#été2023 #02 | un intérieur habité

Les yeux se noient d’abord dans cet étalage au sol de deux motifs, noirs et blancs, carreaux minuscules, recommencés, s’étalant à l’infini s’ils n’étaient arrêtés par des murs de part et d’autre, et des portes, faisant de ce premier espace un long couloir. Le regard se tourne alors vers la droite, puisqu’un autre petit couloir apparait dès l’entrée, comme un Continuer la lecture#été2023 #02 | un intérieur habité

véronique müller #été 2023

  • #été2023 #07 | de la préparation du corps

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    Longtemps il y a eu un corps
    Longtemps il y a eu l’image
    Et c’était séparé
    C’était comme un cheval à la tête arrachée et qui continue d’avancer
    Un demi-trait.

    Je me tenais principalement parmi les déchirures
    Dans le cercle des peaux déchiquetées
    Au bord du noir de l’horreur
    Mais je me tenais aussi dans les jambes, 4, l’échine souple, la croupe, le fouet de la queue
    Je n’étais pas dans la tête et le cou absents
    Dans la merveille des yeux noirs, de la bouche douce, des oreilles soyeuses et intelligentes, je n’étais pas
    Mais dans les sabots, les 4 sabots séparés, la corne rugueuse, l’ongle, si
    (Les fers, eux, absents
    Tous fers absents
    Comme tous feux éteints).

    C’est ainsi que je dirais après coup la séparation du corps et de l’image. Je vois que c’était comme ça. Et d’inconfort je roulais sur moi-même dans les rues en pente de l’enfance et aux pieds des foules adolescentes dans les parties, les fêtes, ne suscitant jamais qu’indifférence

    C’était au commencement il y a longtemps, c’est sans souvenir puisque ça ne trouve ses mots qu’aujourd’hui

    Il devait bien y avoir un sexe quelque part dans la masse susdite, l’animal extraordinaire, quelque part pas à sa place, je parie, qui naviguait qui s’échappait dans les replis de ce corps mouvant.

    et qu’on ne s’étonnât pas que je fisse montre de quelque exaspération.
    on s’étonnait cependant.
    je ruais.

    Dans la rue, je ruais.

    (Voilà son nom : Delarue)

    Personne n’a vraiment envie de savoir comment réellement ça se vivait, ladite séparation du corps et de l’image. Personne n’en n’a envie parce que personne n’en n’a la moindre idée. Et c’est cette moindre idée qui m’intéresse.

    C’est pourquoi je me demande si je ne pourrais pas encore parler de certains aléas que vécut ce grand corps blessé. Mais je ne le ferai pas, je sens que je dois dire autre chose, sans encore savoir quoi.

    Le corps tel qu’il est connu aujourd’hui mit du temps à se faire. On l’aura compris.

    Ce corps qui était seul pourtant ne l’était pas, la terre est finalement parsemée de corps fort semblables. C’est là que s’insère l’image : je vois des tas de corps qui me voient sans jamais me voir comme je les vois ni comme il me voient. Alors que de ce corps même me parvient une foultitude d’informations non-informées dont nul ne sait rien, n’imagine rien, si ce n’est au départ de ce qu’il vit de son propre corps.

    On peut dire que le corps était grand. Comme tu es grande. Dira-t-on qu’il était joli. On ne le dira pas puisqu’elle ne l’a jamais cru, pas faute qu’on le lui ait répété pourtant. L’autre drame du corps pouvant bien être d’être et ne pas être ce qu’on dit de lui. De n’être que ce que l’on dit et définitivement pas. L’autre schize ici bien mal affirmée.

    Il faut alors aller vers la foule d’informations non-informées susdite. La sensation, dira-t-on. Et au-delà. De quel au-delà parle-t-on. De là où se situe le sentiment de soi, nulle part ailleurs repris, qui correspondrait au « je », nulle part repris, juste pointé dans le langage, par la pensée toujours reprisé, et profondément ancré dans le corps non-vu, trouvant une limite dans l’image imaginée seulement de soi et reflétée par les miroirs et reflétée par les regards et les paroles en commentaires. Parfois les attouchements. Voilà. C’est quelque part là aussi que se trouve le collier d’épaule susdit, chevalin. Celui où je fondamentalement me tiens.

