#anthologie #01 | Choix

« Vivre en région parisienne est un choix de carrière, vivre ici est un choix de vie »

Se souvenir de cette phrase pendant chaque trajet maison-travail-maison. N’avoir retenu que ces mots du discours, asséné par notre haut responsable face à l’assemblée de ses employés locaux réunis ce jour-là. Avoir, comme tous les autres, compris la signification de la réponse à la question sur nos perspectives d’évolution. 

Une réponse claire : des perspectives ? ici ? aucune.

Alors, continuer de parcourir les trente cinq kilomètres du trajet quotidien tout en notant l’extension régulière du temps passé à faire la navette. Avoir essayé les transports en commun inadaptés à cette zone industrielle construite initialement pour la voiture-reine. 

Parvenir à destination: un bâtiment de la fin des années soixante-dix, en béton sur un étage au dessus d’un rez-de-chaussée. De face, un bloc irrégulier en hauteur et en profondeur, étalé sur cent cinquante mètres. Vu de haut, trois zones : à gauche en arrivant, un personnage avec une petite tête rectangulaire, deux bras largement ouverts et un corps carré, le pied gauche touchant une silhouette de robot tendant ses deux longs bras vers la droite. Ces deux formes également reliées par un dernier large rectangle à peine entamé par quelques creux sur son pourtour.  

Un bâtiment, à l’origine destiné à la formation pour les métiers des télécommunications. Tous les métiers, principalement techniques, cette filière n’existant pas dans les cursus de formations publiques. 

Cette structure de formation -les bâtiments, les hébergements, la cantine, les loisirs (bibliothèque, cours de tennis disparus dans la tourmente de la privatisation)- devenue obsolète et reconvertie en bureaux. 

La reconversion consistant en morcellement des espaces sans remaniement avec pour résultat des bureaux étroits pour deux ou trois personnes, hauts de plafond, souvenirs des centraux téléphoniques. Froids l’hiver car mal isolés dans les années du tout pétrole. Chauds l’été quand le soleil tape sur des fenêtres larges de un mètre et hautes de deux. La notion de voile de protection de béton, pourtant mise au point au Brésil des les années cinquante, ne résistant pas à l’envie de modernité des architectes du bâtiment de formation.   

Ces architectes respectants les consignes de leurs commanditaires : un bâtiment d’apparence intégré, mais avec des séparations compréhensibles entre l’espace des cadres et celui des techniciens. L’espace loisir restant commun. Les croisements semblant malgré tout nécessaires. 

Donc, la forme de robot, dédiée aux techniciens. La forme humaine à tête carrée dédiée aux cadres avec des espaces plus larges, un escalier en hélice imposant, majestueux, un amphithéâtre, de la moquette dans les bureaux. Important la moquette, sa hauteur étant un marqueur distinguant le cadre lambda du cadre supérieur. Ici pas de cadre supérieur, X est trop loin. Parfois en stage pratique peut-être ou alors en visite pour annoncer de mauvaises nouvelles. Mais contrariés d’avoir des employés si loin au sud-ouest du pays et si proches de la mer. Un choix de vie certainement. 

A propos de Noëlle Baillon-Bachoc

Lectrice compulsive, attirée depuis le plus jeune âge par la littérature de l’imaginaire avec une prédilection pour le fantastique. Je me consacre à présent totalement à l’écriture. J’anime des ateliers d’écriture et des stages dédiées à la littérature de l’imaginaire.

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