carnets individuels | Nathalie Holt (un possible journal)

J40
(chantier en cours)
Chaque matin et sans avoir parlé avant
Dans un espace protégé avec ou sans rideau
Chaque matin même si rien. Même une phrase
À l’aube (trouve ton heure ton aube ton jour ta nuit)
Mais chaque matin longtemps, avec le même outil (Mac Book air 13 pouces 2014), une feuille et un crayon
Sans musique (sauf exception en boucle)
Avec ce qui vient, sans forcer, puis en forant ce qui est venu
Avec la plus grande méfiance envers ce qui te ravit, t’amuse… (le joli le trop écrit tout ce qui se siffle facilement)
Jamais sans ratures ni sans déplacements. Toujours avec un dictionnaire,
Sans attendre un signe de. L’élan nait de l’échauffement
En accueillant les jours d’exception sans être dupe
En poussant les mauvais dans leur retranchement
Jamais sans aller marcher
( en descendant balayer ou couper cuire ce qui traine en écoutant les appels du téléphone qui sont autant de prétextes pour ne pas en ouvrant les livres épars en pleurant sur la beauté de en prenant cette phrase ses jambes et son appareil photo à son cou en regardant derrière pour se dire qu’il est trop tard et à quoi bon je préfèrerais pas mais quand même avec cette phrase qui se déploie sur la page de ce livre lu en la lisant dedans cette phrase avec le bruit du ciel en écoutant en remontant les marches en se posant sur la chaise dure dépliée en ne pensant plus qu’à ça qui n’attend rien ça là qui )

J39 ( épilogue ) liste pour jours de pluie
Secret de boite à ouvrage cousu rouge sur blanc. Secret plié avec le mouchoir ou caché dans la langue. Secret brodé de toute pièce qui varie avec le temps. Secret Cassandre trop vrai pour être cru. Secret en 8 X 11 épisodes. Secret de bouche et oreilles qui se déforme dans leurs voix. Secret qui se remâche comme mauvais rêve. Secret à pleurer. Secret à se crever les yeux. Secret Iago avec ou sans mort. Secret à ne pas porter plus d’un été. Secret bobo d’enfant à égratignure profonde passée inaperçue. Secret pour rire seulement. Secret sous pseudonyme à lapsus qui fait rebonds. Secret de loge ou de cabinet avec premier ministre sur la sellette. Secret je vais te dire mon secret si tu jures de le répéter. Secret personne ne te croira. Secret déporté avec eux. Secret comme feu sous la cendre. Secret à dire demain comme on rase gratis. Secret qui ne vit que l’hiver. Secret à pousses vertes. Secret de ton amour à dormir debout sous la pluie. Secret qui te grandit …

