#anthologie #36 | sans titre

« Avec plaisir » dit-il en posant la tasse de café sur la table. Mais avant de la poser sur ma table, la tasse de café a fait bien du chemin. Je le sais, je l’ai déjà vu faire des dizaines de fois. Il la prend d’abord avec sa main droite en l’attrapant par ce qui est appelé l’oreille qu’il tourne systématiquement Continuer la lecture#anthologie #36 | sans titre

#anthologie #36 | le dictaphone

Le dictaphone est sorti, sorti de l’armoire, dictaphone gris, large, large comme les premiers walkmans, rectangulaire, avec des angles qui dénotent une époque, comme le plastique, comme la couleur, comme la matité. Objet technique réduit à une seule fonction à la manière du coupe-papier. Enregistrer, conserver, restituer. Trois verbes, une seule fonction en réalité. Le dictaphone est là, sur le canapé. Le carnet est prêt, le carnet pour consigner, pour enregistrer sur la feuille les mots parlés, pour enregistrer avec l’écriture les mots prononcés. Le carnet est prêt pour retranscrire sur le papier les mots, le grain, les silences, l’accent, les tournures, ce qui se dit, ce qui se tait, ce qui se devine. Continuer la lecture#anthologie #36 | le dictaphone

#anthologie #36 | Défilement incontrôlable

Elle est assise devant la table ronde, concentrée. Elle prend chaque photo, les années défilent, en arrière, toujours en arrière. Du plus loin, cette femme sur la photo encadrée de bords blancs dentelés, la mère de sa grand-mère, un bouquet de dahlias posé sur les genoux, au moins quatre-vingt ans, une vieille femme plus jeune qu’elle maintenant, elle n’en a Continuer la lecture#anthologie #36 | Défilement incontrôlable

#anthologie #36 | fracas de lune

Qui se lance ? Moi ! il faut qu’elle se lance sinon elle va s’enfuir ou mourir ou les deux à la fois, elle se lève, avance sur la scène, semelles de plomb. L’homme lui tend une assiette blanche en porcelaine, il dit Ceci n’est pas une assiette, elle déglutit, hoche la tête, prend l’assiette dans la main gauche, la Continuer la lecture#anthologie #36 | fracas de lune

#anthologie #36 | Ralentir ta peau

C’est la chaleur qui étire la scène, l’allonge comme on étend un corps dans l’ombre. Sa mémoire déplie un à un les éléments de sa silhouette : le pied en arc, legs des heures de danse, les cuisses enflées qu’elle bat rageusement chaque fois qu’elle les fixe, le bronze de son ventre, les poignets affolés, la maladresse écarlate des ongles à Continuer la lecture#anthologie #36 | Ralentir ta peau

#anthologie #36 | le temps qu’un cheval batte la queue

« Le temps qu’un cheval batte la queue », disait le grand-père, quand les autres parlaient d’éclair.Assise sous le pommier, car debout je ne tiendrais pas le temps que les laquais harnachent le cheval pour la parade de Lugnasad. Les pendeloques sont d’or, la pierre de jade sur le front de l’animal est le signe ancestral du dieu, le bandeau que l’on Continuer la lecture#anthologie #36 | le temps qu’un cheval batte la queue

#anthologie #36 | la femme aux mots empêchés (3) : ralenti

…elle avance avec les mots qui roulent et roulent dans la tête et Denis au bout sous les arbres Denis sur terre Denis à quai et les racines qui poussent à ses pieds et crèvent le béton et elle sourit à l’idée de Denis et des racines sous ses pieds vivantes alors elle avance elle presse le pas et jette Continuer la lecture#anthologie #36 | la femme aux mots empêchés (3) : ralenti

#anthologie #36 l Seuil

Avec quoi sont fabriqués les romans ? Une intrigue? Des paysages? Des décors? Des personnages? Des émotions? Un agencement des mots pour que le lecteur s’identifie aux personnages et ressente les émotions qu’ils ressentent ? Pour qu’il croie au mensonge vrai que mot après mot un auteur aura bâti? Même en partant d’un fait biographique à partir du moment où Continuer la lecture#anthologie #36 l Seuil

#anthologie #36 | noir et blanc

aller y voir de prèsellipses suspens dimensions dilatations | frontières malléables | limites floues des prairies et du vent | où vais-je porter les yeux à présent qu’ils se sont rencontrés ? très haut du côté des nuages qui modifient l’ampleur du ciel ou alors au ras de l’herbe autour des corps enlacés ou alors depuis la plateforme de l’observatoire qui propose Continuer la lecture#anthologie #36 | noir et blanc

#anthologie #36 | Trop lente

(un autre point de vue dans Silence d’été ) Elle entre dans le grand sombre, il est là, droit devant, sa fraicheur l’appelle. Le soleil est trop chaud. Elle le sait, ses dix sept jours d’existence lui ont donné toute la sagesse du monde. Elle le sait quand le ciel brule dans ses dizaines d’yeux il faut rejoindre l’ombre. Jusqu’à Continuer la lecture#anthologie #36 | Trop lente