#7. le verbe d’une vie

Oublier le je le jour de sa naissance. Naître, comme une offrande à la vie et vivre coûte que coûte quel qu’en soit l’enjeu. Pousser son premier cri au milieu d’un champ d’olivier et ressentir la douce chaleur du soleil au travers des paupières. Tapisser ses narines de l’odeur sucrée de la peau maternelle. Respirer la vie. Et puis grandir en Continuer la lecture#7. le verbe d’une vie

Récits

Ma mère m’a raconté que je suis né avec difficulté dans ses cris. Les sages-femmes encourageaient et étaient habillées de blouses blanches mais, raconte ma mère et c’est le côté dépaysant de l’affaire, il y avait aussi dans l’allée des chanteuses qui donnaient du cœur à l’ouvrage avec des boubous bariolés et des bracelets cliquetants, et des boucles d’oreilles en Continuer la lectureRécits

Par exception

Je me suis dédoublée. J’ai cessé de me laisser porter. Pas d’accord. Le Je indéfini  flottant dans l’espace. J’avais la voilure d’un questionnement incessant. Je suis passée à la phase d’attaque. Pas d’accord. Je me suis cachée la nuit j’ai épié. J’ai dit la vérité simple et vraie. Pas d’accord. J’ai utilisé les mots miroirs glaçants effrayants. Pas d’accord. J’étais Continuer la lecturePar exception

Je fais des ronds dans l’eau

Je suis née rouge
incandescente
je suis née dans unx brasier


je me suis allongée sur une petite plage
souvent je m’y suis baignée dans la méditerranée
à l’écart des familles
le soleil m’a dorée
le soleil m’a séchée
le soleil m’a hébétée


dès que j’ai pu,
dès que j’en ai eu la force
je me suis échappée
l’air m’a fait du bien j’ai flotté
flotté, flotté sans savoir où j’allais
sans avoir même l’idée que j’allais quelque part,
que je flottais


j’ai bu du vin des alcools forts
quand je pouvais
j’ai vomi le reste


je flottais comme une étincelle incandescente
qui saute ailleurs
qui allume le feu ailleurs, ravivée par le vent
je n’ai pas de corps
je vis comme un fantôme


je nage dans la mer, le sel brûle la peau de mes bras
je nage la brasse, le crawl
j’aime cette image de moi fendant la mer salée
un, deux, trois, mes bras s’appuient sur l’eau salée pour avancer.
Je fume tel un fer incandescent plongé dans l’eau froide


Un : expérimenter – deux : éprouver – trois : acquérir.
J’ai progressé avec des palliers
j’ai avancé par poussées douloureuses 
On m’a appris les langues étrangères
à commencer par le latin
on m’a convaincu du charme de l’ancien
j’ai parlé sans penser
Pendant des années, je ne me suis pas exprimée. Je suis restée muette.
Je n’ai pas interféré tel un objet dont ils ont parlé
sans que je me reconnaisse
je suis allée à l’école paroissiale tout en haut de ma rue
je me suis laissée remplir des mythes exotiques de la religion.
Je les ai intégrés, je les ai rejetés. Ils font encore partie de moi.


J’ai été transfusée. J’ai du sang universel.
On m’a transfusé du sang non infecté par le V.I.H.
Ce qui ne te tue pas te rend plus forte
On m’a tapée violemment contre un mur
tapée, tapée violemment
j’ai été heurtée, j’ai été secouée,
on m’a bousculée sans répit
j’ai fait des retours en moi-même
je me suis recroquevillée comme une tortue qui rentre la tête
car la violence était partout
on m’a agressée, on m’a arraché la peau, écorchée,
je ne suis pas arrivée à me guérir.
Les écorcheurs ont brûlé mon bras qui ne guérit pas.
J’ai acheté un coffre ancien sculpté qui contient mes peines, je ne l’ouvre pas.
Non, on me l’a donné sculpté à la main, à l’opinel, dans le monde sombre des montagnes.


Dans les profondeurs de la mer méditerranée, il y a des coquillages roses parfumés.
Je nage dans la mer méditerranée jusqu’à Istanbul, ma ville préférée.
Istanbul est venue à moi. Je suis rentrée dans Istanbul en voiture au sons des klaxons
et des appels à la prière des muezzins stambouliotes.
J’ai été envoûtée. J’ai été séduite.
J’ai échappé à un tremblement de terre à Istanbul
avec l’homme que j’aimais, qui me charmais.
Je l’ai aimé comme une enfant
dont on a brûlé le bras
un bras qui ne guérit pas.


Je n’ai peur de rien et tout m’effraie
Avec mon bras stigmatisé, je nage dans la mer méditerranée
je nage la brasse le crawl
l’eau salée crame ma peau incandescente
Parfois, le frottement de ma peau crie comme une lame de couteau
renvoie le reflet du soleil
Parfois, je flotte sans corps comme une étincelle dans la mer méditerranée, incandescente
à l’écart des familles.

Naître, etc.

Naître en ville chic, château-clinique, croire être ce qu’on n’est pas, déchanter vite, grandir maison poupée, pierres de meulière, village ruelles, marcher courir, pleurer sourire, faire comme ci, faire comme ça, ce qu’on attend de moi, être sage, rire aux blagues, rentrer ses colères, fêter les anniversaires, porter des sweats colorés, des jeans neige mais pas troués, des pattes d’éph, Continuer la lectureNaître, etc.

QUATRE FOIS OU PLUS.

je suis venue au monde dans la peur et l’angoisse de la guerre. J’ai débuté comme tout le monde. J’ai suivi docilement toutes les étapes. Je suis allée à l’école à cinq ans. Chez les soeurs. J’ai bu la parole de Dieu. J’ai tenu consciencieusement le carnet de mes péchés. J’ai introspecté tout, tout le temps. Je ne me suis Continuer la lectureQUATRE FOIS OU PLUS.

introspection trouée et verbale

J’ai préféré naître d’une rose au milieu des choux à la crème et des tartelettes de la Boulangerie moderne, j’ai aimé penser avoir été apportée par une cigogne. J’ai appris à ramper, puis à grimper dans l’escalier de la maison natale, j’ai pris appuis sur le rebord en bois haut de la marche, levant les yeux vers les murs décorés Continuer la lectureintrospection trouée et verbale

Parce que tout ça…

Suis issue de deux lignées de fermiers, pas généraux, de ceux à qui confier un fermage, le soin de cultiver la terre d’un propriétaire, des paysans quoi. L’arrière-grand-père mort de la septicémie, l’arrière-grand-mère qui prend les rênes de la famille. La grand-mère orpheline. Dans l’autre branche de la famille, la grand-mère qui perd un enfant en bas âge, qui ira Continuer la lectureParce que tout ça…

À rebours

À rebours. Ça commence – commencer, premier verbe – par la fin, par maintenant. Naissance arrivera – arriver, 2e verbe, on les comptera pas tous, quand même, même si – en dernier. Je sera peut-être pas nécessaire. Je jamais plus encombrant que lorsque absent. Ainsi toujours faire – faire quel verbe plat – le contraire, même pas par défi, franchement Continuer la lectureÀ rebours