Trois murmures en avant-scène

GILDA La fine ligne des sourcils vient se courber dans un étonnement soudain, creusant comme deux incises, nettes, singulièrement profondes, comme si l’innocence ne fût qu’une apparence, qu’il fallait maintenir pourtant. Et en son for intérieur : elle pensait aux courses à vélo et combien elle haïssait quand la voirie réparait la petite route y déversant toujours trop de graviers qui Continuer la lectureTrois murmures en avant-scène

Caroline et Sébastien

Caroline : lisse et blanche, l’œil fendu de vert, des rougeurs soudaines, une peau de porcelaine dont on devine l’extrême fragilité. La toucher, ce serait la briser. En son for intérieur : si ce plafond se déchirait, ce ne serait pas le ciel, ce serait l’océan. Elle plonge la tasse dans l’eau bouillante, puis l’assiette, puis la cuillère. Elle n’a pas mis Continuer la lectureCaroline et Sébastien

L’écriture ou la vie

Dans un théâtre, hiver 1995 C’est une après-midi d’hiver dans un théâtre de province. On a donné la pièce «Violences à Vichy ». Dans le bar – décor des années soixante-dix, espace vide, carrelages au sol, tables nues de bistrot et souvenir d’un rideau écarlate garnissant le comptoir en bois – le metteur en scène rencontre un groupe de lycéens. Au milieu Continuer la lectureL’écriture ou la vie

Agonie

Bouche dissimulée par un encombrement de tuyaux. Les yeux mi-clos comme aux aguet. Paupières lourdes d’une léthargie mortelle. La peau distendue, assouplie ou affaissée. En son for intérieur : la mer aux multiples miroirs qui se détache d’un rivage escarpé. Porte d’un monde exotique où règnent les grands palmiers silencieux. Foudroiement du désir fauché dans son élan.   Il y a Continuer la lectureAgonie

Le piano et la vie.

Je l’ai déjà vu, mais peu. La salle de musique est assez impersonnelle. Dans un coin deux bureaux, des synthétiseurs, un piano, plutôt froid comme ambiance. Du coup il prend toute la place par l’intensité de sa présence, son attention toute entière à l’enfant. Il est grand, mince, habillé sobrement d’un jean et pull à encolure en v. Il finit Continuer la lectureLe piano et la vie.

Une sainte

Un bar dans les profondeurs, tu ne sais plus lequel, à Fribourg, pénombre, recoins, flashs de lumière criarde sur son visage tantôt bleu tantôt rouge, ni elle ni toi n’écoutez la musique, bruit de fond pour obliger les corps à se rapprocher. Tu avais écrit un poème qui comptait ses pieds. – J’ai beaucoup rigolé. Elle est assise sur des Continuer la lectureUne sainte

Et finalement, j’ignore tout d’eux…

1 – Un sourire qui découvre quelques dents, un sourire que dessinent des lèvres fines à peine ourlées d’une carnation plus cuivrée que le teint du visage. En son for intérieur : un gant de boxe écrase la figure figée d’une déesse aux yeux mornes et au visage blafard, sans que la silhouette imperturbable s’écarte de son trône doré, l’épée Continuer la lectureEt finalement, j’ignore tout d’eux…

Famille?

C’était peu après Noël à la montagne, le restaurant de l’hôtel affichait complet. A côté de notre table coincée tout près d’un mur en pierres, une famille était assise, semblable à toutes les familles. Mère et deux enfants, fille et garçon de six et huit ans, le visage absorbé dans l’écran du téléphone que la mère leur avait prêté en Continuer la lectureFamille?

Faire le pied de grue

Dehors, nous sommes des milliers de grues. Difficile de trouver un endroit où se poser, la migration, déplacements en groupe et en grand… Se poser donc, sur l’eau, c’est plus sûr à cause des prédateurs, fils électriques, voitures, photographes… Alors dans cette flaque, on est déjà des centaines. Notre gris va si bien à la brume champenoise de novembre. Longues Continuer la lectureFaire le pied de grue