J39 ( milieu ) fiction pour vraie compile aveugle

Lundi tu répares des choses même pas cassées.
Mardi tu te fais croire que tu travailles : je travaille à mon roman. « Ne pas déranger ». Une pancarte pendue à la poignée de la porte au cas où : un peu de mise en scène n’est jamais inutile). Des propositions principales au présent de l’indicatif c’est à cela qu’il faut te tenir, c‘est bien assez vaste comme ça. Les phrases « en rouleau » on peut s’exercer à les copier et  pénétrer la langue :
Ton style c’est ton cul, chante Ferré.
Mercredi tu pousses le caddie: «Caddy !Caddie !» (après vient l’histoire de la montre). C’est un souvenir. En Grèce dans la seule maison moderne (très moche) du village, tu lis le roman Américain, à côté du lit se trouve la photo d’un homme en costume militaire, vous l’appelez le colonel, ça vous fait rire. Il te raconte qu’il a travaillé dans les cuisines d’un club de Golf près de New York « Caddy ! caddie ! », il était jeune à l’époque il ingurgitait une omelette de neuf œufs chaque matin; après vous faites l’amour par terre:
je t’ai tellement aimé. Aimer : on dit avoir dans la peau. Puis la peau se détache des os….
Dans cette chambre Grecque chaque nuit autour de minuit les phares d’un camion balayent le virage, il livre des barils de fétas pour les touristes arrivés en nombre. C’est là que tu  comprends que tu portes en toi une chose morte : ça qui a poussé.
Qui en toi
Jeudi tu n’écris rien. Un ciel poudré rose envahit la baie. Envie d’en finir il te faut une seringue ou une corde
Vendredi tu cuisines pour six (as-tu accidentellement versé du poison sur la sauce aux câpres, tu pourrais écrire gâteau de Pâques ou œuf dur mayonnaise ça ferait pareil).
Tu revois cet objet qu’on t’avait confié et que tu as perdu. En vrai on te l’a volé (sacré nuance), avec le petit transistor reçu pour tes à huit ans.
On s’attache trop aux objets, aux bêtes et aux gens.  
Samedi : si tu ne veux pas qu’on te remarque montre-toi, c’est la maxime de l’ami qui volait des choses énormes, en les passant par la grande porte. Quand il a volé petit on l’a attrapé et foutu dans un ascenseur où il a passé un sale quart d’heure. Depuis il ne vole plus. Une fois vite fait un saucisson au Carrefour City, il a retrouvé l’étiquette dans son pantalon le soir en se déshabillant.
Tu vas mourir. Je sais. Vous mourrez bientôt elle lui dit dans le film que nous tournons.
Elle a tenu trois ans
Jouer aux échecs avec la mort c’est dans le film du Suédois. La mort badigeonnée de fard gras ressemble à la lune. Chez le Suédois tu reconnais ta mère dans le visage des actrices.
Samedi je ne fais rien, j’écris:
un amour immodéré pour la mère serait la cause de tout.
Origine, Source, Moule, Nonne sont des synonymes homologués. il faut lire le dictionanire
Gertrude et la Bouche d’ombre.
Dans le carnet on peut lire ta peur de l’enfermement et celle du noir, ce qui revient au même :
le jour je vois des corps flottant, la nuit ce sont des lampyres, je les appelle mes phasmes d’obscurité j’attends que les créatures disparaissent (parfois je vois des prostituées ) :
par impatience ils ont perdu le paradis etc … il semble que c’est de Franz Kafka.
Dimanche: les peurs remontent de l’enfance. Les peintures les plus belles sont celles de l’enfance :
le bonhomme à pattes d’oiseaux qui fume…
ces phrases qui creusent une vie : « faute avouée à moitié pardonnée ».
Combien
Avouées Pas
( à propos un de ses pseudo était Gilbert Houdon )

J39 (prologue ) dans le secret de son carnet
Je n’ai pas souvenir de son prénom, j’écris « parrain ». Il devait être riche : c’est ton parrain disait-ton de lui qui déposait sa montagne de cadeaux à faire pâlir mon frère. C’est « parrain » qui m’a offert le carnet relié à couverture rose et son cadenas à clé. Il y avait aussi je crois une robe de taffetas (en dénouant le ruban j’avais voulu fuir) et quelques billets: …elle ouvre le carnet quelque chose se déchire qui se trouvait serré à l’encre blanche; un bruit de feuilles; comme une voix morte… (ce que j’ai lu n’était pas écrit). On l’a retrouvé des mois plus tard la tête dans un sac.

écrire à présent la page apocryphe 

J 38
Estragon. — J’ai fait un rêve.
Vladimir. — Ne le raconte pas!

