D-A-U-B-E. Cinq lettres pour désigner un plat fumant et fumeux dont les restes se consomment FROIDS, en gelée, du dimanche soir à la fin de la semaine si nul n’a eu l’idée d’achever la daube CHAUDE avant. Hist : ce mot d’origine lyonnaise signifie “gâté“ appliqué à des fruits et des viandes. Par extension, «nul à souhait» dans l’expression « c’est d’ la daube « .
La daube est un plat qui n’en finit pas de se consommer en famille. Chaque province y met son grain de sel (ici une pomme de terre, là des haricots plats). Il se compose de 2kg d’aiguillettes de rumsteak, 2 pieds de veau, 250 grammes de poitrine fumée, d’un litre de vin rouge, carottes, oignons, échalotes, ail, zestes d’orange sans oublier le bouquet garni qui pique la langue. Chez nous, les Bordelais, l’ail et le bouquet garni est essentiel, le vin, lui, vient du Madiran, le zeste d’orange, de ma mère.
La préparation de la daube s’étale sur trois jours. Trois jours sans discontinuer à entendre ou à prononcer, selon son degré d’implication, ce nom de DAUBE, -as-tu acheté la viande pour la daube ? – elle cuit depuis combien de temps, la daube ? – tu peux baisser le feu sous la daube ? -elle a de la puissance, ta daube ! -le zeste ,c’est le clou de la daube – on a de la daube pour la semaine.
Le secret d’une bonne daube, c’est la viande. La choisir pas trop jeune pour garder une mollesse en bouche plus proche de la sensation d’origine (cf viande avariée). Faire couper le rumsteak en assez gros morceaux et séparer en deux les pieds de veau. Mettre toutes les viandes, lardons y compris dans une terrine avec un bouquet de fines herbes, les échalotes émincées, l’ail entier, 20 grains de poivre de Kompot, un peu de sel, une pincée de muscade. Arroser avec un litre de vin rouge et 1cuillerée d’huile d’olive. Placer au réfrigérateur 24h en remuant 2 ou 3 fois.
Le lendemain, verser la préparation dans une passoire posée sur un récipient afin d’y recueillir la marinade. Eponger puis faire revenir les morceaux de boeuf dans 2 cuillerées d’huile d’olive. Attention à ne pas trop les saisir, la chaleur peut briser les fibres (et rendre la viande plus immangeable qu’elle n’est en se glissant par petits bouts entre les dents). Ajouter les pieds de veau, les carottes, les oignons, la marinade, les assaisonnements et le bouquet garni. Couvrir, amener à ébullition et laisser cuire à petits frémissements au moins deux heures. Lorsque la viande et les pieds de veau sont fondants, la daube est cuite. Les carottes aussi.
Dégustation 1 avec au choix riz ou pommes de terre en accompagnement pour éponger la sauce. La viande fond sous la dent ,réminiscence d’une escalope de foie gras mi-cuit avant le devenir vegan, les senteurs du thym et romarin mêlées au mauvais vin de la propriété se mouillent, m’embrouillent. Pitié, pas de saison 2.
Daube, daube, daube, c’est d’la Daube.
Réchauffer les restes à petits bouillons. Une fois la sauce déliée, les répartir dans un moule à terrine. Passer le jus et le faire couler dans le récipient pour combler les trous. Couvrir et disposer au frais au moins 8h pour faire prendre le boeuf en gelée.
Daube, daube, daube, c’est d’la Daube.
Dégustation 2, une lente et longue agonie papillaire débute : la viande moelleuse se mâche dans une gangue de matière siliconée. Ses morceaux libèrent leur jus sous le pilon mécanique des molaires, brin de thym, jus, jus, jus arômes d’agrumes, jus, jus, jus pointe de muscade, jus, jus, jus, exquise esquisse d’une faim cannibale.
Daube, daube, daube, c’est d’la Daube. A moins que ce ne soit un bœuf bourguignon.
-Ah non ! C’est MA Daube !
-Maman ?
On en mangerait ! dixit une lyonnaise de naissance,
Je ne sais pas si la daube est bonne, mais ça se lit avec plaisir.
J’en ai plein la bouche !!
Mais est ce qu’on peut souhaiter de la daube?
Non pas lorsqu’elle est en gelée ! Je n’ai jamais aimé ça