Dans la chambre au-dessus d’elle, même configuration, même mobilier, un homme. Son PC est posé sur la table en formica. Il est assis devant son PC, face à la fenêtre. Il écrit. Il aurait pu tourner le dos à la fenêtre, mais il préfère lui faire face, même si son regard, à lui aussi, vient buter sur l’immeuble d’en face. Il a besoin d’avoir vue sur l’extérieur. Lui, il sait pourquoi il est là et pour combien de temps. A côté de lui, un reste de repas qu’il s’est fait livrer et qu’il a mangé tout en écrivant. Sur le lit, son sac à dos. Un livre aussi, il ne part jamais sans. Dans la chambre en dessous d’elle, un homme et une femme, ils sont sur le lit, ils font l’amour, vêtements au sol, épars, un costume couleur sombre, tissu fin et coûteux, chemise blanche, cravate lignée, classique, un jean, des baskets, une chemise légère, pas de sac ni d’ordi, ils ne voient rien qu’eux-mêmes, et encore. Il n’y a rien sur la table ou les chaises. Ils n’ont même pas pris la peine de baisser le store. De toute façon au même étage dans l’immeuble d’en face, c’est la pénombre. Dans la chambre à côté d’elle, porte d’entrée à droite de la sienne quand on est dans le couloir, il n’y a personne. Dans la chambre du côté opposé, porte d’entrée à gauche de la sienne, une femme aussi. Elle fait les cent pas dans la chambre, elle est en voyage d’affaires, elle essaie de joindre son mari au téléphone et il ne répond pas, elle est certaine qu’il la trompe, qu’il profite de ses absences pour s’envoyer l’une ou l’autre de ses collègues. Peut-être comme le gars en costume de tissu fin et coûteux et la fille en jean et baskets qu’elle a vus sortir de l’ascenseur, à l’étage en dessous. Elle aussi, elle sait combien de temps elle va rester et d’ailleurs elle va rentrer plus tôt que prévu, histoire d’essayer de la confondre. Au son du train qui s’approche, elle va vers la fenêtre, elle a juste le temps de voir le train s’engouffrer dans le tunnel, regarde l’immeuble d’en face sans le voir. Elle ne regarde pas vers le haut, elle n’y pense pas. Elle reprend son téléphone, tente un nouvel appel. Pas de réponse. Elle se dit qu’elle ne parviendra pas à dormir. Dans la chambre en face de la femme qui croit que son mari la trompe, configuration inverse, même mobilier, un homme vient de s’installer après un repas bien arrosé, il a posé son sac près de la fenêtre qui donne sur la rue, il ne regarde rien, il ouvre le lit et s’y laisse tomber, s’endormant sur le champ d’un sommeil sans rêves. C’est étrange comme les autres chambres occupées semblent se regrouper autour de la sienne, il y en a d’autres, bien sûr, mais on l’a compris, même configuration, même mobilier et même type d’occupants aussi. On n’est pas ici pour des vacances ou du tourisme, quoique peut-être, il pourrait y avoir des touristes à petit budget. Ça, elle le sait. Ce qu’elle ignore c’est qui se trouve dans les autres chambres et quelles chambres sont occupées. De toute façon, même si elle savait qui occupe les autres chambres, elle ne connaît pas ces gens et les connaître, savoir qui ils sont n’a aucun lien avec la raison de son séjour dans cet hôtel. Du moins, c’est ce qu’on peut penser. Elle se demande ce qu’elle fait là, mais c’est plutôt par une sorte d’hébétude, ne pas croire qu’elle a finalement sauté le pas car, au fond, oui, elle sait très bien ce qu’elle fait là.
Quel ballet, quel cinéma! C’est appétissant, Catherine. Va-t-il y avoir un meurtre? Une disparition, un trublion qui connaît tout le monde? On attend …
Merci Claire. Haha ! Je n’en sais rien moi-même… 😉
Oui, c’est fascinant de voir les autres vivre à nos côtés et quel meilleur endroit qu’une chambre d’hôtel ! J’attends la suite très intriguée.
Merci Irene !
belle idée, si simple et radicale que n’avais pas été fichue d’y penser, les vies proches, cachées et anonymes ou presque inconnues
Merci Brigitte
L’avantage des Formule 1®, c’est que l’insonorisation y est tellement inexistante qu’on peut entendre ronfler gémir parler pleurer (barrez les mentions inutiles) les occupants de la chambre à côté de la chambre à côté. Bénédiction pour un·e scénariste, pas nécessairement de films classés X. Bref, vivement la suite, quelque soit la direction que prendra cette histoire.
Haha ! Mais je n’ai jamais dit qu’il s’agissait d’une Formule 1 😀
Il et Elle…Respiration, suffocation…Un rythme implacable…Merci
Merci à vous !
« Du moins, c’est ce qu’on peut penser » laisse entendre que d’autres personnages sont à l’œuvre ici ! Super bonne idée que la chambre d’hôtel…
Merci 🙂
Cinema on y pense . Hopper il passe dans la tête. Présent Implacable de la description. Froid. Saisissant