Qu’il est doux d’écrire ses carnets avec vous…
10 novembre – 15H00 – carnet 1. Hier soir, vingt-deux heures, il fait nuit et elle est froide la nuit. Je sors de la boxe, je tremble un peu sur mon vélo, j’ai hâte de rentrer. Soudain, une image, un flash, la sensation d’un rêve. A l’abri bus de l’hôpital, le long du grand boulevard qui longe la forêt, je vois, un corps allongé, à même le bitume, qui dort, du moins, je l’ai espéré. Un corps de femme, il m’a semblé, avec une béquille à ses côtés, comme jetée ou tombée. Là, sous les néons blanchâtres et je ne me suis pas arrêtée.J’ai continué à rouler et j’ai pensé, il faut appeler la police, peut-être a-t-elle eu un malaise, peut-être a-t-elle trop bu,peut-être… il y en a eu des peut-être dans ma tête, mais j’ai continué à rouler.
10 novembre – 20h30 – Carnet 2. Ma mère était épileptique et lorsque j’étais petite fille, je la voyais souvent tomber, à la maison, dans la rue ou dans la queue d’un cinéma. Un jour, je devais être avec elle et mes petites soeurs, lorsque brusquement, elle est tombée dehors mais je ne sais plus où et je ne sais plus ce qui s’est passé entre le moment de sa chute et le moment où je me suis retrouvée assise dans une voiture de police entre deux policiers mais je me souviens que je venais de faire tomber ma glace au chocolat sur le pantalon de l’un d’entre eux.
12 novembre – 10h30 – Carnet 3. Regards furtifs et en colère derrière la vitre droite de sa voiture contre la vitre gauche de la mienne, son feu droit contre mon gauche, collés, chacune tentant de se faufiler dans la longue allée de pare-chocs, chacune s’estimant légitime de la place attitrée de première, chacune. Il s’en est fallu de peu pour que je la…
13 novembre – 9h00 – Carnet 4. « Qu’est ce tu fais ? J’entends Isabelle ! »
Un silence, on écoute. Léger bruit en bas.
« Elle recommence. – Va voir mais tu n’ouvres pas aux autres.» Il descend, je jette un coup d’œil vers l’heure …mm trop tôt. J’entends pas, ouvertures de portes, fermetures et le silence. Je sens une présence sur le lit, c’est Isabelle.
On se rendort tous les trois.
14 novembre -15h05 – Carnet 05. 7h47, ciel caché par un brouillard cotonneux et ouaté, ciel que l’on ne peut deviner, ni lueur, ni horizon, dessinées en ombre, les branches des arbres. Nos têtes dans les nuages, plus de frontière, plus de ligne, seules quelques fenêtres éclairées nous ramènent les pieds sur terre. 9h00, le ciel n’a pas bougé mais les couleurs des feuilles d’automne sont visibles. Ça et là, un toit qui se réveille. 12h00, le brouillard a disparu mais la grisaille est restée et le ciel semble s’être éteint.14h00, un rayon de lumière éclaire brusquement le gris du ciel en bleu et le jaune des feuilles s’illumine d’éclat doré.15h00, le ciel n’a pas résisté, il se recouvre de son voile grisâtre, les nuages flottent si lentement qu’on les croirait immobiles. L’automne vient de tomber.
14 novembre 20h00 – Carnet 06. Personne d’autre que moi n’aurait remarqué que lorsque tu t’apprêtes à doubler une voiture, un camion ou une caravane sur l’autoroute, instinctivement, un des véhicules cités, accélère ? Tu t’apprêtes à doubler non pas pour être le premier mais parce que tu te maintiens à une allure plutôt rapide, que tu es sur la file de droite et que tu aimerais aller à gauche, parce que peut-être tu es quelque peu en retard sur ton emploi du temps de la journée et que devant, quelqu’un, que tu ne connais pas et à qui tu n’en veux pas, ne roule pas à la vitesse adaptée à la tienne. Et donc, tu mets ton clignotant pour indiquer derrière que tu vas dépasser quand soudain devant, ça accélère ! ça accélère comme si il était inconvenant que tu puisses passer devant, comme si de façon soudaine et inattendue, l’autre te disait Non tu ne passes pas c’est moi qui étais là, comme si il y avait quelque chose à se prouver dans ce combat invisible, ridicule mais qui, malheureusement, j’ai bien remarqué, se vit à chaque fois que l’on tente de dépasser et qu’il faut alors appuyer sur l’accélérateur pour foncer à une vitesse bien au delà de celle autorisée, jusqu’à en frôler l’accident, pour pouvoir se frayer un chemin et qu’il faut se retenir de ne pas lui foncer dedans parce que soudain la colère te fait bouillonner et que tu te retiens de l’insulter par la vitre fermée. Personne d’autre que moi ne l’aurait remarqué ?