Rêve récurrent qui varie avec le temps. Rêve avec tache de couleur. Rêve comme pas rêvé. Rêve sans aspérité apparente. Rêve trop poli pour être fiable. Rêve qui se dérobe mais qui te tient sous sa coupe. Longtemps. Rêve jeu avec ou sans trésor. Rêve d’entre sommeil et veille. Rêve à oublier tout de suite. Rêve à auto effacement dit rêve à tenir sur le bout de la langue. Rêve pâteux sans souvenir. Rêve qui se mâche et se remâche. Rêve qui résiste aux années dit rêve rêvé pour la vie. (L’hiver nous irons dans un petit wagon rose avec des coussins bleus). Rêve à pleurer. Rêve à te réveiller pour ne plus te rendormir. Rêve qui t’expulse. Rêve qui s’expulse dans un fou rire. Rêve à crier et à Pierre fendre. Rêve qui ne s’énonce qu’à reculons. (« Il faudrait être un âne pour essayer d’interpréter ce rêve… Il me semble que j’étais – mais nul ne pourrait dire ce que j’étais… Il me semble que j’étais, il me semble que j’avais… mais il faudrait être un fou bien bigarré pour se proposer de dire ce que je pensais avoir…» Le songe d’une nuit d’été ). Rêve à chimères ou à organes avec ou sans tête. Rêve à animal domestique. Rêve dit d’accord du désaccord avec mort très vivant et noir tout à fait blanc. Rêve avec toi ou moi comme pas toi ou moi. Rêve avec maison perdue et retrouvée comme si c’était hier aujourd’hui. Rêve d’architecte ou d’agent immobilier avec visites: escalier qui ne mène nulle part, couloirs gigognes, cave perchée… Rêve avec sol qui se dérobe. Avec matière en mutation. Avec putréfaction. Rêve qui dégoute et te tient par la peur. Rêve qui se diffuse lentement. Rêve à figure tutélaire à peine déguisée pour se faire reconnaitre. Rêve irracontable pour cause d’oubli mais qui te marque au trou blanc. Rêve contre la montre avec dérèglement des heures. Rêve monstration. Rêve épique avec ou sans cheval. Rêve costumé. Rêve à géométrie variable. Rêve fils de joie à se lever pour danser. Rêve jouir. Rêve de haute imagination avec chefs-d’œuvre volatile. Rêve d’amour à faire pâlir Tristan. Rêve avec paysage fantastiques et orchestre symphonique. Rêve de chambre. Rêve catastrophe, minéral ou liquide. Rêve policier avec cible entre les deux yeux. Rêve de corps blessé qui se voit mourir. Rêve à courir chez le dentiste au réveil. Rêve à association d’idée pour rentrer dans ses frais. Rêve prémonitoire après coup.

– Il disait : « chaque fois que je vais tomber malade je rêve que je suis là-bas » Chaque fois il  y retournait en rêve. Le cauchemar récurrent de descendre du train.
– Elle aime te raconter ses rêves même te les envoyer par SMS. Elle dit: je suis nue sur la scène et je joue.
– Le bruit que fait ton rêve quand il touche le mien.
– Dormir plus pour se souvenir seulement un peu.
– Je n’oublierai ni la feuille d’acanthe ni le petit lac où elle se noie à redevenir une enfant.
– comment nommer l’image qui s’intercale dans la lecture pour la brouiller, cette matière diurne de rêve parasite.
– les retrouver pour les perdre à nouveau
– les rêves de l’enfance accompagnés de fièvre, sa main sur le front qui retient la peur.
– le parfum du rêve dans le cou de l’enfant qui quitte la chambre en sursaut.

J37
elles accouchent à cheval sur une tombe le jour brille un instant puis c’est la nuit. (sous la grande scène où l’herbe a jauni, le sous-sol de Samuel).

(37) le temps est un enfant qui joue | als das kind kind war lorsque l’enfant était un enfant il marchait les bras ballants il voulait que le ruisseau soit rivière et la rivière fleuve | il court comme un rasoir ouvert | quand je mourrai plantez un saule au cimetière | et la lune était un morceau de bois pourri | je te rencontre je me souviens tu me tues tu me fais du bien | le silence de ces espaces infinis m’effraye | j’ai passé des nuits pleines à te regarder dormir penché sur ton éclat dans la vitre | elles assoient l’enfant auprès d’une croisée grande ouverte où l’air bleu baigne un fouillis de fleurs | j’écrivais dans un grenier où la neige en tombant devenait bleue | je vous vois encore en robe d’été jaunes et blanche avec des fleurs de rideau mais vous n’aviez plus l’humide gaité du plus délirant de tous nos tantôts | comment pourrais-je jamais vous oublier puisque je n’ai pas à me souvenir de vous : vous êtes le présent qui s’accumule | Mon mal vient de plus loin | je ne sais pas dire je t’aime je ne sais pas je ne sais pas je ne peux pas dire je t’aime je ne peux pas je ne peux pas je l’ai dit tant de fois pour rire on ne rit pas de ces choses-là | tu as bien fait de partir Arthur Rimbaud | Le vingt janvier Lenz descendit la montagne | Lait noir de l’aube nous le buvons le soir le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit nous buvons et buvons nous creusons dans le ciel une tombe là on n’est pas serré| elles accouchent à cheval sur une tombe le jour brille un instant puis c’est la nuit
(des bribes, des voix … le livre de poche aux pages détachées et la voix de Bruno Ganz. J’avais tendu un câble qui tranchait la scène en oblique et le couteau tombait dans un seau de métal plein d’eau. Elle a joué Marivaux et Musset, un jour elle serait très vieille et dirait les mots de Duras; Pascal c’est le nom de scène qu’il s’était choisi, dans le ventre du loup l’espace infini se trouvait à l’étroit. A seize ans la langue te brûle, tu dis je veux être actrice sans y croire; te fonds en Phèdre : « J’aime ». Marguerite à voix basse et Barbara à tue tête. René sur le carton retourné à côté des Gauloises; Reverdy avec une tache de peinture. Les marcheurs ne restent pas sur l’étagère. Un jour il faut partir, n’être la rose de personne:
Un rien
nous étions, nous sommes, nous
resterons, en fleur :
la rose de rien, de
personne
sous la grande scène où l’herbe a jauni, le sous-sol de Samuel.)

