Le ciel est gros, gros comme un désespoir qui colle. Gros dans ses retranchements, gros par le percement de mémoire. La mémoire tient chose dans son gros ventre. Un gros nid de rires et de menaces, des gens qui soufflent un gros geste. Gros, le temps qui file comme un rouleau d’intestins. Le gros s’efforce de tout cacher avec les mains, de rester discret. Mais quand on est gros, tout se voit et surtout, tout est un ciel de plomb. Un gros marche d’Enfer en Enfer en suivant des méridiens déformés. Les lignes se voilent parfois, ensevelies derrières de gros murs qui tremblent et tombent au passage des gros à proximité. Quand les gros sont plusieurs, les minces n’osent pas défier les gros. Les gros font peur. Les gros grognent et hurlent à la lune et dévorent ceux qui osent les déranger durant leurs repas, qu’ils ne font qu’entre gros. Mais lorsque un gros est seul, il ne parvient à communiquer que par le chagrin. Un gros chagrin qui ne se voit pas, qui se noie dans les couches de graisses de gros. Pour qu’un gros cesse de pleurer, il faut le taper très fort. Au bout d’un moment le gros ne sent plus rien et ça lui fait du bien. La douleur d’un gros ventre est la carapace de celui dont la carapace s’est émiettée à la naissance. Le jour arrivera où tous les gros se donneront la main pour aller couvrir de larmes les tombes de tous les gros morts ne n’avoir pas pu se retenir. Les gros arracheront aux maigres la fadeur de n’être pas gros. Ils chanterons que les gros savent de la chair sèche qu’elle est impuissance de mort. On a vu un gros traverser des ponts et n’arriver au bout que les pieds devant. Et encore d’autres gros courir autour des dunes pour trouver une corde pour se pendre ou se masque la vue. Parfois des gros se réveillent affolés avec l’idée de devenir maigres. Il cessent de manger comme si la matière vide faisait matière d’homme. Leur conscience devient flasque, autant que leur ventre dans les orgies solitaires de gros. Les yeux des gros se crispent dans une éternité comptée. La mutilation des gros, c’est l’ennui des nombres.
J’aime beaucoup ce texte
Content qu’il te plaise !
Les gros seraient un peuple magique ?
C’est bien possible…
Waouw, ça bouscule, et ça fait du bien !
Cool !
la grande peine du gros (qui le rend si attendrissant)
Et c’est là le gros problème des gros : ils sont attendrissants. Et c’est de ça qu’ils ne veulent pas.
Sublime ! Cela valait la peine… Comment partir d’un gros ciel pour construire un peuple imaginaire et d’un coup on a un pied dans du connu et un pied au-delà… Et la fin sur compter et les nombres. Magique ! Merci
Tu as super bien saisi l’intention, ça fait très plaisir !
Tu as bien saisi l’esprit du texte, ça me fait super plaisir !
Très chouette oui. Jamais facile de faire un texte qui dit quelque chose, avec poésie. Là c’est brut et beau, même si la proposition n’est pas à mon sens exploitée complètement : ça vaudrait le coup de pousser sur les ruptures de rythme, en n’utilisant pas d’autre ponctuation que « gros », et s’obliger à faire sens malgré cette difficulté. Presque sûre que ça donnerait encore davantage de force… Allez, essaie ! 🙂
Merci !
Le corps, ce boulet qu’on traîne toute notre vie….
Pas forcément !
Un gros merci pour ce gros texte pas du tout grotesque. Une mine à mon avis…
Merci, touché !