Jardin Casque d’Or. En mouvement yeux clos puis totalement immobile, yeux grand ouverts. Devant moi l’allée rectiligne, mon regard fixe. Les voix des enfants sont dans mon dos. Elle court, s’éloigne de moi, disparaît au loin dans un buisson. Le sol gravillonneux pénètre dans ma chaussure, s’infiltre entre mes doigts de pieds.
Noir. Marche. Lumière. Un buisson. La végétation envahit totalement mon cadre. Petites feuilles lisses, épaisses et un peu piquantes. Mon regard circule dans l’épaisseur végétale, se fraye un passage, se courbe. Ils sont là, trois fruits rouges, ronds, brillants, rubiconds en somme.
Marche. Noir. Lumière. Tête en l’air, cimes. On dit des arbres qu’ils sont timides, que là-haut au bord du ciel ils se partagent l’espace pour éviter une embarrassante proximité. Ils se frôlent pourtant, bruissement total, enveloppant. Deux voix de femmes approchent de mon occiput, se mêlent aux ébats sylvestres dans une langue que je ne connais pas puis disparaissent dans la direction de mon menton.
Noir. Lumière. Un chemin diagonal traverse l’image. Elle se dirige d’un pas ferme vers la ligne, pose ses pieds sur les lattes de bois, s’arrête, s’allonge, s’étale, se met en boule et roule très lentement le long de la pente en s’éloignant, se fond dans le sol, s’y enroule, en épouse les bords, force la pesanteur. Un homme, venu de loin, la croise à mi-chemin sans s’arrêter. Noir.
Noir. Lumière. Son visage si près du mien. Nos respirations. Mon immobilité s’emplit de la sienne qui exacerbe le moindre mouvement du dehors. Ballon, oiseaux, enfants, groupe d’adolescents, papier gras, mouche, feuille, femme au téléphone, lignes de fuite, trajectoire, amplitude. Envol.