#P8 Tu m’as donné ton regard

Tu as toujours été là. À nous fixer du regard. Là, tout au-dessus d’une étagère recouverte de bibelots. Ton portrait, à côté de celui de ton mari. Vous ne figurez pas sur la même photo. Ce sont deux cadres identiques, du même format, mais séparés. Des photos en noir et blanc. Même si elle était en couleur, le noir et Continuer la lecture#P8 Tu m’as donné ton regard

#P7 Comme des images

À un frémissement, un léger choc contre les pierres, on les devine. À une soudaine modification des bruits contenus sous les arbres. Puis, plus rien. Un silence en attente, d’une qualité toute neuve.  Toutes deux inséparables. Dissimulées, immobiles encore sans doute, mais comme en équilibre. Un rien de trouble s’élève malgré tout dans l’épaisseur de midi. Quelque chose se prépare Continuer la lecture#P7 Comme des images

#P7 L’arbre à confiture a de la conversation

Elle n’est pas vraiment vue. Elle a des murs. Est-ce que les murs ça contrarie la notion de vue ? Elle n’est pas vraiment vue… Et s’il y a à voir, est-ce que ça change la réponse ? A voir ? Un merle, deux merles. Merle et merlette à l’aise dans leur garde-manger : un laurier généreux en baies, grosses baies de juillet. De Continuer la lecture#P7 L’arbre à confiture a de la conversation

#P4 Comment dirais-je ?

« Il te faut me décrocher les rideaux de, comment dirais-je, de la chambre du milieu. » Elle ne se souvient plus très bien de, comment dirais-je, de la chambre. Mais laquelle ? Tiens, une, comment dirais-je, chambre ! Elle semble ne pas se souvenir bien de ce qu’elle veut, comment dirais-je, dire. Ou plutôt, comment dirais-je, comment. Ça doit être quelque chose comme Continuer la lecture#P4 Comment dirais-je ?

#P8 Solitaire force 10

Au tout début de ta vie tu étais terrienne. Très vite tes lectures t’ont menée vers des aventures où le vent claquait dans les voiles. La mer était ton horizon secret. Tu as vite appris à manœuvrer sur ton vaurien d’enfance. Rien ne valait les embruns qui fouettaient ton visage grave et heureux. Exister sur l’eau, voilà ce que tu Continuer la lecture#P8 Solitaire force 10

#P8 | Louis (mon doux fantôme 1/2)

Un portrait en noir et blanc. Tu es allé chez le photographe ce jour-là. Tu es très élégant. Vrai, on dirait un acteur de cinéma. Veste, chemise blanche, cravate. Front haut et dégagé. Tu as soigneusement peigné, lissé tes cheveux vers l’arrière. Mais ce qui frappe à bien te regarder, c’est l’ombre. Tu ne poses pas tout à fait de Continuer la lecture#P8 | Louis (mon doux fantôme 1/2)

#P9 | Les indéfectibles

C’est une photo de l’album. Une petite photo en noir et blanc qu’on a eu la bizarrerie de glisser dans un cadre, un cadre qui la bouffe, qui la rend comique. Le cadre a une forme inhabituelle, qui donne des impressions de retour à la petite école. Il s’agit d’un cadre découpé comme un soleil ovale. On dirait une explosion Continuer la lecture#P9 | Les indéfectibles

#P8 Petit garçon

Tu regardes les montagnes. Les gens de la plaine les tiennent à longueur de bras. Ils marchent sur terrain plat et ils travaillent la terre. Alors toi aussi tu es paysan. Mais tu regardes les montagnes. Tu es le fils aîné. Tu as deux sœurs puînées. Tu n’as pas de frère. Tu as une chatte qui dort avec toi sous Continuer la lecture#P8 Petit garçon

#P7 Antonia (prononcer paresseusement la dernière syllabe, en diérèse, comme s’il y avait deux l entre le i et le a)

variation 1 La fenêtre de la petite chambre nord de chez l’Antonia est une discrète position de vigie. À gauche, la vue rassurante sur l’arrière de l’auberge des quatre-routes. On pourrait toucher l’ardoise gris-bleu sombre des murs et des toitures qui se détache sur un nuancier de verts dominant. Au premier plan, le pré. En deuxième ligne, l’écran des hauts sapins Continuer la lecture#P7 Antonia (prononcer paresseusement la dernière syllabe, en diérèse, comme s’il y avait deux l entre le i et le a)

#P8 | La maladive exhalaison ou Le dytique(2)

(…) Parmi la maladive exhalaison De parfums lourds et chauds, dont le poison —Dahlia, lys, tulipe et renoncule— Noyant mes sens, mon âme et ma raison, Mêle, dans une immense pâmoison, Le Souvenir avec le Crépuscule. Paul Verlaine, Crépuscule du soir mystique, Les Poèmes saturniens Des odeurs âcres de pierre, d’urine et d’étoffes mal lavées imprègnent les couloirs et les Continuer la lecture#P8 | La maladive exhalaison ou Le dytique(2)