Héraclite-Handke-Buchner-Musset-Büchner-Duras-Pascal-Char-Rimbaud-Reverdy-Verlaine-Char-Rimbaud-Reverdy-Verlaine-Racine-Char-Barbara-Char-Büchner-Celan-Beckett  

J36
J’ai du mal à lire sur écran. Je dors avec des livres. J’écris parfois avec la voix sur mon téléphone. Je lis avec l’oreille. Mon premier téléphone c’était en 2002 aux Chrorègies d’Orange, pour se parler de jardin à cours les SMS c’était pratique. Les SMS ont changé la façon de rompre et la façon d’aimer. Sur le tableau de bord de l’auto j’ai lu les kilomètres parcourus. J’ai replié de nombreuses cartes avec itinéraires verts. J’ai lu des SMS dans la nuit sans lunettes en les agrandissant. J’ai reçu des phrases écrites au Bic sur des morceaux de nappes en papier. J’ai écrit sur des tickets de métro. J’ai lu des cartes et des lettres qui arrivaient de loin. Les SMS tombent dans l’oubli. J’ai écrit sur des feuilles quadrillées et lu en transparence ce que j’avais écrit en miroir. J’ai cherché la signature au bas du tableau. Elle m’a lu les lignes de la main. J’ai des livres qui ne sont pas découpés. J’ai des coupures de presse avec mon nom dans des pochettes en plastiques. Je lis les plaques d’immatriculation. Les initiales des plaques. Parfois ça me fait peur. Je lis les titres des journaux à sensation dans les gares. Les titres me persécutent. Mon premier ordinateur pesait lourd. Ils ne me lâchent pas. Les titres ne me lâchent pas. Mon premier ordinateur c’est juste après un atelier d’écriture en 1995 dans le théâtre de cette ville où je travaillais et vivais. J’avais une machine à écrire. La machine de mon père a fini sur un plateau de théâtre. Mon père a d’abord écrit son livre au dictaphone. J’écris plus depuis que j’ai un ordinateur. Aujourd’hui c’est le quatrième. Il a un bruit de souffle métallique. Il s’éteint. J’ai aussi des carnets avec des phrases recopiées. J’ai lu le prénom et la date de naissance de ma fille sur le bracelet de naissance. Je l’ai relue. J’ai lu date sur mon permis de conduire, l’encre à pâli. J’ai dû relire la date du passeport, il faut anticiper. J’ai lu l’envoi d’Henri Michaux sur le livre interdit. J’ai relu ce livre interdit. L’ai lu les phrases d’E. Kant dans l’édition originale de la traduction française du texte, J’aime les fleurs de cimetières qui couvrent les pages de ce livre très ancien. C’est un cadeau de lui. J’ai aussi lu ses livres. Il m’avait offert Le monde et le pantalon, le livre a disparu. J’aime l’odeur de cave des pages des livres remonté de l’oubli. J’ai lu son faux nom sur sa fausse carte. La notice d’utilisation je l’ai repliée. J’ai lu pardessus l’épaule de l’homme la double page imprimée, le programme annonçait 3H15. J’ai lu le numéro sur son avant-bras je l’ai lu et je l’ai relu. Je ne l’ai pas oublié. Je mémorise les chiffres. Le code à quatre chiffres de sa porte. Et le résultat du test sur le tube. J’ai pleuré. Une autre fois j’ai ri. J’ai écrit des phrases au Posca sur le mur d’un théâtre. Les carreaux bancs de la salle d’eau avec les citations c’était en 1979. J’ai lu le tag en allemand. J’ai vu son nom gravé à côté des autres noms. J’ai vu les lettres mal gravées sur la pierre tombale. J’aime les marges et les papiers épais. Les livres de poésies avec leurs blancs. Je relis souvent la page 19 de ce livre. Je n’ai pas de liseuse. J’ai lu une page sur la liseuse de mon frère j’ai pensé c’est pratique tu auras tous les livres sur la route vers. Tous. Les livres pour quand tu partiras. Juste un sac. En car. Vers . Quand tu partiras tu emporteras aussi un livre. Pas un roman ( j’ai lu les réclames sur les panneaux, les ingrédients sur la conserve, la date sur le couvercle en métal, le numéro de ma place sur le siège rabattant, les surtitres et les sous titres en russe et en Italien, le menu avec les photographies, l’histoire de Job sur le papier bible.) J’ai dormi sur ce livre ouvert.

