C’est à cet endroit précis qu’elle arrive, quand le soleil est à l’horizon, affaibli, il va bientôt disparaitre, il est au loin et n’aveugle plus, creusant de nouveaux sillons de couleurs dans le ciel, élargissant sa palette, nuançant la réalité, c’est à ce moment précis qu’elle arrive, quand il a rejoint la ligne de l’horizon et que ses rayons ne sont plus qu’un couloir qui scintille et qui semble découper la mer en deux, c’est à cet endroit précis qu’elle arrive, pieds nus sur le sable, elle s’avance vers l’eau, et se dirige vers le soleil, elle est face à lui, c’est un combat presque déloyal, elle sur ses deux pieds, lui rampant, roulant, fuyant, c’est à ce moment qu’elle arrive, quand le soleil forme des vaguelettes de lumières sur l’eau, que les lumières clapotent, elle arrive, s’approche et plonge dans ce couloir d’eau et de lumière, les yeux fermés, elle avance, sentant contre ses mollets les différences de température entre les eaux encore illuminées, par les feux du soleil croupissant, et les eaux déjà assombries et plus profondes, la nuit s’y étant déjà installée, c’est à cet endroit précis qu’elle arrive, pour son premier plongeon, comme elle aime le faire, elle se jette tête la première, arc de cercle qui la précipite face contre sable, puis elle se hisse de nouveau à la surface par la force de ses mains contre ce fond, à cet endroit, elle se dégage des eaux d’un coup d’épaule et se remet debout, jette un regard vers la terre, ce regard à la dérobée et confiant, ce clin d’œil, elle sourit à la mer, et commence à nager cette fois en restant à la surface, l’eau glisse de son dos à ses pieds, elle claque son pied, comme une bravade à ceux qui restent, puis ses bras, l’un après l’autre, vont chercher loin devant, ses yeux piquent au contact du sel, elle avance, ses pieds battant la mesure, elle compte, un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, ne respire pas, reprend, respire légèrement, en mettant le nez dehors, comme un caprice, elle n’est plus comme les autres, elle, elle fait partie des mondes souterrains, elle échappe aux lois naturelles, elle échappe à la loi des hommes, son corps ne fait plus qu’un, à cet instant précis, avec l’immensité qu’elle célèbre, par les mouvements de son corps, en rythme, par cette danse à chaque fois renouvelée, quand elle vient ici, à cet endroit précis, elle est libérée, elle est seule et nombreuse, sa peau est chair et eau, son corps devient un monde, non pas une île étanche, ni une épave qui flotte, mais bien une goutte parmi les gouttes, son corps est continué par la mer, il devient un bras, un affluent, qui se jette dans l’océan, on ne la distingue bientôt plus, le soleil ayant quitté la partie, la mer se rafraichit et se terre, à peine murmurante, dans les caves de la nuit.
Pensé tout de suite à « Penser comme un iceberg » d’Olivier Remaud… Elle est seule et nombreuse, son corps devient un monde, une goutte parmi les gouttes… wouah !
Merci ! et merci pour la référence, je ne connais pas du tout ! Je vais découvrir !
Bonjour Lamia,
Un beau texte pour passer de la vision oculaire au ressenti profond,
Cat
Merci ! J’aimerais tellement parvenir à rendre toutes les sensations d’un plongeon …
tellement séduite par ce texte, la reprise de « c’est à ce moment (cet endroit) qu’elle arrive » rythme bien et j’ai surtout aimé l’absence de point donnant une meilleure fluidité à l’ensemble. peut-être essayer sans ponctuation, en le lisant à voix haute…?
Rétroliens : L#2 « Je ne la vois plus » – Tiers Livre, explorations écriture
Merci pour la suggestion ! Je vais essayer de le mettre en voix.
Rétroliens : #5 ne plus le regarder en face – Tiers Livre, explorations écriture