La mère

Les pieds trop grands chaussés de noir d’une pointure en dessous et marcher est une peine. La ride du front qui se perd sous les cheveux jusqu’à l’orifice crânien.  En son for intérieur un cercueil où sont couchés ses enfants jamais nés. De beaux habits brodés . Un chat lèche leurs yeux racornis.  C’est l’hospice. C’est l’hôpital. Où la clinique. Continuer la lectureLa mère

Raconter sa vie au téléphone ou ce que le téléphone dit de sa vie.

Ce que ça dirait du dedans des familles, la place qu’on attribue au téléphone. Longtemps sa place est dans l’entrée. Le téléphone à cadran à trous est posé sur une petite table en céramique et fer forgé, porte-journaux où l’annuaire est seul. Et l’endroit où est sa place, fixe à cause du fil et il faut une prise spéciale pour Continuer la lectureRaconter sa vie au téléphone ou ce que le téléphone dit de sa vie.

personnage#7, Bolaño, scène avec téléphone

Il traîne dans ta mémoire. Il trônait dans leur salon, devant la fenêtre, au centre d’un petit guéridon verni, entre une haute lampe à abat-jour tombant et un fauteuil trapu et raide. Tu te souviens du fil du combiné vrillé en queue de cochon, de la petite virgule inversée et brillante où venait buter l’index quand on composait un numéro. Continuer la lecturepersonnage#7, Bolaño, scène avec téléphone

Des femmes au bain

Un jeudi sur deux, ma mère m’emmenait avec elle au hammam du nom de l’eau bénite de la Mecque, dite zemzem. On commence d’abord par pénétrer un grand hall frais, tapissé de marbre – une sorte d’antichambre à l’allure de purgatoire, quand on sait ce qui attend, derrière la grande porte, là-bas, au fond. La femme qui nous accueille est assise Continuer la lectureDes femmes au bain

Fournier, la gueule ouverte

# 5 – Dialogue à un seul qui parle Fournier, la gueule ouverte Je traverse juste la haie en passant sous le noisetier. Fournier, c’était le voisin. Il habitait une ancienne ferme, avec plusieurs chalets, pierres en bas et bois en haut. Tout est resté en l’état. À deux détails près : l’eau et l’électricité, installés depuis. En 1973, il avait Continuer la lectureFournier, la gueule ouverte

Au beau milieu de la route

On lui aurait demandé pourquoi elle était sortie ce soir-là, elle n’aurait pas su trop quoi répondre, elle était sortie pour prendre l’air, pour marcher, parce que la vie est belle, elle était sortie et elle marchait sur la route, au beau milieu de la chaussée, devant les voitures, à côté des voitures, au milieu des voitures, elle marchait, elle Continuer la lectureAu beau milieu de la route

Il dit

La chambre est carrée, moquette rase beige, papier peint sur le mur, où s’accroche une fenêtre rectangulaire : quatre carreaux de verre, un cadre de bois blanc, et des rideaux bruns, épais. Le lit est à gauche en entrant, quatre pieds de fer, une couverture de laine, verte, un drap impeccablement tiré, dont on n’aperçoit qu’une bande blanche sous deux Continuer la lectureIl dit

Finis ton assiette ou je téléphone au camion

L’enfant ne bouge pas, il est assis sur le banc, il a les bras croisés, il regarde droit devant lui la vitre du four où son reflet noirci boude autant que lui. Jamais il n’y touchera, c’est exclu, il ne peut pas avaler ça, rien que l’odeur ça lui fout la gerbe, non maman, je ne veux pas, non maman, Continuer la lectureFinis ton assiette ou je téléphone au camion