/ un jour / une fois / c’est à dubna / c’est le matin / à la cafétéria du centre atomique / il y a konstantin peterzhak / il dit des choses / c’est à quelqu’un / c’est à moi / rien qu’à moi / georgy flyorov / il dit à moi / rien qu’à moi :
Une fois je suis né. Une fois j’ai pleuré.
Puis j’ai vagi. Puis j’ai pesté. Un peu. Puis beaucoup. Puis beaucoup beaucoup. Puis pas du tout du tout. Beaucoup beaucoup contre les chiens. Beaucoup beaucoup contre ma mère. Puis pas du tout contre ma mère. Pas du tout contre ma mère. Mais beaucoup beaucoup contre mon frère. Puis juste beaucoup. Et encore un peu. Maintenant encore un peu. Mais ça passe. Mais jamais. Jamais jamais. Contre mon père. Même petit. Même grand. Poussant d’abord petit. Puis poussant grand. Voyant les choses en grand. Ne pouvant m’empêcher de le faire. Voyant les choses en grand. Dès mon plus jeune âge. Dès que je voyais une chose. Ne pouvant élaborer qu’en grand. Comme si une chose ne pouvait être qu’en grand. N’avait de sens qu’en grand. Voilà. C’est ça. C’est exactement ça. Atteignant quant à moi. Péniblement. Soixante-trois centimètres. Puis atteignant. Quant à moi. Fort aisément. Cent cinquante centimètres. Puis atteignant. Difficilement. Cent soixante-sept et demi. M’étirant. Pourtant. Tous les matins. Tâchant de gagner au moins trois centimètres. Me suspendant aux tringles. A bout de bras. Au rideau de douche. Chaque fois que je me retrouvais seul. Dans une salle de bain. Chez un ami. Ou une amie. Ou simplement à la maison. Dézinguant. A la maison. Dès mon plus jeune âge. Les tringles à tout va. Les rideaux de douche à tout va. Déboursant. Dès mon plus jeune âge. Des fortunes. A la maison. Des montants de dingue. Pour des tringles. Même pas bonnes. Des rideaux. Peu solides. En plastique. Se déchirant pour un rien. Déglinguant. A l’époque. Les cabines de douche. Mieux qu’un marteau-piqueur. Ou qu’une entreprise de démolition. Tout cela pour atteindre. Péniblement. Cent soixante-sept et demi. C’est terrible. M’excusant. A l’époque. Auprès de toutes. Auprès de tous. De n’atteindre que cent soixante-sept et demi. Comme s’il était honteux. Aux yeux de toutes. Aux yeux de tous. De n’atteindre que cent soixante-sept et demi. Comme s’il était ridicule. Ou inconvenant. Aux yeux de toutes. Aux yeux de tous. De n’atteindre que cent soixante-sept et demi. Comme si avoir poussé. Des années durant. Pour n’atteindre que cent soixante-sept et demi ne convenait pas. Pour être. Ou exister. Déambuler dans le monde. Quelle pensée idiote. Ridicule. Ridicule même. Comme si. Pour convenir. Ou être au monde. Ou persister dans le monde. Mais convenablement. N’est-ce pas. Il aurait fallu cent soixante-dix. Au moins. Comme si avoir moins. Avoir peu. Etait une. Oui. Tare. Disons tare. Appelons tare. Comme si avoir moins. Avoir peu. Ne convenait pas à ce monde. Voilà. C’est dit. Je l’assume. Je l’assume. Comme si ma taille. Cent soixante-sept et demi. Ne convenait pas pour être. Ou m’épanouir. Pousser grand dans le monde. Voilà. Ridicule. Ridicule. Ridicule. Ridicule. Atteignant. Pour ma part. Ma taille. Rapidement ma taille. Puis basta. Ayant atteint ma taille. Puis basta. C’était cent soixante-sept. Et demi. Puis basta. C’était ma taille. Ma plus grande taille. Ayant atteint. Sans problème. Soixante-trois centimètres. Puis cent cinquante. Puis atteignant cent soixante-sept. Et demi. Puis basta. C’est assez. Voilà. C’est ainsi. M’accommodant alors de ma taille. Vivant des fois reclus. Dans les