#techniques #01 | vertical

Le sentiment de devoir trouver sa place. D’avoir tout fait pour être prêt à repartir, commencer un autre cycle, d’y être prêt, peut-être même l’avoir déjà commencé. Et le mur qui vous arrête vertical, de face tu n’en vois ni le bas ni le haut. L’as tu vu toi ? Sentiment géographique d’une place à trouver d’un lieu où habiter Continuer la lecture#techniques #01 | vertical

#techniques #04 | Ports-traits

Lui, c’est un casse-caillou. C’est comme cela qu’il s’appelle. Il ne dit pas sculpteur. Non. Il préfère dire qu’il casse des cailloux. Il taille, dans le marbre des Pyrénées, des petites filles assises qui jouent avec leur tablette et un faune au repos, totalement avachi dans un fauteuil. Il casse les cailloux depuis une dizaine d’années. Il a commencé par Continuer la lecture#techniques #04 | Ports-traits

#techniques #04 | aperçus dans le village

Ce que c’est que cette attente… Il attend, avachi sur la banquette recouverte de moleskine rouge. Énorme, avachi comme le serait un cachalot échoué sur une plage de sable fin. Dans la baie de Somme. La soixantaine obèse, si bien que son ventre énorme et son visage bouffi se touchent, si bien qu’il doit tenir à bout de bras son Continuer la lecture#techniques #04 | aperçus dans le village

#techniques #04 | portraits rapides

  Ce que c’est que l’onychophagie, toujours les doigts dans la bouche, il les suce comme une tétine qui ne satisfait pas sa faim : la faim de vivre, de croquer, de déchiqueter pour vérifier la texture, la saveur de ce bout de chair, de ce lambeau de peau, une aspérité qui le démange et dont sa colère aimerait venir  à bout. Continuer la lecture#techniques #04 | portraits rapides

#techniques #02 | Paysage

La montagne s’approchant, s’éloignant, s’effaçant ; le train, l’immeuble, les balcons, les moutons. Dedans : le banc d’angle et la vache-baromètre qu’il lance au loin. Regarder par la fenêtre : retrouver, longtemps après, le silo, le lampadaire, la route. Mais les arbres — le vieux poirier sec — disparaissant, le temps dedans fait tomber les murs, et jamais plus lui au bout de Continuer la lecture#techniques #02 | Paysage

#techniques #03 Derrière les silences mon corps

Mon esprit loque. Chaos confusion de la matière. Cette nuit tout a été foutu en l’air. Intériorité qui grogne, des coups de marteau contre ma colonne vertébrale contre ma tête tout grince, et il faut s’ouvrir le crane. En sortir mes pensées obsédantes. Mes trous noirs. Mes foules terrorisées. Mes incendies. Et mon corps flambe. Et ma tête grince. Il Continuer la lecture#techniques #03 Derrière les silences mon corps

#techniques #04 | B. et O.

Bernard Il est Provençal, il parle le provençal, longtemps son horizon se limite aux trois côtés du triangle Avignon-Cavaillon-Carpentras, mieux que Provence, Drôme provençale- Vaucluse, enfance famélique, puis garages, travaux publics, agriculture, viticulture, entretien de chaudières, il bourlingue, les yeux tournés vers le Ventoux, son merveilleux Mont-Blanc, aujourd’hui, sa pension de retraite, ajoutée à celle de C., sa femme, paie Continuer la lecture#techniques #04 | B. et O.

#techniques #04 | trois êtres

Lien

José

ce que c’est qu’être père

Il ne pouvait pas la laisser seule. Elle, Marie, elle n’avait pas voulu changer le jour auquel il avait droit, elle ne pouvait pas, selon elle, et c’était presque certainement vrai. Alors il était passé très tôt ce matin la prendre, la petite. Elle l’attendait dans l’entrée du deux pièces et elle lui avait fait admirer la petite tresse que Marie lui avait faite avec quelques mèches au milieu de ses cheveux ; elle disait que c’était un tout petit peu comme son amie qui en avait plein, toutes petites et très serrées autour de sa tête avec des rubans pris dedans ; il l’avait prise cette natte, l’avait soulevée pour l’admirer et l’embrasser et par dessus la tête de sa fille il regardait le sourire de Marie. Ils avaient laissé la voiture au parking de l’île Piot avec le petit sac à dos trop lourd pour elle et puis, avec la navette et une baladine, ils étaient partis rejoindre les camarades. Il avait commencé à lui expliquer qu’ils allaient marcher un peu et elle lui avait coupé la parole parce que oui elle savait, sa mère en était sur qu’il l’emmènerait et ça la mettait en colère parce que ce n’était pas un peu qu’elle allait devoir marcher mais que, elle, elle s’en moquait parce qu’ils étaient ensemble, comme elle lui aurait fait un cadeau. Et maintenant pendant qu’ils marchaient sur l’herbe du tram, à côté du cortège qui s’étalait, laissait s’échapper des groupes, rejoignaient des gens de tous les âges en « civil », sans le beau gilet rouge siglé qu’il portait, il sentait, serrée dans la sienne, sa petite main douce, et il avait plus conscience de sa présence que des chants et slogans qui partaient du camion, même si bien entendu ils illustraient les raisons de la colère rentrée et silencieuse qui faisait qu’il ne pouvait pas ne pas être là. Il souriait un peu en se souvenant qu’elle avait dit qu’elle était fière mais aussi que ce serait amusant et quand il la regardait il voyait qu’elle avait l’air non pas franchement amusée mais intéressée, curieuse, bouche un peu ouverte, main vivante dans sa poigne à lui et regard fureteur.