15 novembre – 20h30 – Carnet 07 – Au tournant d’une rue, dans la nuit déjà tombée et à la lueur des réverbères, une fraction de secondes, deux filles adolescentes et un garçon, sourires rayonnants, voix enjouées, il est beau votre chien madame, les yeux doux du garçon et sa voix grave | visage de profil, cheveux noirs attachés par un élastique, visage pâle, elle se penche la factrice en regardant les noms sur les boîtes aux lettres, bonjour, bonjour qu’elle répond relevant à peine la tête, ses yeux fatigués | le visage de la caissière au supermarché, grand, rayonnant, vous avez la carte du magasin ? non, son visage avant et après avoir mis mes courses dans les sacs, sa coupe carré courte et une énergie qui jaillit de sa voix.
17 novembre 6 h00 – Carnet 8 – Anthony A Léa Lisa Hugo Amélie Mattéo Maëlis Clémentine Blaise Pascal Pascal Rambert Leslie Kaplan Xavier Durringer Jean Claude Carrière Enola Lucie Julien Noël Sylvain Levey Vanessa Aurelie Antoine Olivier Priscilla Virginie Despentes Sophie Calle Baptiste Laure Manon.
18 novembre 15h50 – Carnet 9 – Ne pas s’attarder sur le trop plein, la remarque cynique, le mot hypocrite et le regard oblique. Ne pas s’attarder sur le temps qui file, les bonbons trop sucrés et les shampoings empoisonnés..Ne pas s’attarder sur les regrets, les échecs, les j’aurai du, les j’aurai pu. Ne pas s’attarder sur les pommes pourries et les coups reçus. Ne pas s’attarder et perdre du temps si le temps est à perdre. Ne pas s’attarder sur la mort ou les fautes d’orthographes, ni sur les tâches du mur et mon collant troué. Ne pas s’attarder sur ma vieille voiture délabrée et les électriques dont je ne raffole pas. Ne pas s’attarder sur l’absence, le manque de sens, les informations du monde et les croyances. Ne pas s’attarder sur l’âge des Rolling Stones, les rêves non réalisés et le bout de mon nez.
19 novembre 14h00 – Carnet 10 – Pendant que j’écoute quelqu’un, j’essaie de ne pas penser à autre chose. Pendant que je parle, je m’applique à ne pas m’écouter.Pendant que je courre, je me laisse emporter par mes pensées. Pendant que je boxe, je veille à rester présente et éviter les coups. Pendant que j’écoute de la musique, je sens l’énergie envahir mon corps. Pendant que j’attend sur le quai d’une gare, je me demande ce que ce serait de tomber. Pendant que je regarde un inconnu, je sens une curiosité m’envahir. Tandis que mon mari me parle, j’ai parfois, envie de le quitter.Tandis que mon fils m’annonce une mauvaise note, je me demande si je suis vraiment sa mère.Tandis que mes voisins de train regardent leurs portables, j’ai envie de tous les briser. Tandis que je me regarde dans la glace, je me demande qui je vois. Tandis que le temps passe, j’aimerais l’arrêter. Tandis que j’écris ces lignes, je me demande si j’arrive à 480 signes.
20 novembre – Carnet 11 – Complètement inadaptée au système scolaire, mon bulletin de notes était désastreux, mais je me souviens tout à fait précisément qu’au collège, j’adorais écrire les rédactions et qu’on me les faisait à chaque fois, lire devant toute la classe, seuls moments où je sortais de la place du fond près de la fenêtre et où enfin j’existais – écriture, lecture et public.
