bien embêtée, tous mes livres enfermés attendant la fin du chantier pour être délivrés, je n’ai que la mémoire pour les retrouver, les reconstituer, les réinventer — pas facile —, leur odeur à chacun et à celui-là en particulier peut-être un peu plus acide, le papier, le corps jaune du livre, le titre en deux couleurs, ou alors quoi me séduit ou me prend à la gorge, me rentre dans le corps au fur et à mesure que j’y pense et que ça pénètre mes yeux, forcément abîmé écorné gondolé que sais-je encore, parce que malaxé consulté trimballé bien des fois à travers la maison et même au jardin, mais qu’est-ce qui a joué là dans ce moment précis où le livre a commencé à me parler, certains mots racontant plus que d’autres et touchant le profond, le milieu de moi, le froissement de la peau contre les pages chaque matin de l’hiver, et il ne s’agit pas des effets du récit lui-même — j’oublie toujours les méandres que dessinent les histoires —, plutôt l’idée de nature, de prairies, d’arbres immenses, de joie et de mort, d’animaux en chasse, de cris, de pertes, de temps qui s’enfuit, et même qu’il n’a pas eu le loisir de trop vieillir, ce livre-là déposé contre le mur près du lit depuis son arrivée par la poste pour honorer ma nouvelle vie, c’était la veille de Noël 2022 après le long voyage, le livre dans un emballage en kraft venu jusqu’à moi par les bons soins d’une amie chère, jusqu’à cette maison solitaire au bord de l’étang
Photographie ©Françoise Renaud, Cévennes 2021
Joie de te retrouver ici, chère Françoise, et de lire à nouveau ton écriture si dense, imprégnée de terre, de vent, de la présence des arbres, du souffle des saisons… riche de sensations et de mots qui me lient à une langue plutôt que » les méandres que dessinent les histoires «
toute première réaction sur ce cycle été 23, la tienne, qui me touche, me prend au cœur, me donne l’envie à poursuivre…
merci Muriel
Quelle photo magnifique et lire ce texte c’est aborder ce qui fait vraiment l’écriture de Françoise Renaud, ses inspirations, ses strates… Que d’échos entre le livre décrit et l’essence de ses textes. Merci doublement, chère Françoise.
oui l’essentiel y est dans la mémoire ou l’esprit, l’air qui parcourt ce livre, la rencontre, et pas forcément les méandres de l’histoire, et puis s’ajoute pour l’évoquer bien la distance du souvenir
imprécisions et déformations liées au temps sur les matières et les événements qui composent peut être le souffle des textes…
« j’oublie toujours les méandres que dessinent les histoires » »,
je partage tout à fait cela
retenir une musique, un rythme, des images surtout, une atmosphère
oui c’est cela, se laisser tirer vers le haut par un rien, un reflet, un fil de rien…