Bientôt près d’ un siècle que l’empire français n’existe plus. C’était une dystopie construite par les armes où l’on administrait, réprimait, évangélisait, produisait, circulait, vivait, spoliait, extorquait, priait, enseignait, soignait, exécutait, s’installait, créait des familles, rêvait, méprisait, admirait, s’étonnait, divisait, détruisait, construisait, remplaçait, ne se mélangeait pas, chassait, s’amusait, travaillait, versait des dividendes, collectait l’impôt, tuait, faisait faillite, revendait, exportait, faisait des reportages, photographiait, donnait des nouvelles, écrivait, mourrait, rentrait, doutait, croyait . Une dystopie, à son apogée, vingt-deux fois plus grande que la France et presque deux fois plus peuplée de sujets français. Malgré sa disparition, elle vit encore en nous aujourd’hui cette gigantesque dystopie qui avait commencé quatre siècles plus tôt et produit crimes contre l’humanité et désastres écologiques, ruines et fortunes, drames collectifs autant qu’individuels, triomphes et guerres . Elle vit encore en nous comme les secrets de famille dont on ne connaît plus ni les dates ni les protagonistes et dont bientôt seuls les historiens, les politiques, les économistes ou les écologistes pourront situer les péripéties, mais dont toute la famille, descendants directs ou très lointains collatéraux, porte encore les marques ou subit les effets. Cette mémoire coloniale dont nous sommes tous comptables, descendants de colons ou non, par méconnaissance, candeur, ingénuité ou naïveté. Elle vit d’autant plus en nous que le souvenir de son existence s’efface et tombe progressivement dans l’ignorance et le déni. C’est notre secret de famille. D’autres pays que la France essaient de relire le récit de la colonisation et d’en traquer les empreintes pour qu’elles ne les poursuivent pas encore sur sept générations. Il est temps de nous y mettre.
J’ai envie de regarder en face ce secret de famille à travers la recherche documentaire et la fiction. Il ne s’agit pas de faire oeuvre d’historien mais de retrouver des traces d’une mémoire émotionnelle toujours active, de celle qui se transmet à travers les générations et qui dure plus que les livres d’histoire. Des personnages de fiction et une abondante recherche documentaire collaborent au service de cette enquête à la recherche de notre secret de famille.
En lisant, ton personnage m’a fait penser à l’André Dufourneau de Michon. Tes descriptions de la Guyane avec certains passages de l’Indochine de Duras. Comme évoqué dans le zoom, le texte prend pour moi une autre dimension avec l’intervention de celle qui écrit, doute face aux enjeux, à son positionnement et au travail impressionnant de documentation.
Merci Jérôme. J’avoue n’ avoir jamais lu jusqu’au bout les vies minuscules de Pierre Michon. Je vais m’y mettre, car je l’ai bien sûr dans mes étagères. C’est effectivement la documentation qui guide mon projet : comment peut-on ignorer, nier, ne pas reconnaître tout ce pan de l’histoire française ? Des vies minuscules certes, des colons floués, mais aussi un aveuglement collectif, un mensonge qui dure malgré de multiples lanceurs d’alerte.
Je viens de télécharger cette nouvelle version! Je pense pouvoir la lire dès que nous serons de retour à Madrid! On prend la route (en voiture), aujourd’hui ^^
Merci Rebecca et bonne route. Les commentaires me font avancer en me permettant de préciser mon projet : la façon dont il est reçu m’aide à voir ce que je croyais avoir exprimé clairement, mais qui n’était que dans ma tête, tout à fait implicite.
ahlala quel boulot Danièle! On déboule là-dedans sans problème, ça accroche, l’écriture est fluide. Tu es super documentée mais je me dis que tu as peut-être à affiner l’équilibre entre documentation et la profondeur de tes personnages, par moments j’ai l’impression que tu es totalement accaparée par ce que tu as lu et qu’il faut peut être dégraisser un peu ou établir plus de ponts pour incarner encore plus les personnages. je n’ai pas encore tout lu donc ce commentaire vaut pour la première partie, à prendre avec des pincettes, peut-être que la suite me fera changer d’avis.
Merci Catherine de ta lecture et de ton commentaire (très juste). Je laisse poser, je digère…avant de m y remettre.
oublié de te dire que tes transitions twistées d’un chapitre l’autre m’amusent beaucoup, on sent la malice de l’auteur