Sur un aplat de rocaille, il lance le pas, l’accélère. Il est entre le ciel et l’eau – au milieu d’un nulle part pour qui a besoin de repères ; ce milieu de nulle part-là est son repère à lui ; seuls lui sont mystère les chevauchements de forces souterraines qui font de ce chaos d’à-pics, de douces pentes vertes, de glaces, de rivières, cascades et lits asséchés, son jardin familier. Le chaos est de la nuit des temps jusqu’au temps de naguère ; ici la terre tremble encore ; tremble le jour comme la nuit ; et quand ceux des vallées craignent pour leur toit, leur vie et leur bétail, lui sait qu’au milieu de ce grand tout il n’aura qu’à chercher autre voie, autre anfractuosité, autre lac perché pour y trouver abri, réserver de quoi tromper la soif et s’alimenter de rien. II est homme de peu de mots, imprévisible comme la terre d’ici ; il est fort de ses méandres et de ses équilibres mais pauvre de se taire et de rester caché en sa tanière dès qu’il aperçoit l’un de ses congénères.