#été2023 #02 | un intérieur habité

Les yeux se noient d’abord dans cet étalage au sol de deux motifs, noirs et blancs, carreaux minuscules, recommencés, s’étalant à l’infini s’ils n’étaient arrêtés par des murs de part et d’autre, et des portes, faisant de ce premier espace un long couloir. Le regard se tourne alors vers la droite, puisqu’un autre petit couloir apparait dès l’entrée, comme un Continuer la lecture#été2023 #02 | un intérieur habité

véronique müller #été 2023

  • #été2023 #12 | oreillers de l’auteure

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    Je pourrais dire que je regrette de n’avoir pas lu le monologue du fauteuil aux oreilles avant d’écrire ma 12, mais ce serait faux, je crois que le lire m’aurait rendu d’autant plus impossible d’écrire ce que j’ai finalement écrit et que je n’ai écrit que pour cesser d’avoir cessé d’écrire. je l’ai écrit comme je peux, prise dans tout ce qui m’empêche en ce moment d’écrire, de continuer, toute la poix, et dans le souvenir du genre de monologue que je serais tout à fait bien capable de tenir à part moi préférablement au fond de mon lit mais si je remonte le passé également  au milieu d’une foule même si jamais au grand jamais je ne m’y montrerais je ne m’y serais montrée aussi persifleuse que TB. Je dois dire que je suis en ce moment dans de telles difficultés par rapport à l’atelier que je suis tentée par l’idée de me contenter d’écrire cet échec, l’échec de l’écriture d’un roman, écrire atelier par atelier ce que je rencontre comme point d’impossible qu’il ne m’aurait jamais autrement été donné de rencontrer, et le moyen que je trouve, ou pas, de le contourner, à ma façon. Écrire cet échec serait évidemment une réussite à quoi je devrais donc échouer étant de façon certainement définitive abonnée à l’échec, ce qu’il m’arrive heureusement d’oublier et qui m’amène à  me lancer dans des entreprises dont j’oublie la promesse d’échec, ainsi cet atelier d’été. caramba encore raté, rater, rater mieux encore.

    encore une autre nuit, encore le noir et la chaleur agréable des draps les fenêtres ouvertes malgré la mi-septembre des disputes dans la rue et qu’est-ce qui dans ce moment est extraordinaire tout en ne l’étant absolument pas qu’y a t il qu’elle voudrait retenir encore empêcher  la nuit d’avancer de passer de s’en aller la vie de reprendre quelle vie le monde et son travail alors que dans sa tête rien qui ne trouve à s’élaborer rien elle le sait qui ne trouvera à s’écrire jusqu’à satisfaction à s’écrire jusqu’à avoir apporté satisfaction.

    l’auteure ne s’en sort pas.

    l’auteure s’est maintenant levée, elle est dans la pièce où il fait orange la nuit, elle tapote sur son téléphone, elle écrit. 

    (depuis qu’elle écrit « l’auteure », c’était il y a peu, pour ce récit qu’actuellement elle tente, elle ne dit plus roman, dans le cadre donc de cet atelier, en reprenant le vocabulaire, l’auteure s’est mise, parlant, à prononcer les e muets d’un peu toutes sortes de mots, les e muets en fin de mot. ça fait « de bonne heurE », par exemple. il faut maintenant mettre ça entre parenthèse.) l’auteure est bien décidée à ne pas se prononcer sur l’écriture inclusive bien décidée à laisser les choses lui venir à la bouche, à la plume, ou pas, à ce débat elle refuse de prendre le temps de participer, elle attend que ça passe que ça passe dans les pratiques dans la sienne idem elle fera avec ce qu’il en restera, dans les usages, de la déchirure de l’écriture, c’est aussi de sa nature à l’écriture de se faire déchiqueter, déchiqueter les terminaisons, ça la déséquilibre bien sûr encore un peu plus, l’autrice, mais ça inscrit son déséquilibre dans un déséquilibrage mondial; tiens comment ça se passe dans les autres langues elle ne le sait même pas est-ce une spécificité française elle a honte de n’en rien savoir en même temps qu’elle s’en fout. quelque chose dans l’écriture perd de sa superbe, perd de son indifférence, accueille le doute du sexe les embrouilles – après tout. elle elle se tient à l’écart de ces débats, cela lui parvient de loin en loin. ça il faudra non pas le mettre entre parenthèse non mais le barrer. il y a que l’autrice a beaucoup d’autres chats à fouetter. comme celui de sa sanité mentale à préserver ayant surtout en tête la sanité mentale de l’être qu’elle a mis au monde et qui est maintenant dans ces âges qui ont été si difficiles pour elle, car qu’aura-t-il à hériter d’elle sinon la façon dont elle sera arrivée à faire face à ses monstres. lui bien sûr est jusqu’au cou dans ces histoires d’inclusion et de genre. c’est très bien.
    l’inconsistance, est-ce le mot qu’elle cherchait. quelque chose de sa perception de l’inconsistance du langage, qui fait sa folie à elle, va s’inscrire dans l’écriture, dans l’alphabet, cherche à s’y inscrire. est-ce que ça va aller jusqu’à de nouvelles règles de grammaire
    . l’auteure donc écrit l’auteure et parfois écrit elle l’autrice. et ça l’amuse.

