#L2 | Là-bas

Le voyageur ne sait jamais à quoi s’attendre. Le voyageur voyage, il ne sait pas ce qui va arriver le jour suivant. À chaque étape, le voyageur se demande de quoi seront faits sa nuit son sommeil. Pas de rendez-vous, de lettre à porter, de marchandise à livrer. Il a rejoint une zone habitée par besoin de compagnie ou nécessité Continuer la lecture#L2 | Là-bas

#L2⎜Au port, les vies pleines

(Résumé de l’épisode précédent : Il est seul sur le quai. Il regarde autour de lui. Pour enfin avancer : trois pas, juste trois pas… Pour accéder à la première partie de ce récit, lire Au port, les mains vides) C’est toujours la même histoire avec les piliers de bars : les ivrognes répondent aux ivrognes. Il aura fallu que Continuer la lecture#L2⎜Au port, les vies pleines

Coup de glotte

Sous la frange maladroite oscillent les rayons des néons. C’est un couloir lent et long sur lequel baillent des portes ouvertes, alignées sagement, comme les perles du collier de l’aïeule. Le sol chuinte sous ses semelles de plastique caoutchouc mou made in China, alors que son pas s’accélère et dévide à grandes enjambées pressées les numéros des salles allumées mais Continuer la lectureCoup de glotte

#L1 Elle marche,

Elle marche sur l’asphalte blême d’une rue ensommeillée, plaçant un pied devant l’autre, mécaniquement. Elle regarde à droite puis à gauche, observe le ciel blanc comme s’il pouvait lui indiquer la bonne direction. Elle avance à l’instinct depuis plus d’une heure, entraînée par le bruissement des feuilles et le souvenir des ambiances qui vont et viennent du fond de sa Continuer la lecture#L1 Elle marche,

#L1 | Voodoo Russian Airlines

À l’époque, elle ne connait pas la blague : Tu sais pourquoi le Pape embrasse le sol chaque fois qu’il atterrit dans un pays. Non ? Prends Alitalia, tu comprendras ! Elle est posée sur l’accoudoir, sortie du cauchemar, à se demander comment ces connards de russes ont encore le droit de transporter des voyageurs. Pourquoi leurs matrones sont habillées Continuer la lecture#L1 | Voodoo Russian Airlines

Mon monde rêvé

Eau des mers, eau des océans, d’un bleu plus ou moins turquoise, plus ou moins profond, dans laquelle j’ai si souvent rêvé de pouvoir m’immerger, sans la nécessité d’oxygène à devoir rechercher. M’enivrer de ton calme, de ta sérenité, affranchie de toute temporalité, où mon corps jouirait d’une totale liberté de se mouvoir jusqu’ici jamais éprouvée. Remonter à l’air libre Continuer la lectureMon monde rêvé

L#2 Tout ce qu’il ignore


Il ne connaît le nom d’aucun des arbres gigantesques qu’il découvre, ni d’aucune de ces plantes flottantes d’où s’envolent en criant des oiseaux rouges, pas plus qu’il ne comprend la langue des Chinois qu’il transporte (il a l’impression qu’ils parlent tout le temps dans son dos et cela depuis des semaines de voyage). Mais il sait où il va, il a un projet, projet d’installation avec son beau-frère dans cette habitation pour laquelle il est allé chercher ces employés chinois. Il trouvera, avec l’aide de ce second qui parle quelques mots de français et auquel les autres obéissent. Ces gens-là sont malins, débrouillards, capables de supporter la faim, la soif et ils n’ont pas peur de l’inconnu. Il en faut de la misère pour s’embarquer ainsi au bout du monde pour quelques sous. Lui non plus, n’a pas peur, mais ce n’est pas la misère qu’il l’a fait partir, c’est autre chose qu’ils ne peuvent pas comprendre. Ils vivent au jour le jour sans but. Beaucoup sont morts en chemin, fièvres, dysenterie, éruptions étranges et toutes sortes de misères dues à leur faible constitution. Lui est fort et en bonne santé et son projet le porte, le protège du mauvais œil. Il ne croit pas au mauvais œil dont son second ne cesse de lui parler. Pour un blanc comme lui, bien né, dans une famille respectée (son père n’était-il pas médecin ?) le mauvais œil est un racontar de vieille femme ou de chinois. Il reviendra fortune faite, sera fêté adulé, respecté même par son père. Il le sait, il sent sa bonne étoile. Ce qu’il a déjà accompli est immense. Cette longue traversée dangereuse, il a su en venir à bout. Il viendra à bout de bien d’autres obstacles.
N’est-ce pas cela qu’il a voulu : s’embarquer, partir loin et faire fortune dans ce vaste pays qui possède tant de terres vierges. Comme tant d’autres qui ont réussi. Pourquoi pas lui ?


Ce qu’il ne sait pas, c’est que son beau-frère est mourant ; il devrait se douter de quelque chose en ne voyant personne au débarcadère, mais il est plein de ses espoirs, remplis de ses illusions et tellement heureux de toucher enfin la terre ferme. Il ne sait pas non plus que l’habitation est en friche et ne ressemble pas du tout à ce qui lui a été écrit. Les cabanes de bois construites rapidement n’ont pas résisté aux pluies diluviennes, on dort dans des hamacs par crainte des serpents et on peine à négocier sa pitance avec les indigènes qui préfèrent la vendre aux chercheurs d’or. Tout est à faire, à reconstruire et il faudra encore trouver des prêteurs pour les investissements de départ, ces plants de cannes que les colons installés ne cèdent pas facilement de peur de la concurrence des nouveaux arrivants. Ce qui ne sait pas non plus c’est que sa femme vient d’accoucher d’un garçon. S’il le savait, cela lui donnerait du courage. Il a tellement peur que ce soit une fille, une fille fragile et délicate. Il ne sait pas d’où lui vient cette angoisse tenace d’avoir une fille, un cauchemar qui ne le lâche pas depuis son départ, depuis qu’il a appris la grossesse de sa femme.


Fièrement campé sur le pont, il donne des ordres à son second. Les Chinois obéissent, se jettent à l’eau au péril de leur vie pour accoster et amarrer le bateau. Les boucaniers n’ont pas bougé tous à leur affaire de rôtissage au milieu de la fumée. Une famille en pirogue fait des signes aux Chinois qui nagent avec peine dans le courant violent et sauvent un malheureux qui se laissait emporter dans les eaux boueuses. Ces gens-là se comprennent pense-t-il avec mépris. Ce sera utile pour la suite.
« J’ai faim et soif », crie-t-il aux boucaniers qui le regardent arriver avec de grands sourires.

Le pays

Au milieu du dix-neuvième siècle, ce terme ne désigne que la région d’Italie septentrionale, commandée par Turin, ainsi nommée en raison de sa position « au pied des monts ». Son nom se trouve, tout naturellement, formé de « pied et de mont » semblant tiré du mot italien  piemonte et comme si, déjà, le patronyme lui-même hésitait entre deux notions s’opposant : montagne et Continuer la lectureLe pays

#L2 | Ce qu’elle ne sait pas.

Elle ne sait pas comment tout cela va se finir, évidemment. Elle ne sait pas comment le petit garçon de ce simulateur a été simulé et si son clone d’origine, non pas son avatar mais sa source, existe réellement. Ce petit garçon-là surprotégé du soleil et abandonné sur la plage. Elle ne sait pas si ce petit garçon modèle existe Continuer la lecture#L2 | Ce qu’elle ne sait pas.