Marie,
Je ne t’écris pas, bien sûr. J’écris pour moi, en désespoir de cause. Ce sera ma dernière lettre que j’ajouterai à toutes celles que j’ai déjà écrites. Puis je repartirai, si cela m’est possible, vers d’autres horizons. Irrespirables cet endroit, cette ville, cet appartement. J’ai marché sur tes pas pendant trop longtemps, j’ai essayé en vain de comprendre, ai supporté tous les regards hostiles, répondu aux questions les plus accablantes, de la police, de tes parents, de tes amis. Comme si j’avais été le coupable de ta disparition que je ne comprends toujours pas. A moins qu’il ne te soit arrivé un malheur, comment as-tu pu faire cela ? Que s’est-il passé entre nous que je n’ai pas compris ? Y suis-je au moins pour quelque chose ? Cela serait plus facile. Je revois sans cesse tes gestes ce dernier matin, ta hâte, ton impatience, ta course vers une destination qui t’a peut-être été funeste. Une bouffée de remords me saisit le cœur, j’aurais dû te rattraper, t’empêcher de continuer sur un chemin que tu as vu sans retour, comme je l’ai amèrement constaté. Je vais souvent sur le port retrouver le vieux marin qui m’a dit t’avoir aperçue. A chaque rencontre, il rajoute un détail qu’il ne m’avait pas raconté avant, si bien que j’en suis venu à douter de la véracité de tous ces rapports, mais cela me fait du bien de lui parler et de l’entendre me raconter son histoire si semblable à la mienne. Je vais regretter de ne plus le voir, de couper le seul lien qui me rattache encore à toi. On m’a appris hier à la gendarmerie que si la police retrouve la personne disparue, celle-ci a le droit de demeurer dans l’ombre de l’anonymat, de rompre avec ses proches et que cette décision doit être respectée. Pourquoi me dire cela maintenant ? Savent-ils où tu te trouves sans pour autant pouvoir me le dire ? Ce doute me ronge encore plus que tous les autres et a précipité ma décision. Partir c’est accepter et je suis finalement prêt à le faire. Je me suis souvent demandé comment tous ceux qui été témoins ou responsables d’un acte fatal ont réussi à survivre à cet événement traumatique qui a sans doute bouleversé leur vie. Je suis sur le point de l’apprendre à mes dépens. Je ressens encore de la pudeur en touchant tes affaires que j’ai laissées à leur place dans notre chambre, j’ai encore le vertige en respirant le parfum qui émane de tes robes et des tes manteaux, je regarde tes bagues et tes colliers étalés un peu partout comme s’ils recelaient chacun à sa façon un peu de tes pensées ou un secret que je n’ai pas pu découvrir. Je n’emporterai avec moi que ceux qui t’étaient les plus chers. Tu vois, déjà je laisse derrière moi des pans de ton histoire. Quelle est la part de moi-même que je ne vais plus jamais pouvoir retrouver ?
Merci Helena. On cherche la disparue à chaque phrase, comme le narrateur. Si maintenant on a découvert ce que ce narrateur ignore, je me demande bien ce qu’il sait et que nous ne savons pas encore. Osera-t-il le dire ? N’y a-t-il rien à dire ou rien à avouer ?
Je lirai la suite avec un grand intérêt.
Merci Anna ! Je ne sais pas encore de quel côté le pfaire pencher, j’attends qu’il me le dise !
c’est lancé helena! tu as un fan club! le décor est posé et c’est dans l’attente pleine de questions que tu nous fais mijoter maintenant…
Merci Dominique ! C’est un bel encouragement quand je me sens patauger.
Ce si grand mystère sera-t-il résolu ?
que de questions… plus toutes celles qui ne sont pas écrites
hâte de lire la suite
Merci Danielle ! Touchée de votre commnentaire !
Une belle émotion se dégage de votre texte, Helena. Ecrire pour combler le vide… En vous lisant, j’ai tout de suite pensé à un texte que j’ai lu l’été dernier et que j’ai adoré : « Retour à Martha’s Vineyard », de Richard Russo, dans lequel 3 amis font une sorte de pèlerinage dans la maison de l’un d’entre eux le temps d’un week-end et où s’invite le souvenir de leur amour disparu sans laisser de trace…
Et bien sûr, j’ai envie de connaître la suite !
Oh ! Merci, Zoé ! Je vais de suite voir ce roman dont vous parlez. La question des disparations m’intéresse beaucoup surtout si à leur origine se trouve une action louche ou reprochable. Merci encore de la suggestion !
C’est une lettre très émouvante après la course effrénée du premier fragment, très curieuse de savoir ce qu’est devenue Marie… très intéressant aussi qu’un laps de temps important se soit écoulé entre la course et la lettre, avec l’évocation des relations avec la famille, le commissariat, le vieux marin.. tant de pistes ouvertes !
Très touchée par votre commentaire, Muriel. Merci ! Oui, des pistes sont lancées. J’aurais voulu donner plus de relief au personnage, mais il m’a échappé, le coquin !