caves. Dans les cours. Ou dans les arrière-cours. Ou compensant des fois. Portant des lunettes blanches. A montures blanches et à verres noirs. Pour compenser. Des lunettes blanches. A montures noires mais à verres blancs. Pour compenser. Puis des lunettes. Très noires. A montures noires et à verres noirs. Pour compenser. Ou être beau. Etc. Enigmatique. Car j’étais beau. A l’époque. Et resplendissais. A l’époque. Etais là. Et bien là. Quand je portais des lunettes. A montures fines. Surtout à montures fines. Car j’allais l’air. Voilà c’est dit. J’avais bel air en montures fines. Voilà j’assume. Il m’arrivait des fois d’avoir l’air. C’était quand j’étais. C’était en montures. Fines et noires. Voilà. J’étais en montures. Fines et noires. Et j’avais l’air. C’était convenable. Voilà. Je suis convenable. Voilà. Me disais-je. Me persuadais-je. Me répétais-je. Et m’affirmais-je. Me confortais-je. Et me rassurais-je. Et racontais-je. En sortant de mon trou. En sortant de mes failles. De mes arrière-cours et de mes caves. Me regardant dans les glaces. Les miroirs et les vitrines. M’auscultant de près. Calculant mes effets. Persuadé. A l’époque. Pauvre fou. Dès mon plus jeune âge. De l’effet de l’effet. Comme si. Dans le monde. Quelqu’un. Ou quelqu’une. Allait se dire waw. Quelle pensée idiote. Ridicule. Ridicule. Trouvant des lunettes n’importe où. Par terre. Dans les détritus. Dans les caniveaux. Les chaussant illico. Paradant. Alors. En rue. Naturellement. Avançant d’un bon pas. Alors. En rue. Naturellement. Pauvre fou. Pauvre fou ridicule et ridicule. Ne pensant. Alors. A l’époque. Qu’à lunettes. Blanches ou noires. A montures fines. Si possible. Ni musique. Ni plante. Ni chaleur animale. N’attisant. A l’époque. Ma curiosité. Préférant. Et de loin. Quant à moi. M’ausculter de près. Des lunettes au nez. Paradant en rue. M’auscultant alors. Et de près. Des lunettes au nez. Préférant alors. A l’époque. Dès mon plus jeune âge. M’ausculter de près à n’importe quoi d’autre. N’auscultant pas le monde. Ne décryptant rien. N’y comprenant rien. Me fichant de le faire. Et ne pensant rien. Voilà. Vivant comme une peau voilà. Je vis comme une peau. Voilà. Je suis une peau. Me disais-je alors. Souvent. Me persuadais-je. Me définissais-je. Me présentais-je. Pensant comme une peau. Me racontais-je. Haussant des épaules. Dès mon plus jeune âge. Me fichant pas mal. Dès mon plus jeune âge. De tout balancer. Par les fenêtres. De tout fiche en rue. Par les portes. Les portières. Les vitres des voitures. Balançant. Naturellement. Dix-huit fois de suite. Mes paquets de chips vides. Mes canettes de bière. Ou de coca-cola. Mes coquilles d’œufs vides. Etc. Par les portes. Les portières. Les vitres des voitures. Juste pour ça. Poser. Ne pensant qu’à ça. Poser. Ne cherchant alors. A l’époque. Dès mon plus jeune âge. Que poser. Ridicule. Ridicule. Comme si. A l’époque. Dès mon plus jeune âge. J’avais été seul. Ridicule. Ridicule. Tout m’atteignant pourtant. Tout m’atteignant pourtant. Tout m’atteignant. A l’époque. Dès mon plus jeune âge. Voilà. C’est dit. Une mouche. Ou une mouchette. A l’époque. M’atteignant en plein cœur. Me retournant le cœur. Dès que je l’avalerais. Avalant des fois de ces choses. A l’époque. Sans le vouloir. Sans le savoir. Mais gardant le cap. En toute circonstance. Le contrôle de soi. En toute circonstance. Affichant cet air grave. Durant très longtemps. Cette posture infâme. Et ridicule. Ce visage emprunté. Ou apprêté. Pomponné avec