21 novembre 15h – Carnet 12 – Sous la grisaille, la lumière.
25 novembre 6h – Carnet 16 – Echarpe ample rouge cashmere made in India chaude contre le cou frêle, parka d’homme verte avec fourrure intégrée, pantalon de cuir noir tombant jusqu’aux chevilles et crissement à chaque pas, douceur au toucher du pull noir acheté en supermarché de ville Monoprix, bottines à talons et paillettes à fermer avec un zip, trench anglais marron clair, petit pull violet à losanges sans manches sur chemise de soie et boutons fermés, ceinture noire, robe longue de soirée avec quelques trous finement choisis ou l’on devine la peau nue, béret rouge incliné sur la droite, lunettes rondes colorées, gilet en peau de daim beige, jean bleu cintré à la taille et pattes d’eph aux pieds, body noir dentelé, chemise fleurie transparente, veste en jean rapiécée avec du tissu rose, manteau bleu marine élégant, pull jaune noué autour de la taille, chapeau à bord feutrés et ruban, long tee shirt taille L Iron Maiden imprimé, pantalon bleu électrique cintré, chaussures beiges pointus et à lacets, cartable noir contre la cuisse, bonnet chaud, rouge, enveloppant la tête.
25 novembre – 21h – Carnet 17 – Arrêter de couper des arbres dans la forêt et en planter le double quand l’un d’entre eux meurt. Faire tomber dans des trous les humains qui ne ramassent pas les crottes de leurs chiens. Peindre les routes en couleur et interdire les voitures noires et grises de circuler librement. Permettre à chaque personne de la ville de rester enfermé quelques jours dans un magasin de son choix pour le laisser essayer tous les vêtements, manger des bonbons, écouter toute la musique ou lire tous les livres. Ouvrir toutes les maisons afin qu’on les visite, qu’on les traverse, qu’on les découvre. Pouvoir dîner un soir avec le maire en tête à tête pour lui exposer toutes nos idées et être écouté. Enlever toutes les caméras et faire confiance. Faire sortir tous les habitants d’une ville dans la rue en même temps et se donner la main.
27 novembre – 10h39 – Carnet 18 – Posté près du garde-fou, Joona laisse errer son regard le long du grand mur en béton. Vingt mètres plus bas, l’eau est évacuée par trois grands déversoirs sous lesquels le mur se courbe comme un gigantesque toboggan. Une énorme quantité d’eau est projetée sur le béton avant d’aller bouillonner dans le lit rocheux de la rivière. Le bras toujours en écharpe et sa veste posée sur ses épaules, il se penche au-dessus du garde-fou, sonde la rivière du regard et pense à la course de la voiture sous une pluie torrentielle. Le véhicule heurte le feu près de Bjjallista. Les vitres se brisent. Vicky est attachée mais le choc latéral projette sa tête contre la vitre.
Dimanche dans ma ville, la bibliothèque est fermée et je n’ai pas repris de carte cette année. Dix heure trente, je me dresse debout devant ma bibliothèque personnelle et sans un regard pour les livres, je plonge ma main et en attrape un. Il est dans la rangée de derrière, cachée par une rangée de devant où je sais que je n’ai pas encore tout lu. Je plonge ma main, tâte, sent qu’il est gros et semble n’avoir pas été encore ouvert. Je l’extrais lentement pour ne rien faire tomber et le pose sur ma table en bois ronde où mon ordi et mon café attendent. La couverture est noire et rouge, l’auteur Lars Kepler doit être suédois car il est traduit et l’édition est Babel Noir. Je ne le connais pas. Je l’ouvre au hasard, chapitre 65, pages 224, 225. Un violent craquement se fait entendre et une petite bande blanche au milieu coupe les pages en deux. Il est déjà vieux et abîmé. Un peu de feutre vert est dessiné sur le revers des pages. Je recopie.
