Celle qui n’était pas là. Celle qui récitait Racine. Celle qui riz au lait. Celle qui peignait. Celle qui peignait aussi. Celle qui a écrit des poèmes. Celle qui a essayé. Celle qui a fait des enfants. Celle qui grimpait aux arbres. Celle qui avait un diplôme de chimie. Celle qui ne s’est jamais mariée. Celle qui a disparu et dont on n’a jamais entendu parler. Celle qui avait de la moustache. Celle qui parlait toute seule. Celle qui regardait la télévision le mercredi après-midi. Celle qui est morte. Celle qui a oublié. Celle qui passait sa main dans les cheveux des enfants en souriant. Celle qui n’était jamais sur la photo. Celle qu’on a inventée. Celle qui tenait sa tasse en porcelaine avec soin. Celle qui était la même. Celle qui acidulait. Celle qui était floue, et c’était peut-être sa sœur. Celle qui ramassait les pommes. Celle qui les cueillait. Celle qui a tout détruit.
Augmentation du texte (une semaine plus tard)
Celle qui n’était pas là, regardait ailleurs, perdue entre les carreaux de la fenêtre. Celle qui récitait Racine, devant ses yeux cruels une autre a trouvé grâce. Celle qui riz au lait, riait, rigolait. Celle qui peignait la girafe. Celle qui peignait aussi, des girafes. Celle qui a écrit des poèmes aux rimes pauvres comme un hiver sans fin. Celle qui a essayé sans jamais trouver rien qui rime à rien. Celle qui a fait des enfants, puis des adultes, et des petits-enfants . Celle qui grimpait aux arbres, de branche en branche et s’y cachait pour écouter les murmures des amoureux qui gravaient des cœurs aux troncs. Celle qui avait un diplôme de chimie et qui savait que rien jamais ne transformerait le plomb en or. Celle qui ne s’est jamais mariée, attendant le retour de la guerre d’un jeune homme auquel elle n’avait pu avouer son amour. Celle qui a disparu et dont on n’a jamais entendu parler mais dont l’existence ne fait aucun doute. Celle qui avait de la moustache et dont, enfant, on évitait les embrassades. Celle qui parlait toute seule et disait quand personne n’était là pour l’entendre les plus belles phrases jamais prononcées. Celle qui regardait la télévision le mercredi après-midi, puis le soir, le lendemain, et encore après, jusqu’au mardi, puis recommençait. Celle qui est morte, le diable l’emporte. Celle qui a oublié, tout, ou fugacement croit avoir déjà vu ce visage, mais sans pouvoir se rappeler quand, quand sommes-nous d’ailleurs, ni mettre un nom dessus, ni retisser le lien qui pourtant fut fort. Celle qui passait sa main dans les cheveux des enfants en souriant sans qu’on n’imagine jamais que sans la pression sociale elle en aurait fait de la bouillie pour chats. Celle qui n’était jamais sur la photo, et c’était mieux ainsi, difforme, ingrate, laide en un mot, on lui évitait de se confronter à son image. Celle qu’on a inventée, dont on raconte le départ, mais qui n’a jamais été qu’une légende pour embellir d’une aventure un arbre généalogique trop terne, plan-plan. Celle qui tenait sa tasse en porcelaine avec soin, par la anse translucide et buvait du bout des lèvres un marc de bourgogne qu’elle faisait passer par du thé. Celle qui était la même, et dont on a déjà tant parlé qu’il n’y a rien à ajouter. Celle qui acidulait, ce qui ne veut rien dire, mais lui correspondait tout à fait. Celle qui était floue, et c’était peut-être sa sœur, son visage impossible à mémoriser, sa voix banale, ses trémoussements même d’une platitude extrême. Celle qui ramassait les pommes et les mangeait entières, trognons et pépins compris. Celle qui les cueillait, les rangeait côte à côte sur les claies, attendant l’hiver. Celle qui a tout détruit, sabordé, exterminé et qui ne veut plus rien avoir à voir avec personne.
Réduction du texte (le lendemain)
Celle qui regardait ailleurs entre les carreaux de la fenêtre. Celle qui a trouvé grâce. Celle qui riait. Celle qui la girafe. Celle qui des girafes. Celle qui a comme un hiver sans fin. Celle qui rime à rien. Celle qui a des petits-enfants. Celle qui s’y cachait pour écouter. Celle qui transformerait le plomb en or. Celle qui n’avait pu avouer son amour. Celle qui n’a jamais entendu parler. Celle qui évitait les embrassades. Celle qui disait les plus belles phrases jamais prononcées. Celle qui regardait jusqu’au mardi. Celle qui l’emporte. Celle qui croit avoir déjà vu ce visage. Celle qui n’imagine jamais que de la bouillie pour chats. Celle qui était difforme, ingrate, laide en un mot. Celle qui n’a jamais été qu’une légende. Celle qui buvait du bout des lèvres. Celle qui était rien. Celle qui ne veut rien dire. Celle qui était peut-être sa sœur. Celle qui mangeait trognons et pépins. Celle qui rangeait, attendant l’hiver. Celle qui ne veut plus rien avoir à voir avec personne.
j’aime le « Celle qui riz au lait » et j’ai aimé des riz au lait assez pour garder goût pour ce dernier
Ah, oui, le goût, la texture. Tout.
Et moi j’aime beaucoup « Celle qui n’était jamais sur la photo. »
« Celle qu’on a inventée. », très juste. La Femme, une invention littéraire ?