Jean

ce que c’est que le ciel

Il a enjambé la corniche et repris pied dans la nacelle, s’est penché vers les quelques hommes qui, plantés sur les pavés de la rue, entourent le gros camion/grue, les têtes levées vers lui comme si le casque faisait plier les nuques, a laissé tomber quelques mots vers eux et puis, baissant la tête sur son micro, a détaillé ce qu’il avait constaté sur le toit et discuté avec le chef de chantier de ce qu’il devait faire. Il s’est redressé, heureux de la caresse du soleil, du frémissement du jeune feuillage des platanes sous le reste de vent, s’est à nouveau penché pour surveiller le chargement de matériaux dans la cassette comme il appelle le panier métallique qu’il fera, d’une pression de bouton, grimper vers lui. En se relevant, il a regardé le petit attroupement derrière la barrière qui ferme la place, juste après le portail du bel hôtel, là où elle se vide dans la rue, a repéré un appareil photo, s’est détourné vers le trottoir juste au moment où une femme et un enfant franchissaient la porte du jardin de l’hôtel, s’arrêtaient, levaient la tête vers lui. La femme veut partir vers le bout de la rue qui de ce côté est libre mais le gamin résiste. Sa mère se penche vers lui, lui parle – il ne sait en quelle langue, sauf que ce n’est pas de l’anglais, d’ailleurs il entend mal, elle ne s’adresse qu’à son fils – écoute la réponse prononcée sans tourner la tête vers elle, et maintenant elle le regarde lui, avec un peu de curiosité. Mais de ces deux visages renversés, de ces quatre yeux levés vers lui, ce sont ceux du garçon qui accrochent son regard, dans lesquels il se voit. Il se redresse, lève les yeux dans le merveilleux ciel bleu de mistral, se sent beau grâce à ce qu’il a vu d’émerveillement dans ces yeux enfantins, revit un instant la première fois où, avec un mélange de crainte, de plaisir, d’excitation, d’application à ne pas se laisser distraire de sa tâche malgré l’éblouissante fierté, il s’est trouvé hissé, bien plus haut qu’aujourd’hui d’ailleurs, au dessus des passants, d’un petit morceau de rue, seul dans l’air.

Adama

ce que c’est que le désir d’apprendre

Elle est arrivée après dur voyage dans cette petite ville. Elle a trouvé un lit, entassée dans une chambre avec trois autres filles d’une bâtisse fourmilière entre deux cours. Il y a celle qui semble la plus âgée, décidée, raisonnable, chaleureuse comme ses formes un peu plus qu’opulentes, une qui ricane de tout comme par la conviction que cela seul permet de durer, une liane souple qui sourit peu et qui, seule en ce lieu, porte un voile mais si gracieux qu’il est une évidence. Elle est juste un peu plus jeune que les trois autres, bouton éclos, grande et mince, cheveux rasés comme un garçon, le visage ovale et calme. Du voyage elle n’a gardé que la volonté de ne pas en avoir été changée, de conserver la réserve qu’on lui a enseignée et ses sourires sont rares lumineux et timides. Dans les petits chahuts du groupe elle rit parfois, un rire peu sonore, mais qui la secoue, la rejette un peu en arrière comme en dansant. Du voyage elle a gardé la tristesse de la séparation et la force de ce désir qui l’a fait partir : apprendre, même si, davantage que la plupart de ses compagnes et compagnons actuels, elle a déjà été à l’école. Du reste, de ce qui l’a fait quitter le village et son père, des péripéties du chemin, elle ne veut ni penser, ni parler. Dans la vie du groupe elle prend sa part des petits travaux comme l’ainée et contrairement aux autres filles, contrairement à une bonne partie des garçons. Elle aime cela en fait, ce début de normalité comme une étape où se reposer. Elle est toute dans l’attente, l’espoir, d’être acceptée, évaluée, incluse avant la fin de l’année scolaire. Elle s’installe dans la salle d’étude, sort un manuel, essaie de s’y retrouver, quand elle le peut assiste ceux qu’elle voit en difficulté devant un problème, une phrase qu’elle peut décrypter, mais seulement quand elle est certaine que cela sera accepté. Elle voit les couples adultes/élèves constitués avant son arrivée, mais ne demandait rien jusqu’à ce qu’une petite bonne femme pressée et blagueuse mais observatrice propose de lui trouver une aide.

image © Brigitte Célérier – avril 2023 Avignon

#techniques #04 | Samuel

Samuelce que c’est quand il boude Il est charmant, délicat, attentionné, pas bavard jamais, mais présent, attentif, devançant même vos envies. Et puis, patatras, il n’est plus là, pas absent, mais disparu. Parfois on met un peu de temps à s’en apercevoir. Ce n’est presque rien, le visage inexpressif, le retrait dans un coin, sur une chaise, dans un bricolage Continuer la lecture#techniques #04 | Samuel

#techniques #01 | L’enfermement

Le sentiment d’enfermement, des verticales coupant l’espace défini, reconnu, appris, les limites désarmantes, respirant l‘air clos, usé, sentant la veille, sentant le passé, regardant les six côtés de la boite, presque immense, le temps disparaissant, la perte oubliée, perdre le tout et garder le peu, pourtant donner de l’importance à chaque objet, s’obliger à croire à sa singularité, l’illusion du Continuer la lecture#techniques #01 | L’enfermement