28 novembre – Carnet 19. Un texte est posé devant moi, je le lis, je le corrige, je le rends, transaction, il me fait un sourire, je lui fais un chocolat chaud, transaction, baiser sur mes lèvres, baiser sur ses lèvres transaction, un gros chien qui aboie, le mien qui répond transaction, un rayon de soleil passe près de la fenêtre, j’y plonge mon visage, transaction, sms photos échangés de nos portables transaction, bon appétit me dit mon voisin de palier merci que je lui répond transaction, elle descend en courant, je lui tiens la porte transaction, je vous écris et vous allez me lire transaction, de vous à moi, de moi à elle, de lui à moi, de lui à lui, transactions.
29 novembre – 17h – Carnet 20 – Sortie d’opération de greffe chirurgicale dentaire, on m’emmène vers un bureau où mes affaires m’attendent. J’ai la bouche emplie de pansements, un masque et de la glace collée sur la joue. Peux plus parler. L’assistante me demande de payer. Sans un mot, je sors mon portefeuille, extrait ma carte bleue, carte vitale, tape mon code et attend le cœur battant. Elle me regarde avec ses yeux neutres et on entend toutes deux, le papier qui sort de l’appareil. C’est bon, la somme est passée. D’une voix douce mais ferme, elle me donne les dernières instructions pour se laver, manger et l’heure du prochain rendez-vous. La bouche sous anesthésie, je ne peux que dodeliner de la tête. Je me rhabille, prends mes affaires et rejoint l’extérieur., transaction .
30 novembre – 13H30 – Carnet 21 – Trop mal à ma bouche pour faire bouger quoi que ce soit dans l’univers aujourd’hui.
2 décembre – 7h00 – Carnet 23 – L’exercice de la corde à la boxe est l’un des plus difficiles qu’il soit en ce qui me concerne.Cette corde noire légère mais traître, corde noire qui ne ressemble pas à celle que j’avais enfant mais dont le principe reste inchangé, sauter et compter. Compter pour le plaisir des tours, compter pour se donner du courage, compter pour sauter plus vite et plus fort. L’exercice de la corde à la boxe est l’un des plus difficiles qu’il soit. Tout d’abord, c’est le début de séance, à peine échauffés, on entend » prenez vos cordes et 10 minutes. » Dix minutes ! Jamais votre corps qui, jadis, léger, sautait dans les airs ne vous semble peser plus lourd que durant ces dix minutes. Je compte, chaque tour, je cherche le bon geste, le bon rythme, je compte vite et accélère, 1,2,3,4,5,6, et ralentis car le coeur explose, 1…2….3…..4…..5…..6, les jambes font mal, les bras tirent, le corps s’alourdit. Regard vers l’horloge à peine 2 minutes et déjà, je suis en sueur. Dix minutes de souffrance durant ces cinq dernières années. Mais je persiste car qui sait ? un jour, peut-être que l’enfant reviendra et que je m’envolerai.
4 décembre – 7h00 – Carnet 25 – Les yeux s’ouvrent – la tête dodeline – le cou s’étire – la bouche engourdie – la lèvre gonflée – ouverture, douleurs – mâchoire, dents, gencives, palais – côté gauche, bloqué – craquement, semblable à une longue incision – tiraillement de la gencive jusqu’à l’oreille – palais à vif – trou – plaie, douleurs – enfoncement de l’aiguille – bruit feutré du fil – fils s’emmêlant à la langue – chaud, froid, douleurs – chemin du crâne, douleur – sourire figé – opération, anesthésie – descente, sensations, douleur – dentifrice, douleur – café au lait, douleur – douleur lancinante, incessante – pire qu’un direct bien placé – qu’une carie pas soignée – qu’une lèvre trop gercée – envie de morphine à haute dose – de shoot à volonté – de bas de visage dans de l’eau glacée – désir de douceur, de douceur et d’oubli – plus jamais – plus jamais – plus jamais !
5 décembre – 17h34 – Carnet 26 –
Ce qui m’est net, mon existence sur terre, ce qui m’est flou, la fin de celle-ci.
Ce qui m’est net, mon amour pour mon homme, ce qui m’est flou, qu’est-ce qu’est l’amour ?