    il est maintenant sept heures vingt du matin cela fait bien une heure que je n’écris rien de ce que j’aurais pu vouloir écrire et le jour s’est levé, n’augurant rien de bon, voyant mes pensées s’envoler. il faut alors retourner au lit.  

    il faut alors retourner au lit.

    j’écrirai maintenant dans la soie odorante le lin chiffonné les rideaux tirés sur le jour la prolongation adorable de la nuit, j’écrirai dans l’épaisseur ravie de la chair enfoncée dans le matelas au niveau du pubis le souvenir halluciné de ton sexe de son sexe puis se retourner se relever fermer la fenêtre se recoucher un bras alors passé par dessus tête le chat aussi veut sa part le chat vient le chat s’allonge sur mon ventre c’est son heure à lui aussi s’avance sur ma poitrine me regarde de haut je lui souris la douceur est générale sonne le réveil du co-dormeur le chat s’éclipse 

    la douceur est générale.

    c’est quelle heure déjà.

    devoir numéro 12, le nomologue : je ne m’en sors plus du tout, pas de lit à oreilles pour moi (pas d’oreilles tendues vers les absents présents de l’atelier en ligne). il y aura eu trop à un moment, trop à faire, à vouloir faire, c’est devenu trop
    soudain c’est devenu trop
    et trop a toujours été un marqueur
    un signal du danger qui se traduira tôt ou tard par la transformation du
    vouloir en devoir, en douloir,
    et par la nécessité vite fait de s’y dérober. trop de douloirs de tous côtés, à ne plus savoir par quoi commencer à ne plus commencer; à vouloir retourner en arrière, tout reprendre du début, retrouver le fil, et sempiternellement reprendre vouloir reprendre sans plus y arriver. je parle voyons de l’actuel récit, du roman raté de l’atelier. s’égarer perdre du temps renoncer dormir tomber malade. le retrait s’organise tout naturellement la retraite se met en place tâcher d’écrire les tambours les trompettes dans la tête, maintes fois leur partition recommencée abandonnée. à un moment se dire : abandon, à un moment se dire : échec. elle monte les escaliers, les marches de bois, et ces mots lui viennent, qui lui font un peu mal, qui lui pincent un peu le coeur, et d’autres endroits sans qu’elle sache trop lesquels, beaucoup d’indiciprécisions l’ont prise ces temps-ci, elle se voit, je me souviens je montais ou est-ce que je les descendais, ces marches qu’il me fait toujours du bien au corps d’emprunter, est-ce leur hauteur, la hauteur des marches, je les remonte, je vais vers la chambre et ces mots qui se présentent : abandon, échec. ratage. je ne sais si je les chasse. les chasse-t-elle? elle ne s’attendait pas à les voir venir. je ne vous avais pas vu venir (murmure). elle ne s’y attendait pas, dans sa folie. titube-t-elle, le corps penche un peu sur la droite, contre le mur qu’elle frôle de l’épaule, se redresse, monte la dernière marche, la chambre. et alors, ça lui vient. une fois le choc passé, le mini choc, elle pincée dans le corps, par ces mots, ces mots qui reviennent, de quelque part, de pas très loin, ces mots qu’elle connaît, au fond, lui permettraient de s’y retrouver. car là, il ne reste plus grand chose d’elle au fond, là, elle très fortement embuée, la vois-tu évaporée, non? tandis que ces mots, elle les connaît, tu vois, chérie, elle les connaît pas mal, ces mots-là. pénétrant la chambre, elle entrevoit l’idée, la tentation alors de l’écrire, justement, cet abandon, cet échec, tant il est vrai qu’ils ont pris le pas sur tout autre sentiment, je veux dire tout autre sentiment disparu, elle l’écrirait dans une forme d’indifférence qui riait rejoindre la susdite inconsistance, constante inconsistance, dans la mesure où il aurait tellement fallu s’y attendre. décrire l’échec et l’abandon devenant une façon de continuer, de persévérer, de crânement transformer l’échec, l’exposer, tenir son ironique chronique, as-tu jamais voulu, petite chatte sonia, rien d’autre, qui est l’échec de l’écriture et de soi comme auteureuse. à l’écriture de l’échec échoueras-tu aussi. top.