    La somme d’informations non-informées par où on se sent soi, le faut-il qu’elles le soient ? A priori c’est soi aussi d’être non-informé. Je me comprends. C’est d’être le lieu de la vie. La vie ! Remballe-moi ça tout de suite. On appellerait ça la conscience de soi. Globalement. Le lieu de l’inquiétude.

    C’est poinçonné par le nom qui tiendrait tout ça ensemble ? C’est ce qui se dit. C’est sujet à caution (… )

    (to do : lui enlever sa tête et son cou au cheval de l’illu)

#été 2023 #08 | de ce côté-ci du monde (1) (2) (3)

Dans le même espace-temps disons, il y avait une femme (appelons-là D. par convention) (pour fixer les idées) qui elle aussi avait quatre enfants (comme si les idées pouvaient se fixer). Sûrement contemporaines. D. et elle ne se connaissaient pas, mais l’une comme l’autre étaient ce qu’on appelle femme au foyer. Il ne s’agit pas d’une profession, puisque l’activité n’est Continuer la lecture#été 2023 #08 | de ce côté-ci du monde (1) (2) (3)

#été2023 #08 | le mouchoir de coton blanc

Camille replie ses vêtements et les empile sur une étagère de l’armoire en chêne sombre. Comme prêts à reprendre leur place dans le sac à dos. Sur la tablette inférieure elle aperçoit un mouchoir de coton blanc ourlé de dentelle, repassé et plié soigneusement. Elle en caresse le tissu jauni par endroit, s’attarde sur la broderie tissé en relief par Continuer la lecture#été2023 #08 | le mouchoir de coton blanc

#été 2023 #9 l repérages

L’odeur puissante et le bruit n’ont rien à voir l’un avec l’autre. (D’ailleurs, il se peut que ce soit à l’origine de mon appétit pour ces images qui s’écartent de la bande-son, ou de ces voix off qui ne commentent pas ce qui est montré.) Une fois qu’on a en main ces trois prototypes, une suite de visuels, des sons, Continuer la lecture#été 2023 #9 l repérages

#été 2023 # 9bis | Faire bouger le temps

La maison de Gaspard était à étage, étroite, serrée entre deux autres maisons plus larges et beaucoup plus hautes qui semblaient la soutenir et la protéger. Je disais en riant à Gaspard que sa maison n’avait pas de toit, car on ne le voyait de nulle part, ni de la rue ni du trottoir en face même en se mettant Continuer la lecture#été 2023 # 9bis | Faire bouger le temps

#été 2023 #9bis | La méprise

De dos, il ressemble tellement à l’ancien directeur que mon cœur fait un bond dans ma poitrine et un élan de joie met aussitôt mes jambes debout prêtes à courir vers lui. Même veste serrée, même carrure, le même manque de cheveux sur la partie arrière de son crâne, le dos légèrement vouté comme à son habitude. Il est revenu, Continuer la lecture#été 2023 #9bis | La méprise

#été2023 # 08bis l cette porte de garage-là

Il y a cette porte, cette porte de garage, une porte blanche en bois peint. Une porte rudimentaire, à la clenche ancienne, une simple clenche de fonte noire. Il y a cette porte. Pendant longtemps cette porte ne représente rien. Ni pour la mère, ni pour le père, ni pour la petite fille. Pendant longtemps cette porte de garage n’est Continuer la lecture#été2023 # 08bis l cette porte de garage-là

#été 2023 #9bis | la maison sur la place

Elle est là la maison, sur cette coupure de journal jauni trouvée dans un tiroir, ou du moins un bout de la maison, le coin avec un morceau de fenêtre aux volets fermés à chacun des deux étages et la grille peinte de clair, à côté du café qui est l’objet de la photo, au dessus du titre d’un article Continuer la lecture#été 2023 #9bis | la maison sur la place

#été2023 #07 | corps à rebours

Cérémonies secrètes C’est comme un puzzle. Des images, des détails, des objets. Comme si à partir d’eux il fallait reconstruire une histoire qui n’est écrite nulle part. 1 Ça y est. le corps a disparu. pour de bon. 2 ils ferment le cercueil. comme un rituel. des gestes artisans et sacrés. le bruit seul des vis, des outils, objets devenus Continuer la lecture#été2023 #07 | corps à rebours