Ce qui m’est net, le monde, ce qui m’est flou, la folie de ce monde.
Ce qui m’est net, ce que je vis à travers mes 5 sens, ce qui m’est flou, tout ce qui me dépasse.
Ce qui m’est net, la beauté d’une musique, ce qui m’est flou, la construction de celle-ci.
Ce qui m’est net, d’être en vie, ce qui m’est flou, de savoir comment vivre.
Ce qui m’est net, écrire, ce qui m’est flou, le pourquoi de cet écrire.
Ce qui m’est net, ce que j’ai transmis à mes enfants, ce qui m’est flou, l’impalpable.
6 décembre – 7h00 – Carnet 27 – Elle marche le long du grand boulevard qui mène jusqu’à la gare en tenant un petit chien en bout de laisse qui la suit en frétillant la queue. Elle marche d’un pas rapide, manteau noir, écharpe rouge, bottines, sans un regard à quiconque, juste, quelques coups d’oeils sur l’animal qui parfois s’arrête.. Elle s’arrête devant un fleuriste, entre bonjour Madame, bonjour, il peut venir avec moi ? dit-elle en désignant l’animal,la fleuriste n’ose pas dire non, il est tôt, pas encore de clients, elle est la première. Puis-je vous aider ? Oui, c’est pour un décès, j’aimerai des fleurs à faire livrer ah ! je suis désolée mais ma connexion internet ne marche pas ce matin, le mieux est que vous appeliez quelqu’un d’autre pour la livraison. Elle est debout contre le comptoir fleuri, le chien renifle autour de lui. Mais…Elle n’aime pas ce qu’elle entend, cela devient compliqué. Les fleurs la regardent, la fleuriste s’impatiente. Elle remet l’adresse du funérarium qu’elle avait sorti de son sac, bredouille un bon d’accord et ressort. Au feu rouge où elle attend, elle est happée par le va et vient des voitures et les pensées qui la submergent. Un bouquet, elle veut juste un bouquet ! Elle refait le même chemin et le petit chien peine à la suivre tant elle est pressée. Elle pose son manteau, donne à manger au chien, se penche sur son ordinateur, voit Interflora, livraison, n’a pas envie de passer par là, s’énerve, il est déjà tard, le sol est sale, le café toujours sur la table, elle a envie de pleurer. Elle dit au chien qu’elle revient, remet son manteau, referme la porte, marche dans la rue, retourne chez la fleuriste, et déclare Écoutez c’est trop compliqué donnez moi un bouquet je vais me débrouiller, vous êtes sûr, vous savez la livraison ça marche bien non, je ne veux pas ça, je vais le donner moi même, d’accord mais un bouquet pour tout de suite…à cette heure…je peux regarder ? La fleuriste l’accompagne, toutes deux tournent autour des fleurs déjà préparées, toutes sont belles celles-ci, elles ? oui ! Elle regarde la fleuriste préparer le papier, le ruban, la petite carte, elle paye et sort de la boutique, les fleurs contre son cœur. Elle sourit.
8 décembre- 15h30- Carnet 29 – Je n’aurai pas dû laisser partir ce vieil homme jouant de la guitare dans ma rame de métro sans lui donner un euro. Je n’aurai pas dû mais je l’ai fait et je ne me suis pas levée pour le rattraper et je me suis sentie un peu coupable mais pas assez pour lui courir après. Je n’aurai pas dû l’écouter avec ravissement et me contenter de lui sourire. Je n’aurai pas dû mais je l’ai fait.
9 décembre – 6h32 – Carnet 30 – Dimanche matin, 8 heures, parking L vandalisme sur une dizaine de voitures, fenêtres cassées, pare brises brisées, rétroviseurs défoncés, pneus crevés. Inanimées, plus en état de conduite. Stupeur et tremblements- Pas une mais dix – Pas une marque spéciale mais toutes. Pas de vol mais des actes gratuits. Un morceau de bois extrait de la pelouse du parking a servi d’arme d’attaque, violemment projeté contre les véhicules. Et l’étrangeté de la situation est que personne, absolument personne n’a rien entendu. Pas un bruit, pas un rire, pas un cri. Pas une mais dix. Dix propriétaires, dix assurances, dix réparations, dix dimanches foutus.Dimanche matin, 8 heures, parking L. personne dans les rues, seul mon regard contemple et mon portable photographie. Qui, quoi, comment, pourquoi ? La police ne le sait pas, à suivre…
11 décembre – 11h30 – Carnet 32
ll est parti en avance alors qu’il était toujours en retard.
