– Tu es triste.
– Oui.
– Tu y es revenue. Tu es allée à la même fenêtre petite. Tu as regardé. Immobile tu étais. Tu as vu comme une flaque le goudron gris.
– Oui. Oui. J’ai vu. Le petit goudron gris comme une flaque. Le temps mou… Je ne sais pas. Je vais vomir. Je ne sais pas. Il a manqué quelque chose. Je n’ai pas reconnu. Il a manqué, tout. Tout. La pluie avait séché. Là. Regarde. Tu ne revois pas la forme floue qui plane, toujours fragile.
— Juste derrière, il y avait ton corps, à la fenêtre.
— Tu regardes à la vitre. Tu es derrière, juste derrière, la vitre. Immobile. C’est sale. La poussière s’est accumulée comme un filtre depuis dix ans peut-être, une poussière fine, atténuante. C’est blanc de la vapeur de ton souffle. Tu vois l’ombre du corps qui regarde à la vitre, son reflet. Tu vois les deux images qui se recouvrent, qui flottent. Comme deux corps, dans l’amour. Je ne sais pas. C’est, là, regarde, des yeux absents, la ligne fuie du nez bleu du froid, le cœur gelé qui souffle le souffle de la respiration, là… Regarde. De profil tu es : tu n’est qu’à demi. C’est tout. Voilà. Tu es perdue à l’image. C’est toi, toi qui manque à toi.
— Oui.