J35 oubli (1)
Elle dit mon homme parlant de lui, ce Calabrais rencontré sur un parking de supermarché, l’homme de sa vie depuis des années: chacun son van et chacun son cheval, nous étions fait pour nous rencontrer, m’avait raconté L. En dix ans j’ai diné plusieurs fois avec eux dans ce petit village des montagnes; mangé et bu, parlé des bêtes et de la retraite qui approche. Des semaines que je pense appeler L. pour prendre de leurs nouvelles et que je repousse. Ce prénom un peu désuet  (Désiré ? Amédée? Antine peut-être…) qui ne sonne pas italien, devient mon obsession et ma hantise. Je vois les yeux acier, je vois les lèvres gercées et l’entaille dans la pulpe du pouce; je le vois, petit les épaules larges, et la jument au bout de la longe, j’entends sa voix rabrouer le cheval, et l’accent… mais le prénom est une coupe blanche dans le déroulé du souvenir.
(2)
Quand elle entre je lis l’oubli sur ses lèvres; la bouche en carton c’est son expression, celle du trac noir. Un mois quelle répète les mêmes mots et les gestes qui accompagnent; l’avant-première a été un petit miracle, sans trébucher et l’âme tout entière. C’est le grand soir, elle quitte la loge pleine de fleurs, elle frôle la main du régisseur : break a leg. Elle passe sa langue sur ses lèvres et elle entre dans la lumière. Elle se quitte : est-ce qu’ils vont comprendre que ce qu’elle ne dit pas n’a aucun sens ? Elle croise sa mort, elle va être absorbée par le trou noir comme blanc…  

12 décembre 2022 15H07 Paris Bastille

J34
Sur le mur en contre-bas des marches il y a un tag à la craie d’une belle écriture cursive : « Das Leben ist zu kurz um Angst zu haben ». En haut des marches quatre arbres chétifs à feuilles rousses comme les quatre du tableau de Schiele qui est à Vienne mais ici le ciel (c’est la Bastille) est bleu. Des passants filent le trottoir « um Angst zu haben » : ce sont des ébauches tu vois leurs jambes faire ciseaux; une valise on dirait une petite bête qu’on tire et un groupe d’enfant avec des cris : ils passent. Là-haut : « Das Leben». En bas la  poubelle urbaine accrochée au mur avec le sac translucide déborde vide. (Qui est Kurz ?)  

pour obtenir le code veuillez taper le code pour obtenir le code… je cherche ce couloir qui n’existe qu’en rêve

J33
(se glisser du lit bien avant, se lever dans cette brume nette, ne rien attendre)

Tu prends l’araignée rouge, tu ratisses, il y a toujours plus ou moins des feuilles à faire tas, tas petit tas de : le châtaignier est malade. Tu remontes la forêt, pas à pas tu évides : ce que tu inspires tu l’expires, ce que tu vois tu le frôles. Tu peux photographier à la volée, ici maintenant manger la lumière à l’optique, mal mais vite comme plonger. Si tu immobilises le corps le grand chaos revient avec ses images bruit qui empêchent.