Elle est partie jeune au premier jour de sa retraite.
Il est parti et je ne l’ai pas su.
Elle est partie et il en est devenu orphelin.
Il est parti et je l’ai appris dans le journal.
Elle est partie et leur vie ne sera plus jamais comme avant.
Ils sont partis, elle les a pris.
Mais où les a-t-elle emmené ?
14 décembre 19h – Carnet 35 – 18h58 – Dehors la neige, le froid – Pas un sou en poche, je décide de passer au distributeur de billets. Je dois me rendre à l’autre bout de la ville.Glacée, gelée, j’arrive devant la banque, j’introduis ma CB dans l’automate quand brusquement, le trou, la panne, l’embrouille. Je ne me rappelle plus quel est mon code ! Numéro de téléphone, date de naissance, numéro de sécurité sociale, etc. Rien, pas le bon numéro, le trou, le néant, le vide. Je n’aurai pas d’argent ce soir –
15 décembre 12h – Carnet 36 – Toujours un café avec du lait et du soja pas de vache, toujours une douche chaude en comprenant que cela va être difficile de passer à la froide après, toujours le froid en promenant les chiens en se demandant parfois pourquoi on s’inflige cela, toujours réveiller l’adolescent en se questionnant comment il va faire après pour vivre seul, toujours donner à manger à l’oiseau qui est peut-être très malheureux depuis qu’il est sans sa compagne, toujours le ventre vide car pas faim avant longtemps dans la journée, toujours plusieurs cafés parce que c’est quand même super bon, toujours regarder par la fenêtre et découvrir ce matin la neige, toujours nettoyer où je vis pour pouvoir bien travailler, toujours bien préparer ma journée la veille pour ne pas paniquer ou m’énerver ou démarrer dans tous mes états, toujours me lever à six heures ou plus tard si seulement je me suis couchée pas loin de six heures, toujours embrasser mon homme pour ne pas tomber dans une routine, toujours regarder mes mails, mes textes, mes annonces, on ne sait jamais, un miracle peut arriver ! toujours regarder mon fils partir sur son vélo comme quand il était petit, toujours choisir mes habits en fonction de ce que je vais faire, toujours charger mon téléphone et mon ordinateur pour ne pas être en rade, toujours mettre mes bagues sauf à des exceptions extraordinaires, toujours je suis mieux le matin parfois le soir l’angoisse surgit, toujours penser qu’aujourd’hui tout peut arriver, toujours écrire un petit peu, même une seule virgule à changer, toujours lire un petit peu pour ne pas finir par ne plus le faire, toujours mettre une machine en route afin de pouvoir s’habiller, toujours penser qu’aujourd’hui sera peut-être ma dernière journée sur terre et en profiter.
Vendredi 16 décembre – Carnet 37 –
« A la claire fontaine, m’en allant promener, j’ai trouvé l’eau si belle (…) « Ecole primaire à Deauville, enfance.
« Ne sens tu pas claquer tes doigts, claquer tes doigts (..) « Chanson autour du feu chez les scouts, adolescence.
» ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie, que n’ai-je donc vécu que pour cette infamie ? « Corneille – Le Cid – Acte 1 scène 4 -Cours Florent théâtre 1990 Paris – apprentie comédienne.
« Mais tu m’as tout volé, ma jeunesse, mon travail, tout « Répliques film Camille Claudel de Bruno Nuyssen – Cours Florent Paris 1992 – Comédienne
» T’as pas mal ? J’ai pas mal ! « Réplique Film Rocky Balboa – 2006 – Fan de Stallone.
» Le petit chat est mort « L’Ecole des femmes – Molière, Acte II – Concours au Théâtre National de Strasbourg.
