Elle fenêtre(s)

Le moment où elle nettoie les fenêtres est favorable à l’introspection, en général l’occasion de regarder vraiment son environnement, au milieu de quoi on se trouve, ce qu’il y a tout autour, dans le cadre et de se demander sérieusement plus sérieusement que d’habitude ce qu’on fout là, vraiment, et pourquoi aussi, à l’école, un cadre par an, l’année châtaignier Continuer la lectureElle fenêtre(s)

« Bordel, j’lache des parpaings, j’en fous partout par tonnes

J’baffe ou bien j’harponne, dites qu’le babtou cartonneDonc j’reviens juste parce que le rap manque de motsQue les MCs mentent de trop et trop souvent changent de peauNon, non je n’suis pas un leader, simplement ghetto chroniqueurIls m’ont reproché ma rigueur, je ne fais que mon taf de rimeurVas-y fait couler la liqueur, passe moi l’mic avant qu’il meurreIls ont Continuer la lecture« Bordel, j’lache des parpaings, j’en fous partout par tonnes

Une maison grise

Un soleil qui se déverse généreusement dans cette journée lumineuse et chaude, de ces journées qui s’étirent à l’infini. Au plafond, très haut, un ciel peint, des nuages blancs stylisés, des fresques de ciels entourées de moulures, des angelots peut-être. Un ciel aussi bleu que celui du dehors, seul point de couleur dans cette pièce grise. Deux fenêtres donnent sur la Continuer la lectureUne maison grise

Introspection par le verbe

J’ai ouvert les yeux. J’ai commencé à découvrir le monde. J’ai écouté, senti, babillé, souri, goûté, craché, crié, pleuré. J’ai tenté l’équilibre et suis tombée et retombée sur mes fesses. J’ai fini par savoir marcher. J’ai très vite aimé la mer, la brise et le soleil sur la peau. Les carottes cuites mais la soupe quand elle est mixée. J’ai Continuer la lectureIntrospection par le verbe

retour aux sources

mon-texte-interstice-N°2-les-MAISONS-été-2019-F.-BON-1D’abord, elle sentit la matière poisseuse, dégoûtante dans la paume de sa main, de la grille rouillée bloquée depuis son enfance. Elle descendit la vingtaine d’escaliers en ciment usé qui, du fait de leur déclinaison, la faisait pencher vers le sol gris de la cour.
Le soleil ne le touchait pas encore. Il frôlait tout juste le haut des fenêtres à gauche. Pressée d’échapper à ce trou sombre, elle marcha vite jusqu’au mur haut du fond de la cour, qui était aussi le côté de l’église. Par sa facture, il témoignait de l’époque de sa construction. Elle se rappela que l’église avait été détruite par un bombardement en 1945, juste avant la fin de la guerre. Elle regarda à gauche, vers le petit immeuble d’un étage et traversa l’étroite ruelle qui menait vers l’autre cour où se trouvait l’appentis, au fond. Elle reconnut les escaliers, la serrure aujourd’hui inutile. La porte était entrouverte. Elle hésita, se faufila entre les murs moisis. En glissant, elle pénétra dans ces modestes vestiges. Elle retint sa respiration, suffoqua. Après, elle sentit les dures écailles des volets de bois, les ouvrit d’un coup d’épaule. Les persiennes claquèrent contre le mur, un bruit sec….C’est peut-être ce bruit qui permit une délivrance. Elle leva la tête vers le jardin, les arbres denses et sombres. Le vert l’inondait. Elle suffoqua, hoqueta de tant de feuilles vertes sur les branches noires des arbres. Elle essaya de voir plus loin derrière le rideau sombre. Elle ne vit rien, entendit de l’autre côté le bruit de l’eau qui gouttait sur le feuillage. Elle resta là, suspendue à la fenêtre, le regard noyé dans la verdure maléfique du jardin.
De ce côté-ci, tout était silencieux.

demi rotation

J’ai commencé par ne pas me souvenir. Oublier d’abord. Avancer sans savoir avant, continuer à ignorer. Promener la pointe des doigts ou d’autres choses, affleurer de toutes mes surfaces disponibles, prétendre à l’équilibre, se dresser sur moins, perdre douloureusement l’autonomie de mon impuissance, achever l’état parfait du bébé impotent dans une meilleure connaissance qui jamais ne sera menée à bout. Continuer la lecturedemi rotation

Plein lac

flottant sur l’eau             soie dense           extraordinairement profonde            portés par l’eau            nos corps           allongés     infinis           étirés     en étoile              ruissellement sombre           nos corps        brusquement  redressés           cygnes gris   s’approchant        claquant du bec      menaçants          à nouveau  déployés           allongés        quand          Continuer la lecturePlein lac

La chouette et le pot au lait

D’où vient qu’on adorait « aller chercher l’lait les enfants ! ». Inépuisable frisson. Dure encore. Nous marchions, bourrés d’énergie, le long de la Grande-rue empruntée par les vaches, les quelques poignés d’humains riverains, paysans, habitants, de rares automobiles, nous, depuis la maison du bout faisant fièrement front à tous arrivants − et après, rien : la route devenait sentier menant à la Cure Continuer la lectureLa chouette et le pot au lait