(écouter une musique en boucle)
(danser comme dans le film que tu regardais avec elle)

32 jours
Je te vois sur ces tréteaux couché là parmi nous. Tu es là où revenus : dans ta maison. Là comme toi abandonné de toi, et qui ne dors ni ne veilles. Quand j’aurais desservi la table, quand nos conversations ivres auront ravalé leurs langues, j’éteindrai la lampe et tu n’auras pas peur. Tu n’as jamais eu peur : porter une ombre c’est autre chose. Demain tu partiras avec cette marguerite d’enfant glissée dans ta poche poitrine là où l’encre qui fuit a déposé une tache.
****
On m’a couché dans ce tiroir où il fait doux si je le compare à mon terril de toile. Sous la rame il n’y a pas de terre où enfouir les engelures et les rats survolent ce désert, pourtant j’ai pissé dans des urinoirs très blancs. Si je ne bouge pas mes doigts roides c’est que je ne veux pas faire de bruit et que je me repose. Tu leur diras que je suis vêtu comme un prince; ce costume qu’ils m’ont trouvé et des mocassins bien noirs, cirés. Je suis habillé et je suis prêt. Tu leur diras que je commence demain — la fiche est prête. Tu le leur diras. Ils te croiront.
****
Je te parle d’où l’ont m’a couchée un matin qu’il pleuvait et revêtue de cette robe grise prise au magasin des indigents; j’ai de la terre et des trous dans le clapier de ma bouche, fardée et chaussée de bottines recousues à gros points qui m’entrent dans l’os. On a caché mon corps pour qu’il ne parle pas. Mais qui me voit poussière, qui m’entend? — « Il faudra ne pas dire. Jamais ». Tu te souviens? Qui me voit cendre… C’est pour ça que je parle à présent. En me taisant à ta place.


J31
vous auriez écrit votre impuissance à écrire votre colère | vous auriez crié votre impuissance à crier votre colère | vous auriez dit votre impuissance | vous ne l’avez pas fait : voix blanches

décombres de peaux terriers tu longes et scannes ton paquet de misère et la rame crie : la rue 

J30
De nombreuses rues de la capitale ont été plongées dans le noir ce jeudi 8 décembre peu avant 23H. Une coupure de courant a touché les 3e, 4e, 5e et 14e arrondissements: 65 000 clients au plus fort de l’incident. À 1h30 d’après Enedis le courant était rétabli partout. On ignore encore les causes concrètes de ces coupures. À 2H45 Myriam C. était retrouvée au 15 quai de la Mégisserie dans le 1e, en état avancé d’hypothermie et totalement désorientée, elle a déclaré avoir couru droit devant elle par crainte d’être absorbée par l’obscurité.

J30(bis)
Dans la salle de dissection ils se tiennent autour du chirurgien, sous le drap sur la table il y a cette forme ronde. Le chirurgien lève le drap : c’est une tête prélevée à un corps. C’est un visage couleur de cire que le chirurgien va ouvrir au scalpel. J’ai la bouche ouverte sur les mains de la kinésithérapeute et elle me raconte ce fait.

J29
allez on remonte le revêche on rabâche le gâché pas dû pas dû rêver ça qui fait un trou dans mon sommeil sans lire le mode d’emploi avant de dormir pas dû visser à fond avant de devoir défaire pas dû découper ma blouse à six ans ni broyer les piments sous mes ongles ni boire de l’alcool à brûler en même temps ça fait des histoires à raconter pas dû dire on aurait pas dû et recommencer ni me retourner pour rester transie sur le quai pas hésiter hésiter au point de ne pas ni accepter qu’ils m’entravent ni me trouver dans la boite noire quand elle laissait tomber son livre sur le tapis bleu de sa chambre pas dire merci quand je voulais hurler je vous emmerde pas rêver au lieu d’écouter pas prendre le 21H44 dans la mauvaise direction même si c’était bien la nuit gelée à Deuil-Montmagny pas loin de la maison où poussait des myrtilles grosses comme le poing pas écrire pour le regretter dans une heure et revenir couper copier décoller pas dû regretter pas