« Où suis-je ? Et dans un lieu que je croyais barbare (…) ? » Psyché – Molière – Acte III Scène 2 – Cours Stéphane Gildas Paris 1994 – comédienne.
» Où est donc passé le bon sens que je t’ai donné à ta naissance ? « Conte Epaminondas de Sarah Cone Bryant – Raconté au public entre 2002 et 2010.
» Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ? » Victor Hugo – Mélancholia Les Contemplations – Revu avec mon fils au collège – 2017.
» Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas ». Citation de Lao Tseu – 2022 – Adulte – Pour me rassurer quand cela ne va pas.
Samedi 17 décembre – Carnet 38 – 7h00 – J’ai longtemps rêvé et je ne rêve plus.J’ai longtemps rêvé d’un immense serpent chez mes parents qui mangeaient les gens, J’ai longtemps rêvé que je perdais mes dents. J’ai longtemps rêvé que j’oubliais de mettre une culotte. J’ai longtemps rêvé que j’étais malade. J’ai longtemps rêvé endormie, J’ai longtemps rêvé éveillée, J’ai longtemps rêvé que pendant que je vivais quelqu’un me regardait. J’ai longtemps rêvé et tout se mélangeait, le rêve et la réalité. J’ai longtemps rêvé de ma vie et je passais à côté, J’ai longtemps rêvé mais je ne rêve plus, je vis.
Dimanche 18 décembre Carnet 39 – 14h00 – Je te dirai que ce dont on ne peut pas parler est exactement ce de quoi j’ai envie d’écrire, Je te dirai que je rêve d’écrire avec mes hontes et mes pensées les plus intimes, Je te dirai que j’aime à balancer haut et fort ce qui est murmuré, Je te dirai que les secrets, j’en fais des histoires à raconter. Je te le dis sans m’en cacher, je n’aime pas les secrets.
Mercredi 21 décembre – Carnet 40 –
13 assemblage de mots, 13 conseils, 13 instructions, 13 paroles –
1. Si je veux être honnête, je te dirai de bien réfléchir avant de vouloir écrire.
2. Tu me dis que tu aimerais être un/une artiste, alors je me dois de te dire qu’il ne te faut rien n’attendre, pas de reconnaissance, pas d’argent, rien.
3. Et si tu décides quand même de te lancer, trouve tes ressources pour ne pas te perdre.
4. Tu peux aussi écrire pour le plaisir sans contrainte de devoir obtenir un apport financier.
5. Comme chaque jour, tu mets du pain sur la table, efforce toi d’écrire quelque chose.
6. Coupe, re-coupe et découpe, tes textes pour en extraire la quintessence.
7. Ne cesse jamais d’écrire et relis toi lorsque tu es clair.e d’esprit et de cœur.
8. Garde tes brouillons, toujours, tu peux les réutiliser,
9. Ne sois pas indulgent.e envers toi même jamais.
10. Choisis bien à qui tu fais relire et sache pourquoi.
11. Lorsque tu envoies à des maisons d’édition, souris, embrasse l’enveloppe et oublie, lorsque tu reçois les retours des maisons d’édition, respire.
12. Tu as le droit d’aimer ce que tu écris,
13. Il y a des moments de fulgurances, alors savoure les et garde les précieusement.
quel souvenir émouvant Clarence (tu m’as devancée heureuse de te lire à nouveau)
Merci merci Nathalie !
Nos hésitations nous habitent, autant que nos prises de décision. Merci.
Oui c’est vrai Laurent, à bientôt.
on a peur (vous les filles plus que nous les garçons) mais tous et toutes (ce monde-là hein) j’admire ton courage Clarence – bonne suite
Merci Piero, bonne soirée.
Plaisir de lectures partagées Clarence ! Retrouver du temps pour les ateliers écrire et vous lire. Des instants de vie angoissants par instants. J’ai ri aussi à la fin du troisième carnet
Des bises Camille, à vite.
je vais tout de même essayer de commenter … par l’émotion ressentie
Merci Brigitte pour votre passage. Bien à vous.