soin. Répété. Des heures durant. Des années durant. Cultivant. Des heures durant. Des années durant. Cette posture infâme. Ridicule. Ridicule. Comme si rien. Aucune chose du monde. Aucun être du monde. Ne pouvait m’atteindre. Ridicule. Ridicule. Avalant des mouches. Par exemple. Trois fois. Par accident. Ou des mouchettes. Cinq fois. Par accident. Des larmes. Et un serrement de cœur. A chaque fois. Me montant alors. Tant j’ai pensé souvent. A l’époque. Qu’une mouche. Ou mouchette. Avalée. A l’époque. Par accident. Me raccourcirait avant l’âge. Ou quelque chose du genre. Tant j’ai craint souvent. A l’époque. D’être raccourci avant l’âge. Me persuadant. A l’époque. Qu’il serait malheureux d’être raccourci avant l’âge. Tant je me suis dit. Très souvent à l’époque. Qu’il y avait des âges. Au moins deux. L’âge d’être raccourci et l’âge de ne pas l’être. Des gens. Des fois. Etant raccourcis à l’âge d’être raccourci. Des gens. Des fois. Etant raccourcis avant l’âge de l’être. Ou après. Est-il possible d’être raccourci après l’âge d’être raccourci. Ou quelque chose du genre. Me suis-je demandé. Souvent. Pleurant des fois toute une nuit à l’idée d’être raccourci avant l’âge. Par accident. Ou inadvertance. Etant. Des fois. A l’époque. Négligent ou inadvertant. Passant ma vie. A l’époque. A être négligent ou inadvertant. Pestant. Des fois. Toute une nuit. Contre ma mère. Jamais mon père. En raison des choses. De l’état des choses. Des mouches et des mouchettes. Pouvant raccourcir les gens avant l’âge. Ou à l’âge. C’est-à-dire à l’heure. Ou après l’âge. C’est-à-dire en retard. Des gens étant raccourcis en retard. Y a-t-il des gens raccourcis en retard. Me demandais-je. Souvent. A l’époque. La nuit. Pleurant pestant contre le monde. Ou contre ma mère. Ou contre le monde et puis ma mère. Ou contre le monde et puis ma mère. Au choix. Au choix. Ridicule. Ridicule. Ridicule. Pleurant. D’ailleurs. A l’époque. Pour un rien. Pleurant quand on me disait pleure. Quand ma mère disait pleure mon chéri pleure. Ou pleurant quand mon père disait pleure mon chéri pleure. Etc. Ridicule. Ridicule. Ridicule. Pleurant aussi quand je perdais des choses. Un petit soldat. Disparu dans les herbes. Un petit poignard. Disparu dans les herbes. Au pied d’un poteau. Electrique. En béton gris. Etc. Etc. Ne fuyant pas pour autant la maison. Restant bien longtemps à proximité de ma mère. A proximité de mes frères. De mon père. De nos canaris et de nos poissons rouges. Ne me décidant pas à partir. A prendre le large. A respirer. Aspirant à partir. Disant des fois voilà. Ça y est. Cette fois c’est sûr. Je vais partir. Rien ne me retiens. Voilà. C’est dit. Je pars. Je prends le large comme on dit. Je boucle mes valises comme on dit. Le temps de faire le tri. De faire la part des choses. Entre le linge utile et le linge inutile. Et je m’en vais. Voilà. C’est dit. Je pars ailleurs. Voilà. C’est dit. C’est une bonne fois pour toutes. Inutile de chercher à m’amadouer. Je demeurerai inflexible. Je pars je pars. J’ai réservé mon billet de train. J’ai loué un paquebot. Une place en première classe. Le temps de bourrer mon linge utile dans une valise ou dans un sac. Et je m’en vais. Voilà. C’est une bonne décision. C’est une sage décision. C’est décidé. C’est pour toujours. C’est pour une steppe. Ou une pampa. Ou une pelouse intérieure. C’est loin des boues. En tout cas. Et des champs de patates. A mille lieues des champs de betteraves. Le temps de peser le pour et le contre. De faire la part