Elle était inscrite sur le tableau Velléda® de la petite gendarmerie du coin. Antonomase au mystère oublié. On effaçait les racines des noms avec le Velléda®, histoire sans intérêt sûrement venue d’un expert en marketing de chez Bic®. Bic® rase tout : les poils, les druidesses et même la poésie. La Velléda n’est plus qu’un feutre effaçable à l’odeur inimitable, toluène et xylène, puis, toxicité oblige, mise aux normes écoresponsable des stylos feutres effaçables : propan, butan, diacétone, crésols. La poésie se retrouve dans ces mots inconnus aux effets respiratoires nocifs. Qu’importe. Ils sont aux normes, comme les tableaux. On avait fait disparaître les tableaux noirs des salles de classes. Une équipe indienne avait publié un article assassin dans la revue Indoor an Built Environment, contre les craies, poussière irritante, allergies, on casse les bâtons, on case des feutres effaçables incassables, on sacralise les tableaux blancs. Y avait-il des tableaux noirs à craie dans les petites gendarmeries du coin, avant les tableaux blancs ? L’information ne se trouve pas sur Google® et les gendarmeries ne s’ouvrent pas aux visites simples, il faut y être convoqué ou avoir une bonne raison de se plaindre, surtout pour voir son nom écrit à l’ordre du jour sur le petit tableau blanc, au feutre Velléda® bleu.« Même j’ai retrouvé debout la Velléda, Dont le plâtre s’écaille au bout de l’avenue,- Grêle, parmi l’odeur fade du réséda. » Dans la petite gendarmerie aussi le plâtre commence à s’écailler autour du tableau blanc, qui lui, brille avec arrogance dans le délabrement. Peu de moyens, les financements sont rares, les touches du clavier de l’ordinateur en face du tableau sont usées, l’ordinateur ronronne. Le parc informatique de la Gendarmerie Nationale :un poste pour deux gendarmes, mieux lotis que la Police Nationale, 2,53 policiers pour un ordinateur. Pour l’équipement en tableaux Vellédas et le nombre de feutres alloués, on ne trouve rien. Les gendarmes reçoivent-ils une petite trousse à feutre à leur arrivée ? Avec le flingue. Quatre couleurs. Un peu de gaité dans le bleu. Tableau blanc, feutre effaçable, on ne sait plus si le Velléda désigne l’outil ou le support, ce qui compte c’est de tracer les cases du programme du jour, le tableau blanc vendu comme l’indispensable des exposés, l’atout pour les réunions attentives en entreprise, oui parce que tu peux faire des schémas, les rater, les effacer, recommencer, à condition d’avoir un chiffon sec, un tampon pas trop sale, sinon ça fait des traces, sur le bord de la main, mais les allergies à la craie ont disparu, remplacées par d’autres, plus à la mode. On ne dessine plus de marelles dans les cours d’écoles. Est-ce qu’entre deux affaires les gendarmes s’amusent à dessiner sur leur tableau blanc ? Des cœurs ? Des bites ? Des fleurs ? Ou tout simplement des invitations, café croissants, barbecue dans le petit jardin de derrière, celui qu’ils partagent depuis leur logement de fonction. Ce serait un tableau scène, une sorte de catharsis des obscénités entendues toute la journée, ça leur ferait du bien non ? Mais comment dessiner un mort ? On fait un schéma ? Et pour un viol, y a- t-il une représentation cryptée ? Y-a-t-il une formation sémiologique dans la formation du gendarme ? Sur Studyrama® : devenir gendarme. Quatre contenus : formation professionnelle-judiciaire, administrative, circulation routière, circulez, y a rien à voir-, formation militaire-apprendre à tirer, pan !-, formation générale- relation au public, bureaucratique, bonjour Madame, asseyez-vous-, formation physique- savoir nager et bien courir, faire du sport-. Peu de traces des études de signes. On ne joue plus à la carte au trésor ni au gendarme et au voleur dans les cours de récréation. Quand le feutre Velléda® de la maîtresse n’écrit plus, on lève la main pour être l’élu, celui qui ira s’aérer cinq minutes pour se rendre dans la réserve à feutre, quitte à en glisser un ou deux dans la culotte, pour les piquer, Tiens regarde j’ai chouré ça à l’école ! Ici on ne joue pas, petite gendarmerie du coin, tableau blanc, t’es pas chez Malevitch. Carré blanc sur fond blanc, 1918, J’ai troué l’abat-jour bleu des limitations colorées, je suis sorti dans le blanc, voguez à ma suite. Blanc, bleu, gendarmerie nationale bonjour. On vogue à la suite mais il y a peu de nuances dans la pointe du feutre Velleda®, simplement celles de l’usure, il faudra bientôt le changer, elle le voit car la dernière lettre de son nom inscrit sur le tableau est à peine visible. Usé comme elle. Compassion avec un feutre. Elle n’ose pas trop le regarder, rivée sur sa peau de coccinelle, la peau abîmée…Des messageries instantanées utilisent aujourd’hui des tableaux blancs. Elles sont parfois couplées avec de la voix, comme c’est le cas pour Coccinella®, qui utilise le protocole Jabber®, basé sur un tableau blanc vectoriel. Elle n’a jamais essayé. Elle a perdu la voix. Elle ne sait pas manier les vecteurs sur le tableau Velléda® et son téléphone à messagerie est placé sous scellés.
oh quel régal ! entre information (tout de même) et amusement (plus réflexion) – vivent les documentaires de ce genre 🙂
Ravie que le doc te plaise! Merci Brigitte !!
Humour enrobé de langue documentaire = poésie virevoltante
Génial, Marie-Caroline 🙂
Oh merci Isabelle !!
Moi aussi j’ai adoré ton texte ! Les transitions entre écriture documentaire, écriture poétique et délicieusement ironique sont si naturellement fluides ! Merci !
Merci Helena ton commentaire est…très touchant et m aide beaucoup…à très vite!
ta première phrase intrigue… et me laisse un peu sur ma faim
Oui je comprends parce que c est un bout qui s insére dans un ensemble que le pdf petit à petit développe……
Documentation vivante, virevoltante. Plaisir à lire
Merci Huguette, plaisir également à lire votre commentaire….