#7 ces atmosphères tellement vivantes, juste là, à portée de main, merci pour ces mots
Merci Stéphanie, à une prochaine lecture de vos mots.
cette franchise – quelque chose de tellement vrai – tellement (sûrement) toi – merci pour ça Clarence
Merci pour la tienne – et douce journée Piero.
j’aime la montée en puissance dans ton « pendant que », la montée de la violence interne… très fort et très juste (concernant le fils, le mari, les gens au téléphone… tout le tintouin)
et puis en remontant dans le temps, la colère présente et le corps allongé près de l’abri bus
(merci pour ton passage par chez moi…)
Merci Françoise, bien à toi.
Pendant que: merci Clarence je les aime beaucoup ( veiller à ne pas s’écouter en parlant Dans le pendant d’un regard vouloir le quitter … ne pas se reconnaître) (et merci pour ton commentaire aussi )
Merci Nathalie, baisers.
Plaisir à lire tes carnets Clarence. Tes fragments ouvrent tellement de mondes, on s’attache à ta personnalité, elle se dessine doucement et simplement tu nous accompagnes. Réelle impression d’avoir passé du temps avec toi, Je suis contente de ce rapprochement, envie de te retrouver en vrai aussi, travailler ensemble !
Lire dans la continuité ça a de la gueule!
Oh oui Cécile, se revoir et travailler ensemble, ça j’aimerais bien. Quand tu veux ! La bise.
#19 j’ai ouvert le vieux livre scandinave rouge et noir et j’ai partagé le café à la table ronde avec toi…
belle journée surtout, Clarence
Merci, à te lire à mon tour.
20 … plongée dans le réel si bien rendue … (et courage Clarence)
Ouaip ! je douille depuis cette nuit, je ne le souhaite à personne !
(toi c’est au vingtième jour, moi au premier – bienvenue au club – bon courage mais tout passe, tu verras…) (des bises)
Hello, j’aurai préféré que l’on partage autre chose dans ce club !
Bien à toi.
Un heureux moment de lecture la decouverte de votre univers. Merci Clarence
Merci Marie à moi d’aller vous découvrir maintenant. A bientôt.
Mon rattrapage est fait et j’ai vraiment apprécié l’ensemble de vos carnets (d’ailleurs c’est très différent d’en lire chaque jour un ou l’ensemble)
votre (ton) univers est plein de délicatesse et de force
plaisir de la rencontre
Merci Huguette, bon dimanche.
tu as trouvé le sujet tout à fait idéal pour la #20, en espérant tout de même que ça s’est tassé depuis, douleur et compagnie…
toujours de la vie chez toi, ça bouge, ça danse…
Je continue dans le sujet, ça me prend un peu de place. Baisers.
Drôle de transaction muette ! Bonsoir Clarence, tu es fatiguée encore ce soir et la douleur, comment ça va la douleur ? Je t’embrasse très fort. Tu peux te reposer ?
Bonjour Simone, non, toujours mal, j’attends impatiemment que ça se tasse. J’espère que tu vas bien ? A bientôt dans nos mots.
(Carnet 25: quelle épreuve… courage)
ben oui dis donc, quelle épreuve !
j’espère que ça va aller, que ça va passer… tu as eu ton compte, on dirait
soutien absolu…
Douce litanie. Mais où ? Oui. Merci Clarence
toujours pousser le moment de s’y mettre #36 c’est la tension du texte que je ressens. se préparer et c’est déjà qu’on y est. merci Clarence
pour le café oui hein…bonne journée !
» toujours je suis mieux le matin parfois le soir l’angoisse surgit, » oui et oui. Merci Clarence dans cette journée qui avance avec la neige par la fenêtre
yeah (enfin, moi pas trop, mais comme j’en suis aux musiques) spécial toi : https://www.youtube.com/watch?v=btPJPFnesV4 (merci Clarence)
J’aime ce carnet où l’on croise Lao Tseu et Rocky Balboa, et où l’on te découvre un peu. Merci.
Ce désir (#39), c’est là qu’écrire brûle — c’est là que nous vivons. Ce point d’inflammation, il faudrait qu’écrire s’y tienne — nous y sommes vivants
Merci à tous vos mots, regards et autres douceurs.