des choses. De poser côte à côte. Sur mon lit. Les objets utiles. Le temps de remettre à leur place les objets inutiles. Et je m’en vais. Voilà. C’est dit. C’est pour ailleurs. C’est pour toujours. Compris ? Compris ? Compris ? Ai-je dit. Souvent. A l’époque. A ma mère. A mes frères. A mon père. Dans la cuisine. Dans les nuées de vapeur. Dans les effluves des viandes. Dans le grésillement des beurres. Parmi les poêles. Les casseroles. Les fours à bois tournant plein pot. Mais demeurant pourtant. Mais végétant pourtant. Des années durant. Dans les boues. Dans les champs de betteraves. Dans les champs de patates. Craignant petit a : de me briser un os. Craignant petit b : de me désaxer l’épaule. Craignant petit c : de manquer de mouchoirs de poche. Ou quelque chose du genre. Me disant bah tant pis. On verra plus tard. Vivant alors des années durant comme un reclus. Dans la crainte. Dans les ombres. Dans les arrière-cours ou les caves. Ne me brisant aucun os. Ne perdant aucun orteil. Aucun outil ne m’entamant le cuir. Aucun outil n’altérant ma personne. Ou ne l’entaillant sur quinze centimètres trente. En pleine face. Ou sur les fesses. Songeant plutôt à préserver. A gérer. Au mieux. Ma petite personne. A la conserver. Intacte. Telle que née. Telle qu’un jour sortie de l’utérus. Du vagin de ma mère. Convaincu que le mieux était de vivre. Tel qu’un jour sorti de l’utérus. Persister. En somme. A vivre petit bébé plutôt que de se perdre me suis-je dit. Souvent. A l’époque. Ou cuire n’importe où. Au soleil. A proximité d’un puits de pétrole en flamme. Me suis-je persuadé. Très souvent. A l’époque. Estimant très souvent. A l’époque. Que le pire était de cuire. Prendre feu. N’importe où. Au soleil. Dans une automobile. Dans les vapeurs d’essence. Dans un désert torride. A proximité d’un puits de pétrole en flamme. Ou d’une grange en flamme. Me méfiant de tout. Du sel. Du poivre et des étés intenses. Des fortes chaleurs. Des effluves des femmes. Etc. Rêvant pourtant. Fortement. D’envolées. D’aventures ultra fortes. De combats à mains nues. Mais gardant les deux pieds sur la terre. Foulant petitement les pelouses. L’été. Jouant petitement au football. L’été. Dans la rue. Sur l’asphalte. Ou jouant petitement aux soldats de plomb. Aux cyclistes de plastique. Inventant des guerres. Des combats sans fin. Des courses épiques. Tenant les classements. Sur papier. Des semaines durant. Inventant des courses extraordinaires. Ou traçant des traits. Simples traits. Sur papier. Trajectoires de balles. Sur papier. En pointillé. Comme on en voyait le soir. A la télévision. Dans les reportages. Au journal parlé. Quand les canonnades. Dans la nuit. Expédiaient des choses. Dans la nuit. Des obus. Des balles traçantes. Dans les airs. Dans les nuits sans fin. Dans les nuits d’ailleurs. A l’étranger. Chez les sauvages. Dans les guerres sordides. Dans les guerres sauvages. N’arrivant qu’ailleurs. Chez les sauvages. Ne comprenant pas. Nous autres. Comment les sauvages persistaient dans leurs guerres. Leurs combats de sauvages. Ne voyant. Nous autres. Aucun intérêt à poursuivre. Persister à être. Dans des guerres sauvages. Au pays des sauvages. Ne voyant. Nous autres. Aucun intérêt à être sauvages. Disions-nous souvent. A l’époque. Préférant. Nous autres. Et de loin. Vivre petit petit. A l’ombre. Dans les cours. Dans les caves. Rêvant d’aventures pourtant. De contacts brûlants. Ou rêvant d’être chien. Ou de faire le chien. De manger un os. Comme un chien. De briser