J’ai 17 ans, je ne veux plus aller à l’école. J’ai trouvé un job de vendeuse, pas tout à fait déclaré, dans une boutique de prêt-à-porter de la rue Saint-Sever, Rouen gauche. Cette rue doit son nom à l’église qui la surplombe mais je pense que peu de gens le savent car pour eux Saint-Sever c’est surtout le gros centre commercial à côté. L’odeur des kebabs, de la pluie sur les pavés et de la fumée de ma cigarette s’entremêlent. Il y a mieux.
Pour rentrer chez moi le soir je faisais le même trajet qu’à l’aller. Je quitte la boutique vers 19h30, ou souvent bien après. Je longe la rue Saint-Sever en direction de l’église, je tourne à droite pour entrer dans le centre commercial que je traverse: FootLocker, H&M, Aubade, Leclerc, etc. Tout cela pour atteindre mon arrêt de tram. Saint-Sever, Joffre-Mutualité puis on traverse le pont Jeanne d’Arc, je suis au dessus de la Seine, j’arrive à Théâtre des Arts; après quinze affiches publicitaires qui ont défilé je peux enfin descendre. Je prends un TEOR ou transport est-ouest rouennais, une sorte de gros bus qui a ses voies personnelles. Je m’arrête Place Saint-Marc, je longe l’Intermarché qui fait l’angle, je cours, je vais louper le dernier bus pour rentrer: la ligne 11.
Je l’ai souvent loupé. Le pire c’est quand le chauffeur te voit courir mais qu’il ne s’arrête pas, alors qu’il sait très bien que c’est le dernier bus. J’en ai insulté des chauffeurs. J’insultais le monde entier à cette époque.
J’avais deux choix: appeler ma mère, 10 minutes en voiture ou longer les quais le soir pendant une heure. Evidemment ce n’est conseillé. J’appelais ma mère même si cela me contrariait fortement. Sa condition: marcher jusqu’à Saint-Paul, c’est éclairé et c’est à côté. Plus facile pour faire demi-tour. Par contre il n’y avait pas d’abri de bus à Saint-Paul, juste un poteau avec les horaires dessus. J’attendais ma mère, sous la pluie, souvent, car nous sommes à Rouen mais je ne l’attendais pas longtemps.