    mais pourquoi auteureuse ? hein. dit-elle riant. me dis-je à un autre moment. passant de la chambre à la cuisine, ou tournant en rond sur elle-même dans la cuisine, qui ne s’est pas à un moment ou à un autre vu.e tourner sur soi-même dans sa cuisine, 270 degrés? elle se dit, je me dis, pourquoi pas juste vivre ? pourquoi pas juste vivre ? mieux vivre d’ailleurs. mieux s’occuper de la réalité, du principe de réalité, des besoins, mieux s’occuper des besoins, de tout ce qui n’est pas l’écriture. tu n’es tu pas foutue tu de t’o
    ccuper des be
    soins
    pourquoi ce confinement dans l’écriture. echo: pourquoi ce confinement dans l’écriture. alors que l’oubli s’en passe parfaitement, la vie. parce que quand il ne reste que la vie juste, nue, étrangement, ça serait  la douleur. tu ne sais pas de quoi je parle? je ne m’étendrai pas là-dessus. parfois elle je le senst (beaucoup de choses peuvent encore s’inventer sur les terminaisons). elle je l’ai senti voyant de moi s’éloigner la possibilité du roman, la distraction dans les personnages, les voyages entre les temps et les lieux. la cruauté de la vie nue. pourquoi d’ailleurs elle n’aurait pas plusieurs visages, la cruauté, non la vie nue.

    échec de l’atelier, que je voudrais reprendre et reprendre et reprendre encore.

    et alors que ma plainte étrangement je ne suis pas sûre de la vouloir entendue par personne.  

    est-ce que tu ne crois pas que tu pourrais tout laisser là, je le crois, tout abandonner de ce que tu es, je le crois, et juste faire ce qu’il y a à faire. je le veux. oui, je le veux. peut-être sortir. je sors. je suis sortie. marcher. je marche. aller à la rencontre, je rencontre. ou encore faire bien les travaux, faire le ménage, faire la nourriture, grandeur de ces activités, tu le sais, grandeur, je le sais, faire les papiers. gagner l’argent. faire le sport. mettre des points où il en faut et cracher sur les fantaisies.

    pourquoi l’écrire. pourquoi cet effort. tu te redis que tu n’as jamais écrit que pour te battre contre la maladie et contre cette implosion lente et certaine en toi de la parole de l’usage de la parole. « mental sanity ».

    avoir de toute façon renoncé à l’amour. ce n’est pas le sujet. ça n’est pas l’actuel sujet.

    cette idée : qu’arrivée au pied de l’échec elle arrive au pied de ce qu’elle a à faire : rater, rater mieux encore, et le dire.

#été 2023 #08 | de ce côté-ci du monde (1) (2) (3)

Dans le même espace-temps disons, il y avait une femme (appelons-là D. par convention) (pour fixer les idées) qui elle aussi avait quatre enfants (comme si les idées pouvaient se fixer). Sûrement contemporaines. D. et elle ne se connaissaient pas, mais l’une comme l’autre étaient ce qu’on appelle femme au foyer. Il ne s’agit pas d’une profession, puisque l’activité n’est Continuer la lecture#été 2023 #08 | de ce côté-ci du monde (1) (2) (3)

#été2023 #08 | le mouchoir de coton blanc

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#été 2023 #9 l repérages

L’odeur puissante et le bruit n’ont rien à voir l’un avec l’autre. (D’ailleurs, il se peut que ce soit à l’origine de mon appétit pour ces images qui s’écartent de la bande-son, ou de ces voix off qui ne commentent pas ce qui est montré.) Une fois qu’on a en main ces trois prototypes, une suite de visuels, des sons, Continuer la lecture#été 2023 #9 l repérages

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La maison de Gaspard était à étage, étroite, serrée entre deux autres maisons plus larges et beaucoup plus hautes qui semblaient la soutenir et la protéger. Je disais en riant à Gaspard que sa maison n’avait pas de toit, car on ne le voyait de nulle part, ni de la rue ni du trottoir en face même en se mettant Continuer la lecture#été 2023 # 9bis | Faire bouger le temps

#été 2023 #9bis | La méprise

De dos, il ressemble tellement à l’ancien directeur que mon cœur fait un bond dans ma poitrine et un élan de joie met aussitôt mes jambes debout prêtes à courir vers lui. Même veste serrée, même carrure, le même manque de cheveux sur la partie arrière de son crâne, le dos légèrement vouté comme à son habitude. Il est revenu, Continuer la lecture#été 2023 #9bis | La méprise

#été2023 # 08bis l cette porte de garage-là

Il y a cette porte, cette porte de garage, une porte blanche en bois peint. Une porte rudimentaire, à la clenche ancienne, une simple clenche de fonte noire. Il y a cette porte. Pendant longtemps cette porte ne représente rien. Ni pour la mère, ni pour le père, ni pour la petite fille. Pendant longtemps cette porte de garage n’est Continuer la lecture#été2023 # 08bis l cette porte de garage-là

#été 2023 #9bis | la maison sur la place

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#été2023 #07 | corps à rebours

Cérémonies secrètes C’est comme un puzzle. Des images, des détails, des objets. Comme si à partir d’eux il fallait reconstruire une histoire qui n’est écrite nulle part. 1 Ça y est. le corps a disparu. pour de bon. 2 ils ferment le cercueil. comme un rituel. des gestes artisans et sacrés. le bruit seul des vis, des outils, objets devenus Continuer la lecture#été2023 #07 | corps à rebours