un os. Comme un chien. D’en extraire des choses. Des substances. L’attirante moelle. Hésitant pourtant. Bien souvent. Pour ma part. A saisir un os. De poulet. Ou de lapin. Dans mon assiette. A le porter en bouche à la fin du repas. Quand les viandes les patates et les légumes. L’essentiel quoi. Seraient avalés. Disparus. Tour à tour. Derrière la cravate comme on dit. Comme on aimait dire. A l’époque. Mon frère et moi aimant dire et redire. A l’époque. Des choses que l’on aimait dire à l’époque. Répétant sans fin. Nous autres. derrière la cravate. S’enfiler des choses derrière la cravate. Nous lançant souvent. Nous autres. A l’époque. Des défis. Enjoignant mon frère à s’enfiler des choses. A les expédier. Derrière sa cravate. Mon frère m’enjoignant souvent. A l’époque. A m’enfiler des choses. A les expédier. Derrière ma cravate. A mordre. Par exemple. Un os. Un simple os. De poulet. Ou de lapin. Pas de côtelette. Jamais de côtelette. Derrière ma cravate. Comme le ferait un chien. N’importe quel chien. Croquant un os. Expédiant. Derrière sa cravate. Une substance. La moelle. Ne ressemblant à rien. N’ayant à l’époque. Nous autres. En tête. Aucune idée. Aucune vision de moelle. Ne sachant rien. Nous autres. A l’époque. Des moelles. Des consistances. Et des couleurs des moelles. Ne connaissant personne. Nous autres. A l’époque. Adorant la moelle. Ma mère et ma grand-mère n’ouvrant jamais les os. Ne portant en bouche jamais de moelle. Mon père et ses frères. A l’époque. N’ouvrant jamais les os. Ne portant en bouche jamais de moelle. Mon frère se défilant. Comme toujours. Me défiant du regard. Puis saisissant un os. Dans son assiette. Comme un chien en rage. Puis mordant dedans. Comme un chien en rage. Et se brisant une dent. Puis. A mon tour. Me saisissant d’un os. Dans mon assiette. De poulet. Ou de lapin. Je ne sais plus. Tâchant de le croquer. Comme un chien en rage. Avec fureur. Sans délicatesse. Et me brisant une dent. Ou quasi. Puis perdant une dent. Réellement. Puis. Plus tard. Deux dents. Réellement. En raison d’une rage. D’une fureur de chien. M’ayant une fois saisi. A l’issue d’un repas. Quelle folie. Quelle façon de vivre. Insensée. Ridicule. Ridicule. Avait dit ma mère. Mais vivant ensuite. Et fort bien. Sans une dent. Sans deux dents. M’accommodant du manque. De la perte. A jamais. D’une dent puis de deux. Me disant souvent. A l’époque. C’est ainsi. C’est comme ça. On vit sans une dent. Sans deux dents. Puis vivant alors. Sans une dent. Sans deux dents. Jusqu’à maintenant. Ne palliant en rien. Jusqu’à maintenant. Laissant faire les choses. Jusqu’à maintenant. Me nourrissant de peu. Puis de beaucoup. Me resservant à table. Exagérément. Ne goûtant jamais aux crêtes des coqs. Aux ergots des coqs. Ni aux becs de coqs. Préférant. Et de loin. Les pâtes. Puis le riz. A n’importe quoi d’autre. Renonçant très vite aux joues et aux langues. Aux joues des lapins. Aux langues des bœufs. Y goûtant pourtant. Plusieurs fois. Imitant mon père et mon grand-père. Prenant peu à peu leur allure. Leur ventripotence. La prenant sur la tard mais la prenant. Désespérant de la prendre mais la prenant. Ne faisant pas grand-chose pour ne pas la prendre. Désespérant de ne pas faire grand-chose pour ne pas la prendre. Mais ne faisant rien pour ne pas la prendre. Pestant dix-huit fois de la prendre. Désirant. Pourtant. Ardemment. De ne pas la prendre. Mais ne faisant rien pour ne pas la prendre. Voilà. C’est dit. C’est ainsi. C’est idiot. C’est comme