Ce qu’elle ne saura pas – saura pas quoi, ni où, ni pourquoi, ni pour qui, ni comment, ce qu’elle ne saura pas – quoi, ne saura pas quoi ?, ce qu’elle ne saura pas, pas encore mais qu’elle saura un jour, un jour peut-être, un jour demain, un jour jamais, un jour parce que mais un jour qu’elle ne saura pas encore, et ça cognera très fort, très fort ce jour où elle saura, très fort parce qu’elle aura cherché, tellement cherché, cherché depuis longtemps, depuis presque toujours en fait, depuis qu’elle sent, depuis qu’elle sait – parce qu’elle sait que ce qu’elle sent tire déjà le fil de ce qu’elle ne sait pas, qu’elle ne sait pas pourquoi elle ne le saurait pas – quoi, mais ne saurait pas quoi ? pourquoi elle en resterait là et n’en restant pas là… là, à se dire qu’elle ne le saura pas ; mais besoin de savoir, impérieux besoin de savoir – impérieux non plus elle ne sait pas pourquoi, ou bien le sait un peu, un peu, un brin tout de même ; le savoir, sachant qu’il faudra dire je voudrais pour le savoir, parce qu’on ne dit pas je veux ; ne se contentera pas de ce qu’elle sait ni de ce qu’elle saura pour sûr, n’en restera pas là sans comprendre et se disant qu’elle ne le saura pas, qu’elle ne comprendra pas, sachant que pour savoir, il est impératif bien sûr de poser les questions, les questions non posées obtiennent rarement de réponses… alors, elle pose les questions, les pose pensant qu’on le saura et qu’on le lui dira – mais qu’on lui dira quoi ? qu’elle comprendra enfin, sentant aux voix cependant qu’elle en pose trop de ces questions-là, deux questions, deux, trop de questions déjà, et elle d’insister au dehors avec son je voudrais, tenaillée au dedans par son je veux savoir, elle d’obtenir surprenants parce que, y croyant volontiers et puis, le temps passant, y croyant sans y croire et puis n’y croyant plus et comprenant qu’il y a ce qu’elle saura – saura sans avoir eu à poser les questions – et ce qu’elle ne saura pas même en les posant, ce qu’elle ne saura pas, sans comprendre pourquoi elle ne le saurait pas, puis, inéluctablement pourquoi elle ne le saura pas même en posant les questions, se persuadant qu’elle ne le saura pas parce qu’elle ne doit pas savoir, se persuadant un temps que ce qui compte c’est ce qu’elle sait, que ça compte plus encore de savoir ce qu’elle sait que de savoir ce qu’elle ne sait pas, trouvant cependant dans ce savoir-là, savoir en partie tronqué, l’impulsion pour chercher à nouveau, chercher encore à savoir, se disant que si elle ne sait pas encore – pas encore mais un jour – ce qu’elle ne sait pas, ne saura pas encore, comptera peut-être plus que tout au monde, plus que ce qu’elle sait déjà – alors, qui le lui dira ? qui le lui dira ce qu’elle ne le saura pas, peut-être pas, peut-être jamais, peut-être un jour, si, un jour, jamais on le lui disait ? Qui le lui dira que ce qu’elle ne saura pas ne compte pas plus que tout au monde, qu’assurément ça ne compte pas plus qu’elle ? et dans les éveils de la nuit, elle, se persuadant enfin qu’il n’y a rien à savoir – rien – qu’il n’y a rien, rien à savoir, ni quoi, ni qu’est-ce, ni pataquès, alors, elle inventera.
Les Italiques respirent dans cette quête insensé d’un savoir indécis. Merci
insensée
Merci pour ce retour, Emmanuel ; vrai qu’il est besoin de respirer dans cet écrit de révolte et de quête – en espérant que le « elle inventera » sans italiques permet néanmoins de souffler un peu, enfin.