J28
la rue sous la rame hier la fumée les grilles le gel les ombres puis rien l’envie d’une pomme et rien encore comme attraper le train cette peur un nom qui veut sa pesée ou s’épancher être pensé et reste sur le bout de la langue joue à être l’idée prend place d’un oubli occupe la place du mort une phrase cette phrase qu’il ou elle t’a dite ce que tu n’as pas su demander le temps de l’heure resté à quai ou qu’elle ne doit pas tomber sa mort ou le mot caillou ou le mot cendre qui rôde et se rumine ce qui n’est pas fait pas lu ou combien de beurre mettre dans la pâte demain et quoi faire du reste et s’ils  auront assez chaud en théâtre intérieur ce qui intime et en-dessous la rame crie la rue

J27 plus tard.
Tes mains posées sur le clavier tu ne les regardes pas. Ton regard se disperse. Choses éparses sur la table. Des cartes: l’atelier de Courbet, cette main et ce fruit froissés de James Nasmyth ( Still life : « Dieu merci, nous le sommes, aurait-elle dit), une ampoule, une lame, des pots à crayons… feuilles en vrac. Le sourire sur cette photographie, un été il y a deux ans: c’est le tien. Le journal de Kafka avec sa page ouverte: « si abandonné de moi-même, de tout. Bruit dans la chambre d’à côté ». À côté c’est le chat qui bruit et parfois tu te vois en elle.
J27
tu regardes le cadran : trois, quatre… cinq tu descends l’escalier. Pas dans le noir. Tu ne dors pas, tu es prête. Dans le noir de la fenêtre c’est un visage à prendre pour une autre : ta forme floue, et sans lunettes doublement floue. Quelqu’une sans vraie surprise : toi ou toi ? Et sortir, remonter la rue de l’Ermitage vers la forêt sur tes pieds avec une gelure à l’index, c’est pas épique (c’est à pic la rue) : ce jeu de mot dès l’aube? Faire ta maline… face à ce qui se dérobe? Dans la rue l’immeuble a crû il mange le ciel; un chantier court vers sa fin et toi tu marches dans le froid.

J26
net le linge dans la panière | net l’œil flou du chat | flou, plutôt diffus, ton sillage dans l’escalier | net le mouchoir au pied du lit, et la chaussette orpheline, et la serviette jetée en vrac: rien n’a changé tu vois (c’est moi) c’est bien moi qui suis venu en ton absence—tu m’as manqué | net le fauteuil et nette la guitare déplacés | net le titre du livre laissé par toi sur la table après tes trois jours dans mon absence; net le sous-sol décrit à la page quinze : murs blancs crépis, chaises dépliées en rond; flou le visage de ceux qui entrent et s’assoient | nette la racine blanche de la chevelure rousse de la vendeuse dont la voix monte dans les aigus quand elle m’annonce la somme : quarante euros quarante | floue la dette date | net le sac lourd de feuilles posé devant la grille | nette la flaque où flotte un mot de toi désormais illisible | flou le pare brise; nette la panne de ventilation | flou le souvenir de ta main sur l’échine du chat que nous avions trouvé et qui va mourir : ses dix-huit ans passés net
J26 bis (sans adjectifs)
qui quoi se voit ou se dérobe : le linge dans la panière | l’œil du chat | ton sillage dans l’escalier | le mouchoir au pied du lit, et la chaussette orpheline, et la serviette jetée en vrac: rien n’a changé tu vois (c’est moi) c’est bien moi qui suis venu en ton absence—tu m’as manqué | le fauteuil et la guitare | le titre du livre laissé par toi sur la table après ces jours dans mon absence; le sous-sol décrit : murs, chaises dépliées en rond; le visage de ceux qui entrent et s’assoient | la racine de la chevelure de la vendeuse dont la voix monte dans les aigus quand elle m’annonce la somme | la dette date | le sac de feuilles posé devant la grille | la flaque où flotte un mot de toi | le pare brise après la panne de ventilation | le souvenir de ta main sur l’échine du chat que nous avions trouvé et qui va mourir : ses années passées (celles du chat)