ça. Ridicule. Ridicule. Ridicule. Avançant dans le monde sans radar en somme. Balançant des propos. Des graines. Au hasard. Avançant dans le monde au petit bonheur. Ne jurant que par lui. Voilà. C’est dit. Puis j’ai su qu’un et un faisaient deux. Puis j’ai su où était l’Amérique. Puis j’ai lu des histoires à un oncle. Puis j’ai bruissé longtemps. Comme une herbe. Me terrant comme un chien. Poussant dans les ombres. Dans les arrière-cours. A l’abri des regards. Puis j’ai parlé un peu. Puis beaucoup beaucoup. Puis reparlé un peu. Puis beaucoup beaucoup. Comme un perroquet. Répétant. Comme un perroquet. Tout ce qu’on disait. Ce que j’entendais. Ne faisant pas le tri. Disant toutes les choses. Comme elles me venaient. Ne laissant place à rien. Occupant le terrain. Avançant une chose. Puis son contraire. Empêchant les gens de dormir. Mes propos. Une fois. Tenant éveillé quelqu’un. Toute une nuit. Mes propos. Une fois. Empêchant un chien de dormir. Toute une nuit. J’étais fou. Insensé. Insensible. Incapable de garder. Rien que pour moi. Incapable de me taire. J’étais fatigant. J’étais fatigué. Avançant une chose. Puis son contraire. Puis reprenant la chose. Puis son contraire. Puis ravançant la chose. Puis son contraire. Laissant. Une fois. Un grille-pain brûler. Un toit brûler. Une étable. Une grange. Un champ de blé. Des pneus. Des carcasses de porc brûler. Me fichant de ces incendies. Continuant. Coûte que coûte. A tenir des propos sur tout et sur rien. C’était noir. Pourtant. A l’horizon. S’élevant en colonne. A l’horizon. Et puant l’hydrocarbure. Empestant l’air. Le chargeant de miasmes. Me contentant. Pour ma part. De hausser les épaules. Comme si de rien n’était. Comme si ma mère ne courait pas d’un côté à l’autre de la cour. Les bras chargés de seaux d’eau. Comme si mon père ne courait pas d’un côté à l’autre de la cour. Un extincteur au CO dans les bras. Comme si tout cela. La peur panique. La ruine. Ne comptait pas. Pauvre fou. Pauvre fou. Me contentant de tenir des propos. Tout heureux de tenir des propos. De laisser filer les choses. Le cul bien assis. Le cul bien calé. Sur une chaise en bois. Mal équarrie. Mal dégrossie. Posée là. Dans la cour en terre. Au milieu de tout. Des herbes folles et des poules paniquées. Des brindilles de paille enflammées. Des vaches meuglantes et des tas de fumier. Attendant que ça se passe en somme. Calmement. Attendant de me laver. De débarrasser mes mains et mon ventre des scories. De l’odeur de suie et du noir de suie. Ayant appris. Pour ma part. Dès mon plus jeune âge. A me laver. Des fois quotidiennement. A me raser. Des fois une fois la semaine. Juste par goût. Juste pour être. Paraître exister. Paraître au monde. C’était fou. Insensible. Insensé. Passant d’abord mes mains à l’eau tiède. Puis mes pieds. Puis mon ventre. Puis passant mes mains à l’eau chaude. Puis mes pieds. Puis mon ventre. Rougissant ma peau. Comme un sauvage. Prenant feu. Comme un sauvage. Dégommant les insectes. Les rampants et les vibratiles. Frappant des fois mon frère au visage. Ou pinçant des joues. Grillant une fois des fourmis. Les étalant sur mon pain. Leur étalant de la confiture. Sur le dos. Les antennes. Les petites coques vides qu’elles étaient devenues. Ouvrant une fois la tête de mon frère. A coup de crosse. Me goinfrant de beurre jusqu’à pas d’âge. M’oignant de beurre. Jusqu’à pas d’âge. Allant quelques fois les mains ointes et la bouche ointes. Des heures durant. Dans les bois. Dans les champs de patates