Ce qu’il ne sait pas c’est que le mur contre lequel il s’est appuyé en rentrant avait été repeint après les autres, ce qu’il ne sait pas, c’est ce que la peinture aurait cherché à recouvrir, parce qu’il ne perçoit pas la nuance. Il pense avoir l’œil mais il ne sait pas distinguer des âges de peintures de mur, il ne voit pas que ce jaune n’est pas exactement le même que sur les trois autres pans. Il a une existence en couche unique, ne pense pas aux mille-feuilles qui peuvent se tisser chez les autres. Alors il ne cherche pas où il faut ce qu’il est venu chercher, en poussant la porte. Ce qu’il ne sait pas c’est que pourtant, les murs parlent, que d’autres avant lui les ont écorchés, éclaboussés, rayés. Jamais il ne gratte, il n’explore pas en archéologue mais en démolisseur. Il ne sait pas que la faille se trouve sous le plâtre, parce qu’il ne lui a pas posé les bonnes questions, à elle, avant de s’en aller. Il est parti trop vite, avec son sac de visiteur passe partout, sans écouter entre les lignes, sans lire entre ses mots à elles, insensible qu’il est aux clapotis de ses lèvres fatiguées qui peinent à dire. Elle avait essayé de l’orienter, mais il ne le sait pas, il n’entend que les grandes lignes et passe à côté des murs sans même les toucher.
Le lien avec la photo me fait penser au Papier peint jaune de Charlotte Perkins Gilman
https://livre.fnac.com/a14988929/Charlotte-Perkins-Gilman-Le-papier-peint-jaune
Ah oui, merci pour ce lien…qu’elle n’avait pas vu!
L’existence de ce jaune en couche unique me parle, semble lié à une dispute, que sais je ?
on verra n’est ce pas ?
(partie moi aussi à l’instant sur une histoire de murs… mais pas sûr que ça tienne la route)
Oui il est possible que ce mur clair cache de sombres histoires…ou s’effondre….je ne sais pas trop, oui on verra!! les histoires de mur c’est quelque chose…au plaisir de te lire! merci!
Belle idée que cette peine à voir à travers les strates de la peinture du mur, cela ouvre vers d’autres couches sans que l’on sache bien lesquelles, on filerait bien la métaphore plus loin, en glissant vers le fantastique, vers une longue rêverie. Certaines phrases ouvrent vers quelque chose : « Jamais il ne gratte, il n’explore pas en archéologue mais en démolisseur. » On voudrait que cela se prolonge, cela s’enfonce dans quelque chose. Quelques expressions me gratouillent l’oreille par contre comme s’il y avait un ou deux mots parasites parfois qui font obstacles à un flux qui s’écoule plutôt bien, peut-être le relire à haute voix pour tester la musique.
merci, oui je ne relis jamais, ni à haute ni à basse voix mais cela vaut le coup, je vais tenter….merci pour cette attention à la musicalité des couches de peinture, c’est précieux!
S’il suffisait de raser les murs pour les mettre à nu, les discrets connaîtraient plus de secrets que les fouineurs. Toutefois, je ne suis pas certain que cela changerait le monde.
En revanche, ce qui se cache sous cette couche de Pantone 1235 C pourrait bien changer sa vie, et celle du lecteur…
Oui, Rémi, cela se pourrait bien….merci pour la lecture!
Le terrible conditionnement littéraire —pavlovien, presque — fait attendre la mort face au « petit pan de mur jaune ». Je m’empresse donc d’allez voir si’l y a des pommes de terre dans ton Graillon.
Et oui le conditionnement du petit pan de mur….et les patates suivent oui…merci pour ta lecture Emmanuelle!!
Ah, l’étourderie de ce personnage est une belle promesse !
J espère..il ne sait pas trop..merci !!
Je découvre ton texte peu après avoir fini la lecture de « Leçon de choses » de Claude Simon, et cette superposition lui donne une belle coloration. Il y a à creuser dans cette idée de surface et de profondeur, de démolition qui s’accompagne ou pas d’une exploration.
Merci beaucoup Laure pour ce commentaire et cette lecture qui encouragent à creuser oui…ce texte m a aidée à commencer le pdf…et je creuse encore…à bientôt !