Je n’a jamais eu de carnet. Pas vraiment. Des carnets d’ébauches de projets, deux ou trois pages remplies tout au plus. Des débuts d’histoires commencées avec fièvre et passion auxquelles succède un très long silence de pages blanches. Pas exactement un silence, une pause plutôt. Une pause définitive. Et pourtant, des carnets, j’en ai plein le tiroir de mon bureau. Qui n’est pas vraiment un bureau puisque je ne travaille jamais dessus mais plutôt un endroit où nombre d’objets et de papiers font escale avant une autre destination. Un classeur, un carton, une poubelle. Chez moi, le bureau, c’est comme le carnet : ça existe mais ça ne sert à rien. Enfin, ça ne sert pas à quoi ça devrait servir.
Petit carnet Rodia à rabat horizontal. Vide, bien sûr. Trop petit pour pouvoir noter des idées. Des chiffres, tout au plus. Des dimensions pour des étagères, je ne vois que ça. Ou alors, écrire avec des chiffres. Pourquoi pas.
Épais carnet avec une très belle couverture en toile tissée et de magnifiques pages blanches. Vide évidemment. Impossible à tenir en mains. L’objet est beau, c’est sa seule utilité.
Carnet format livre avec une très belle couverture en cuir et un long lacet qui est fait plusieurs fois le tour une fois fermé. L’objet fait rêver, c’est l’image du carnet du baroudeur. Je sens le cuir pour chercher une odeur de sueur et d’aventures, mais il sent la poussière. La première page est entièrement remplie d’une écriture serrée, c’est un journal d’écriture. Au tout début de mon année passée au Québec en 2006. Il y a même un titre : La métamorphose du caribou. Il reste à peu près 150 pages pour écrire une suite. Une suite blanche.
Ah, là, un carnet bien rempli. Je l’ai depuis que je suis adolescent celui-là. Des textes recopiés pour l’essentiel, des chansons, des poèmes. Léo Ferret, Beaudelaire, Rimbaud. Quelques textes de moi, des chansons j’imagine. J’adorais composer des chansons quand j’étais vieil ado. Sur feuilles volantes, la plupart. Mes chansons se sont envolées.
Mes carnets d’écriture ne sont pas riches, je garde beaucoup de choses en moi, dans ma tête. Avec l’ordinateur portable, je prends souvent des notes, j’esquisse des histoires, je note des idées. Et puis je mets tout ça dans un fichier. Jusqu’à ce que me prenne l’envie d’y jeter un oeil, de classer. Et de tout jeter.
Il y a quand même des carnets bien remplis de ma vie que je garde. J’ai toute une collection d’agendas. Format qui peut rentrer dans une poche. L’agenda, c’est le carnet d’avant le carnet. C’est l’étape qui précède l’émergence de l’idée. Beaucoup d’éléments que je peux tirer de ma vie pour servir la cause de mon écriture y sont présents. Exacompta, septembre 2015 à décembre 2016. Brepols, 2017-18. J’ai toujours préféré les agendas courant sur une année scolaire et non civile. Vieux truc de l’ancien prof que j’ai été à la préhistoire ? Des rendez-vous pros. Des descriptifs de plongées sous-marines. Des listes de livres empruntés à la bibliothèque. Des séances de kiné. Des matchs de rugby dans la région. Des initiales avec des numéros de téléphone. Des sites internet. Des plans pour aller à des adresses, à des soirées, à des concerts.
Autre carnet d’avant, le répertoire. J’ai un gros répertoire où j’ai gardé les noms, les adresses et les numéros de téléphone de personnes que je ne vois plus depuis longtemps. Très longtemps. Du temps où les numéros de téléphone était à six chiffres. Le numéro de chez moi, quand j’étais enfant, c’était 26 26 15. L’hôpital, c’était 26 26 16. Pas besoin de carnet pour me souvenir de ça. Dans ce répertoire, des noms de copains de l’école primaire. Richard, Manuel, Nicolas, Éric, Jean-Christophe. Plusieurs noms de connaissances aujourd’hui disparues. Avec une adresse et, parfois, un numéro de téléphone. Ça me plaît cette idée d’avoir la possibilité de contacter un ami qui est mort. Ça me met en appétit d’écriture.
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ouiii, le répertoire, malle à histoires !
C’est exactement ça. On ne se méfie jamais assez des répertoires.
oui, j’ai un peu le même rapport au carnet, j’en ai pourtant toute une collection car l’objet m’attire, surtout les formats inattendus trouvés à l’étranger, j’en fabrique même, j’en illustre pour mes éditeurs, et je les offre…
trop petit ou trop grand, trop impressionnant
comme tu racontes bien ! on te suit tellement bien…