et les prairies. Puis arrêtant net. Dégoûté du beurre et de moi-même. D’avoir pu ainsi. Des années durant. Errer sur terre. Sans vergogne. Sans gêne aucune. Les mains ointes. La bouche ointe. Délaissant alors. Peu à peu. Des choses. Me délestant des œufs. Par exemple. Ou du beurre. Ou des viandes. Ne trouvant plus dans le beurre de la joie. Ne trouvant plus dans les viandes de la joie. Ne trouvant plus dans les œufs de la joie. Moi qui avais trouvé de la joie. D’abord un peu. Puis beaucoup beaucoup. Dans les œufs. Dans le beurre. Dans les viandes. Comme dans les arrière-cours. Comme si tout cela. Toute cette joie. Etait finie finie. Avait disparu de la terre. Enlevée par quelqu’un. Mais qui. Emportant la joie. Toute la joie. Ailleurs. Pour faire quoi. Ai-je dit un jour. Ai-je demandé. A ma mère. Chargeant mon assiette. A midi. En patates. En œufs. En viande et en beurre. Arrosant le tout de lait. De l’immonde lait. De lait soudainement immonde et dégoûtant. Sans joie aucune. Délaissant alors. Pour ma part. Sans regret. Le beurre et le lait pour toujours. Revenant. Pourtant. Quelques fois au lait. Mais sans joie. Mais délaissant les viandes. Délaissant le beurre. Sans regret. Pour toujours. Laissant aux autres. Sans regret. Pour toujours. La cuisson des viandes. L’absorption de beurre. Revenant plus tard. Toutefois. Sur les œufs. Absorbant les œufs à nouveau avec joie. En pleurant de joie. Tout heureux. Alors. De retrouver œufs. Et de chérir œufs. A nouveau. Avec joie. De fourrer des fois leurs coquilles vides dans mes poches. Ayant pris l’habitude. Dès mon plus jeune âge. De fourrer des fois des coquilles d’œufs. Des coquilles vides. Dans mes poches. Ayant pris l’habitude. Dès mon plus jeune âge. De fourrer des fois. Dans mes poches. N’importe quoi. Des bâtonnets secs. Des os. Des coquilles d’œufs vides. Des bouts d’emballages. Etc. Dans mes poches. Toutes ces choses comptant pour du beurre. Toutes ces vies brisées. Comptant pour du beurre. Ne valant plus rien. Disait ma mère. Me faisant les poches. Dès que j’arriverais. Rentrerais de mon tour. De mon escapade. Ne comprenant pas. A-t-elle souvent dit. Ne comprenant rien. A-t-elle souvent dit. A ce sale gamin. Voilà. C’est dit. Qu’elle aimait. Pourtant. Plus que tout au monde. A-t-elle souvent dit. Plus que mes chiens. Plus que mes filles ou que l’oiseau rinrin. A-t-elle souvent dit. Délaissant alors. Quant à moi. Peu à peu. Mes airs. Mes grands airs. De divine diva. Vivant recluse. Depuis toujours. Comme un chien. Comme une chienne. Dans les ombres. Dans les arrière-plans. Dans les arrière-cours. M’effrayant d’un rien. Dans les interstices. Dans les failles. Vivant dans la crainte. Toujours. Portant des vêtements. Toujours noirs. Des t-shirts. Toujours noirs. Des pantalons noirs. Et des caleçons noirs. N’écoutant rien de bon. Ne faisant rien de bon. Végétant des fois des jours durant. Dans mon lit. Dans mon canapé. Tournant court. Dans un monde tournant à rien. Dans un monde tournant court. Ou riant de tout. Extrêmement. Trouvant à redire. Toujours. Sur le monde. Sur les choses. Sur la vie recluse. Mais ne faisant rien. Dix mille fois. Ressassant les choses. Dix mille fois. Reprenant les choses. Dix mille fois. Tenant des propos. Dix mille fois. Sur tout et sur rien. Trouvant à redire. Toujours. Sur tout et sur rien. Pensant non non et non ça n’est jamais ça. Ne sera jamais ça. Ou quelque chose du genre. Reprenant alors les choses. Dix mille fois. Réouvrant les choses. Dix mille