Pas de photos non les occupants successifs de ces lieux ont de tous temps nourri une certaine méfiance pour les images d’eux- mêmes et de leurs proches concédant aux jeunes générations qu’apparaissent d’abord les albums- bords crantés des photos format petits biscuits feuilles de séparations translucides- puis abandonnant le combat noyés sous le flot des images crépitant tout autour des corps. Celle qui arrive pourtant est représentée enfouie au fond d’un petit livre que personne ne voit. Cette tenue cette jupe large qu’elle s’est amusée à revêtir après l’avoir achetée dans une boutique dite vintage, ce petit pull serré à la taille très ajusté sur les seins lui font la silhouette d’une héroïne de la littérature de jeunesse dont une adolescente a lu les aventures dans une des chambres à l’étage. Elle lui ressemble jusqu’aux cheveux coiffés en dépit de la mode. Ainsi son image s’écrase et se démultiplie à quelques mètres au -dessus d’elle gravée dans ce papier poreux de la collection verte et coloriée sur la couverture lisse. Depuis la ferme située de l’autre côté de la route une jeune femme l’a vue, s’est demandée qui elle était tout en s’occupant de ses filles. L’homme a repris l’élevage des veaux sous la mère, il a un réseau de clients qui emplissent régulièrement leur congélateur en prévision de grands repas au terme desquels on chante encore. Une femme passe , l’institutrice en retraite qui a connu la petite lectrice. Un enfant l’accompagne qui pose des questions auxquelles il est répondu à voix haute comme pour un autre auditoire. Oui les fougères n’ont besoin que d’eau et de vent pour se reproduire . Parfois l’enfant fait un écart s’attarde accroupi près d’une herbe distrayant leur groupe de la route retrouvant par instant le chemin d’école encore connu de la main qui le rabat vers le tracé nouveau.