#P3 | Émousser la lame

C’est l’objet du quotidien qui attire le plus son attention, toujours ce petit instant de sidération quand chez des ami·es elle ouvre le tiroir des couverts pour saisir un… ou, encore plus oppressant, quand elle appréhende une série alignée de la plus petite à la plus grande, en exposition au-dessus de l’évier. « T’as pas de… ? », non elle n’en a Continuer la lecture#P3 | Émousser la lame

#comme | Je te papouille comme…

Je te papouille comme une cabane dans les arbres, totalement fantasmée parce que je n’ai même jamais grimpé dans un arbuste, alors bon…Je te papouille, pas comme une chatouille, non plutôt comme une cuillère en bois quand ça s’éclate dans la pâte à gaufre.Je te papouille, comme un lave-vaisselle en pleine action, gicler sur les assiettes.Je te papouille, comme un Continuer la lecture#comme | Je te papouille comme…

hors-série #2 | Un animal docile

C’est un animal peureux et sensible, il a deux cornes, une bosse en cuir sur le dos et deux grandes pattes circulaires, cerclées de fer. Il m’arrive de croiser ces pauvres bêtes, grinçant de tout part, quand je me retourne, alerté par cette douleur à pédale, je constate souvent que ce pauvre être porte sur son dos un spécimen de Continuer la lecturehors-série #2 | Un animal docile

hors-série #2 | Sac de berger (état transitoire)

Le bout du rabat traînait retourné comme une vieille loque dans une flaque d’eau, sur le goudron granuleux du parking. Le vendeur commençait à ranger des caisses. Venant me voir, content que je le remarque, il le secoua, le trempa encore, l’égoutta. Il m’expliqua rapidement comment lui redonner un peu d’aura, quelques billets froissés transitèrent de main en main. Je Continuer la lecturehors-série #2 | Sac de berger (état transitoire)

hors-série # 2 | sans couvercle et sans fin

Il existe depuis l’antiquité et sous multiples formes son suffixe déjà le détermine : «oir» indique un objet fonctionnel, arrosoir bougeoir armoire débouchoir urinoir butoir encensoir accotoir accoudoir dressoir crachoir vidoir…il est fait d’une devanture, de deux côtés, un derrière, un fond et n’a pas de couvercle. Il peut être multiple par deux par dix ou seul, grand large étroit Continuer la lecturehors-série # 2 | sans couvercle et sans fin

hors-série #2 | Frigidaire

Un bon frigidaire se tient debout, regarde droit devant, souffle froid dedans, domine toute cuisine bien conçue. Facile à vivre, simple d’esprit, ce brave pavé marche quand il est branché, déprime quand il est vide, s’éclaire à l’ouverture. Son absence choque : il manque un membre au foyer. L’oeil, jadis habitué aux forêts, ne peut plus s’en passer. C’est vers Continuer la lecturehors-série #2 | Frigidaire

hors-série #2 | matriculé

De bol, il n’y en a qu’un, c’est celui de Quimper, Quimper du fin bout de la terre et le bol parti avec elle un beau dimanche matin ; tout craquelé dans le creux de son sein le bol, de son sein ridulé ébréché fendillé fissuré fatigué, fatigué d’être bol, bol ayant vécu bien vécu fort vécu tant vécu chaque Continuer la lecturehors-série #2 | matriculé

hors-série #2 | les deux font la paire

A talons ou plates, nu-pieds ou fermées, montantes ou pas, en cuir, en daim, en tissu, en plastique, collées, cousues, rigides, souples, trop petites, trop grandes, confortables, blessantes, déformées, parfaites, faisant un mignon petit pied, écrase-merde, claquant comme sabot, discrètes comme chausson de cambrioleur, toutes belles toutes cirées, toutes dégueulasses de boue ou de peinture, toutes neuves ou ayant bien Continuer la lecturehors-série #2 | les deux font la paire

hors-série #2 | Gitane maïs

Posée sur la margelle du puits quand on abreuve les bêtes, c’est une danseuse cassée, brin de paille tout sec, viendra se ficher seule toute la journée entre les dents, saignant son jaune sur le tracteur qui tremble, c’est un cerf, un cygne entier, poitrail gorgé de brume, danse dans les narines de pépé, fine poussière de miettes, craquent les Continuer la lecturehors-série #2 | Gitane maïs

hors-série #2 | la politesse du revolver

Le ventre poli de la crosse. Tout rond. Presque doux. Presque discret. Qui se la raconte pas. Poli quoi. Si seulement il n’était pas accroché là. On ne parlerait pas de lui comme ça. Il pourrait partir et tout recommencer. Il pourrait avoir une vie à lui. Une vie dans des galeries. Pourquoi pas ? Détaché du reste, il pourrait faire Continuer la lecturehors-série #2 | la politesse du revolver