fois. Peut-être par crainte. Je ne sais pas. Je ne sais pas. Paradant. Alors. Dans le monde. En divine diva. Me donnant des airs. De divine diva. A la boucherie. A l’hypermarket. Me tenant en retrait. Immobile. Attendant mon tour. Chez le boucher. Ne parlant de rien. Ni à personne. Me contentant. Chez le boucher. D’être là. Des journées entières. Immobile en retrait. Sans chaleur humaine. Ayant d’abord été. Dès mon plus jeune âge. Sans chaleur humaine. Puis ayant acquis. Un peu. Tout petit peu. De chaleur humaine. Puis acquérant de la chaleur humaine. Beaucoup beaucoup. Et dispensant de la chaleur humaine. Beaucoup beaucoup. Puis reperdant de la chaleur humaine. D’abord un peu puis beaucoup beaucoup puis retrouvant de la chaleur humaine d’abord un peu puis beaucoup beaucoup portant d’abord la barbe puis la moustache puis rien du tout puis une mouche fine sous la lèvre inférieure ne ressemblant à rien coupée en brosse mais dégageant je ne sais pas pourquoi de la chaleur humaine d’abord un peu puis beaucoup beaucoup. Voilà. C’est dit. Puis j’ai marché. Avec joie. Puis j’ai mangé. Avec joie. Bu vu lu su. Avec joie. Dit mis pris ri. Avec joie. C’était ici. Georgy Flyorov. C’était sur terre. Comprends-tu. Georgy Flyorov. Comprends-tu. On est sur terre. Georgy Flyorov. On est sur terre. Toi non plus tu n’y coupes pas. Georgy Flyorov. Toi non plus tu n’y coupes pas. C’est fou. Déraisonnable. Insensé. Mais sensible. Et jouissif. Et drôle. Georgy Flyorov. C’est fou. Déraisonnable. Insensé. Mais sensible. Et jouissif. Et drôle. Pas vrai ? Pas vrai ? Pas vrai ? Georgy Flyorov ? Pas vrai ?
/ puis il se tait / puis il trempe son pain / puis il boit son café / puis il salue flyorov / puis il revêt sa combinaison / puis il va au travail / puis il irradie / puis il rentre chez lui / à Dubna / dans son appartement / se regarde quelque chose / ou se dit quelque chose / ou s’endort / ou reste avec lui-même / infiniment avec lui-même / faisant corps avec lui-même / infiniment avec lui-même / ou quelque chose du genre /
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ceci a lieu
le jour où konstantin peterzhak aurait pu dire :
des fois
dans mes pelouses
dans mes steppes intérieures :
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les choses dodues me semblent louches
je m’emporte contre les armoires
je trouve de petits yeux au fond des bocaux vides
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ceci n’a pas eu lieu
le jour où konstantin petezhak aurait pu dire :
des fois
dans mes pelouses
dans mes steppes intérieures :
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brume devant
brume derrière
brume qui pousse à partir
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ceci n’est qu’une hypothèse / je ne la développerai pas plus avant / je ne veux pas / quant à moi / peler du cerveau / naître / comme peterzhak / du flanc d’une vache /
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J’ai tout à fait adoré lire ce texte.
et un tout grand merci à vous de l’avoir lu, Jeanne ! je vous embrasse !
Et bien bravo ! Il fallait le faire ! et vous l’avez fait. Génial.
a bin ! merci pour votre commentaire ! et grand grand plaisir à l’avoir fait !
ah ben on la voit déjà la perf’ (pas ‘usion) au bout de ce texte et moi je l’attends sur le web car on n’est pas voisins ! car ça chante tellement vos textes que j’attends la voix qui va les scander, qui va les dire, et le corps qui va gesticuler avec un peu, donc nous tenir au courant, hein ?