Les faubourgs végètent sur une herbe pelée, des pylônes jalonnent un interminable terrain vague, coupé en deux par une route rectiligne, la voiture de loc connait la chanson, globule rouge véloce sur une artère qui peine à séduire, elle traine ses pneus, à chaque contrat, sur le goudron qui conduit à Sofia. София, nous y sommes, le panneau vient, dans les deux alphabets, d’émerger du vide. De grandes barres d’immeubles surgissent à la sortie d’un tunnel, d’autres poussent sous nos yeux, tours étroites et hautes, énormes paquebots restés à quai, blocs rectangulaire affichant sept ou huit étages alors que le GPS, bouillonnant annonce une arrivée imminente. Entre deux empilements de logements où beige et gris rivalisent de dégradés, vous êtes arrivé, votre destination est à votre gauche, pas de trace d’appart hôtel, pas de néons, pas de fléchage, une numérotation des entrées qui déroute, une ZUP, loin de la carte postale qu’on enverra du voyage, des fils enchevêtrés qui dépassent des armoires électriques, une supérette fermée. Pourtant, un gamin apparait, il a les clés. Vue sur une forêt d’immeubles une fois en haut, l’appartement est confortable et lumineux, le métro est à deux pas, la basilique Sainte Sophie à dix minutes. Le petit globule peut rester sur le parking, le quartier est sûr.
Arriver par un train de nuit, directement en ville, se passer des abords, des faubourgs, de la banlieue, de la pauvreté qui s’affiche en dehors du cœur battant des cités. Passer devant, en train mais ne pas s’attarder, ne pas ouvrir le store du compartiment, rassembler ses affaires, vérifier que tout est là, avancer vers la sortie, dix minutes d’arrêt, c’est plus qu’il n’en faut pour descendre. Découvrir, en pleine lumière, la ville qui s’offre, échapper aux miasmes des restes de la nuit. Se laisser séduire, se laisser guider, se laisse mener, se laisser aimer, glisser sous les arcades, les ponts, les coursives, se fondre dans les ruelles, les places, les impasses, traverser les jardins, surplomber les avenues. S’étale-t-elle en bord de mer ou d’océan, en altitude, cette ville où on est, où on vient d’arriver, est-elle de béton ou de pierre, est-elle suspendue ou lacustre ? Arriver par un train de nuit, et, directement à cœur, la saisir.
J’aime beaucoup vos deux arrivée, le sens du détail comme celui de la métaphore.
Merci beaucoup, Laure, pour votre commentaire.