Tu m’as laissée sortir comme ça, avec ma jupe trop courte, bottes aux mollets et les genoux qui dépassent, c’est complet. Manquerait plus que je tombe par terre et qu’on me ramasse à coup de Mercurochrome, comme quand j’étais gamine dans la rue Michelet, c’est complet. À mon âge, j’ai l’air de quoi. Pas de miroir à l’hôtel, faut dire, pas de miroir assez grand pour se regarder de pied en cap – je leur dirai à l’hôtel que ça manque les miroirs – mais toi, toi, tu aurais pu me dire que ça n’allait pas, si je ne peux plus compter sur toi, c’est complet ! Et me voilà dehors, dans cette tenue, à me croiser par hasard dans la vitrine des magasins avec les dames à côté, toutes belles et apprêtées, qui me louchent dessus avec l’air de se moquer, c’est complet. Ah ! ça te fait rire, rire aux larmes, c’est complet, comme une pluie sur les cils et le maquillage qui coule des yeux au nez et du nez à la bouche, des larmes de pluie venues de pays où il ne pleut pas, v’là que je parle en chanson, c’est complet. C’est toujours triste, les chansons, tu as remarqué ? Comme si on avait besoin de ça, comme si la vie était gaie ! Il disait on n’a pas peur, on est des fous, et maintenant qu’il n’est plus là, qu’il est partout, sous la terre ou dans le ciel, on ne sait où… Ah non ! On ne pleure pas ! On rit mais on ne pleure pas ! C’est rien, tu sais. Des expériences. De petites expériences de la vie, disons plus ou moins grandes. Mais quand même : sortir du néant d’avant le commencement, et seul voyageur encore, marcher dans l’herbe fraîche, essuyer les tempêtes, pour retourner au néant d’après le finissement, dans la même solitude : tout ça pour ça, moi je veux bien, et si c’était à refaire je ferais tout pareil, mais c’est beaucoup, tu sais. C’est la vie, ma chérie, et c’est la mort aussi. Tiens, c’est joli ce rayon de soleil qui tombe sur ton visage, des yeux au nez et du nez à la bouche, des cheveux au menton, qui prend toute la figure, c’est vraiment très joli et tout à l’heure, s’il y a un arc-en-ciel, là ce sera complet.
J’aime beaucoup ! Ai pris le temps de lire mais je n’ai pas le temps de faire un commentaire élaboré, « j’écris un truc » dis-je à l’instant même à ma mère… qui me répond : « on saura demain matin si on a gagné au loto ».
d’autant que c’était bientôt l’heure de passer à table! merci pour l’adorable clin d’oeil 🙂 vous nous direz pour le loto!
jolie chute
merci Brigitte !