Des cahiers d’école où j’installe le long des lignes mes commentaires, mes expériences. J’y agende mes sorties cinéma, y colle les tickets, parle des livres que je lis, je veux tout garder en mémoire.
Carnets de voyage: je marque, je crayonne, je colle, je plie, je colore. Comme si poser les mots sur le papier retranscrivait un peu les sensations, les couleurs du pays visité. Emprunter des vestiges aux terres parcourues : du sable noir, une feuille asséchée qui tombe quand on le feuillete à nouveau. Pas de photo, mais des images glanées sur place, des mots griffonnés dans tous les sens, à la va-vite à la terrasse d’un café. Des mots posés sur les lignes le soir. Je m’applique, en pensant au plaisir que j’aurais à le rouvrir.
Carnets doudou, toujours dans mon sac, m’accompagnent à chaque déplacement, toujours à portée de main. J’en ramène de voyage, on m’en offre. Plusieurs sont vierges, en attente sur une étagère au milieu d’enveloppes de toutes les tailles. Ils me rassurent, je sais que je peux y déposer tout ce qui viendra à l’improviste que je veuille le garder ou que je veuille m’en débarrasser.
Papier buvard qui absorbe mes larmes. J’y déverse tout ce qui fait mal comme si l’enfermer ici arrangerait quelque chose. Ça ne change rien, mais au moins, c’est dit. C’est écrit. A moins que ce ne soit un devoir de mémoire. Les faits n’étant pas encore affadis par le voile du temps. Peut-être que si c’est compilé ici, j’aurais une preuve que c’est vrai, que ça a réelement existé ? J’aurais là, gravées sur la page, les émotions à l’état pur. Une retranscription du moi que j’avais été à ce moment, ce moi d’avant, ce moi d’alors.
Sous une couverture colorée, des pages beiges, parfois jaunies. Souvent un elastique pour le fermer à mesure qu’il grossit. Des post-it, des papiers en dépassent. Il gonfle sous mes mots, sous mes ajous. Des pages striées de lignes droites sur laquelle mon stylo glisse et l’encre noire se pose. Les mots sont griffonnés de manière à être peu lisibles. Écrits en français, langue que je suis la seule à parler chez moi. Les carnets sont mon domaine et réservés à mon unique usage. Ils n’ont de sens que pour moi, n’ont de raison d’exister parce que je le veux. Ils disparaîtront avec moi. Ils sont une partie secrète de moi. Mes mots et du silence contre l’oubli.