lire
J’ai aimé, j’ai arrêté de sucer mon pouce pour le lever…
Joli :
Un texte empli de douceur et d’amour, qui fait du bien.
Merci Solange
Ce texte dit tellement bien l’amour viscéral d’une mère et de son enfant. C’est beau, délicat, touchant, sensible, juste. Née d’une mère mais aussi dans / par / à travers / avec… ce qui me vient là en lisant tes mots. Et cette phrase : « Je me vois sculptée dans sa chair à elle. Faisant corps, faisant tout. » Merci (j’ai aimé tes textes du mardi, particulièrement la 33 où l’on retrouve d’ailleurs ce rapport de la mère à l’enfant, j’y songe maintenant, en écrivant ce commentaire, et je me suis même permise de le lire à mes lycéens d’atelier d’écriture car j’ai testé la proposition de François avec eux…donc grand MERCI) !!
Je n’ai pas pu beaucoup participer aux mardis (en tout cas en visio, j’ai repris les consignes de mon côté), un peu empêchée cette année… J’étais en résidence pour ce texte de la mère et l’enfant, sans contrainte, et j’ai pu faire les visios cette demaine là, beaucoup de plaisir avec ce thème et Marguerite Duras. Merci donc pour ce commentaire qui fait chaud.
Tellement tendre, doux et beau ! Merci Perle pour ce beau texte d’amour filial et maternel.