Ne pas prendre l’ascenseur qui grimpe dans un massif de béton au bout du bâtiment, monter lentement en jouissant de la proportion des garde-corps de béton, du blanc cru de l’enduit contre les arbres, du croisement des deux escaliers et des galeries sur lesquelles ouvrent les laboratoires et bureaux, profiter de la géométrie vivante ainsi créée pour m’attarder, l’esprit distrait de mon but.
Dans la façade noircie qui déploie ses rangées de fenêtres hautes surmontées de feuillages sculptés la blessure d’une étroite ouverture cintrée, imposée au propriétaire par le droit de passage des habitants dans l’ancienne rue, ce tunnel noir et pisseux sur lequel se penchait, seigneurial, un aigle aux ailes déployées penché sur le petit peuple qui s’y engageait, avant que la colère le décapite.
Au fond du tunnel toujours noir et humide ouvert dans l’hôtel seigneurial et les maisons qui s’y sont adossées, la rue étroite aux maisons basses crépies de couleurs claires ou aux enduits fatigués, la petite société bariolée qui vit là, les enfants qui jouent, le caniveau central qui n’est plus que décor, un enclos de vitalité joyeuse dans ce quartier plein de fausse dignité.
La petite tour saillant au milieu de l’immeuble bourgeois, là où se termine le retrait permettant la pente rapide qui disparaît, cachée derrière une barre de ciment blanc et des massifs de lauriers, la tour blanche striée de longues fentes dont les vitres de couleur anoblissent l’éclairage du parking, et dans le petit coin, là où elle rejoint l’immeuble, le lit, les sacs bien rangés d’un habitué nocturne.
Les hauts barreaux noirs de la grille fermant le couloir d’entrée dans l’immeuble, la vision que l’on a en passant d’une galerie aux piles de béton rectangulaires bordant une cour que l’on imagine vaste, régulière, à partir de la lumière qui éclate, vient caresser le sol et de ces deux balcons que l’on devine, clôturant la perspective, au bout de ce long passage qui tient lieu de hall.
(publié le 13 juillet 2019)
et tout ce que révèlent les détails d’une architecture, ou ces sacs bien rangés là pour la nuit…
on se promène dans la ville qu’on sait… grilles tours tunnels façades…
Envie d’aller sillonner LA ville à la recherche de ces escaliers qui me mèneront jusqu’à la tour et à la grille… (un jeu de piste, munie de tes fragments)