Elle est assise à côté en face de lui et lui sourit. Elle sourit des lèvres, elle sourit des yeux. Ses yeux doivent parler. Dire qu’elle comprend. Qu’elle suit ce qu’il dit. Le cou, la tête acquiescent. Les lèvres fermées s’étirent, dessinent un sourire. Un sourire qui dit oui, je te suis, j’ai compris, je suis d’accord, je comprends de quoi tu parles. Ses yeux la trahissent-ils? Devine-t-il qu’elle ne sait pas qui est cette personne dont il parle? Un intellectuel, un homme politique, un écrivain? Sourire. Se taire. Acquiescer. Mais ses yeux? Comment leur donner cette lueur d’intelligence de celui, de celle- difficile pour celle, difficile pour elle- qui a compris, qui sait de quoi, de qui, on parle? La devine-t-il? Sait-il sa bêtise, son inculture? Sourire. Sourire du niais, du sot. Sourire de la niaise, de la sotte. Subir le discours. Toujours mieux que d’avoir à parler. Le laisser parler. Il aime parler. Il sait parler. Il sait tant de choses.
Il saisit parfois de l’effroi dans son regard, comme un appel. Parfois un vide. Il a l’habitude. Les élèves d’abord. Et tant d’autres. Il parle pour lui. Il parle comme il pense. Il parle parce qu’il pense. Il pense tout le temps. Penser, verbaliser. Là il est a son affaire. Qu’elle se taise. Qu’elle se taise ou qu’elle parle, peu importe. Il habite sa pensée, la déploie, la creuse. La donne à entendre, la partage avec ses auditeurs. Son auditrice en ce moment. Il la subjugue. Elle lui sourit. Elle se réjouit de ce qu’il dit, de ses finesses intellectuelles, de son acuité, de sa force de raisonnement. Rares en sont capables, il le sait. Continuer la lecture#anthologie #16 | tétanie→