J25
… parle comme détaché – veut qu’on le remarque – n’écrit pas crie – a sa langue et sa grammaire et le sens de la métaphore et des métamorphoses – fait son théâtre – a ses heures – a ses saisons – joue exalte – violente – abandonne – transporte – ami Alien amant – peau et nerfs à fleur d’âme – feu glaise – fleuve impatient/calme – caresse danse transfigure – joue de son âme et se joue d’elle – chante – lèche l’immensité du ciel – lèche – ruisselle – prend odeur de terre – se couvre de couleur – est visage pour un autre – et caresse – et joie – s’abime tombe – se relève s’élance – se brise « s’ antre » – pourrit – en rêve se désagrège – sursaute – prend ses jambes ses mains arpente – regard marche loin – jusque peut nuit – vit …

J24
L’arbre de mer coincé entre deux galets, je marche sur mon lacet. Froid ressenti: l’infini.

J23
Compter dénombrer sur place ou dans l’avenue qui passent compter | là ici ailleurs compter | par terre ou mer défilant dérivant compter | dénombrer | sur la ridelle du camion compter | sur le quai compter | avant/après compter |dresser la liste | soulever le hayon compter | lever la trappe compter | dénombrer | déplorez si vous voulez | compter en cale dans l’eau saumâtre | compter sur le  pont à la dérive | dans le radeau compter | ( et là qui flottent tirer un trait ajouter) | compter | dresser la liste | soulever la pierre compter | à la pelleteuse compter | arrondir : plus ou moins un plus ou moins mille augmenter diminuer | égaliser la terre | ratisser la cendre | compter | un sourire dents arrachées compter ( vous rigolez?) | combien sans voile rasées rasés décapitées décapités brulées brulés vives vifs combien compter | démembrés dénombrer : donc je n’ai qu’à compter et reporter | ici avec ou sans civière compter sur le sable ou sur la pierre mis à sac : compter dénombrer mettre en sac dresser la liste

J 22
Il m’a toujours dit que ce qu’il écrivait servait à envelopper les harengs, il écrivait pour les journaux. Il a aussi écrit des livres. Les livres étaient sa vie et il les distribuait volontiers. Quel livre aurait-il laissé sur le banc ? Moi ce sera ce livre que j’aime et qu’il aimait aussi, pas autant qu’il aimait Kafka qui l’empêchait d’écrire : c’est si grand tu comprends on est écrasé. Je prendrai un des trois exemplaires de ce livre, ici il y en a trois (ce sont des choses qui arrivent dans une bibliothèque), le moins usé : c’est pour offrir tout de même. Ce n’est pas un gros livre et il a l’odeur des mains qui l’ont tenu : un souvenir de térébenthine. C’est un livre à la fois burlesque et infiniment triste. Il ne contient pas de larmes, plutôt des questions. Je le poserai sur le banc du quai demain à 6H30. Pour toi.

J21
ratissé avec la grande araignée rouge tamisé la rouille des feuilles jeté l’eau des cendres remonté le seau de fer passé le vinaigre et l’huile sur le bois coupé la tige d’une phrase recopié un mot essayé l’autre sens (réalisé pour la date) regardé le portrait mélangé la farine le miel les œufs et le beurre allumé la lampe tiré le drap pour l’aube

j'aurais dû ne pas et garder l'empêchement d'écrire au jour 21 (cette année le pommier n'a rien donné )

J20 transaction muette
Quand elle s’approcha son visage se figea sur l’expression de douleur qu’elle portait comme un masque, l’autre qui descendait les marches la main accrochée à son sac détourna le regard; sur l’affiche on voyait une femme en prise avec le vent un grand Tag noir, nuage ou nuée bizarre surplombait la chevelure qui volait.  Une main se tendit, les taches qui s’y lisaient étaient celles d’un dessin enfoncé sous la peau, à l’annulaire manquait  une phalange. Elle était maigre.  Une pièce se posa dans la paume puis le flux d’une rame emporta les deux corps.

(elle s’approche son visage se fige, l’autre qui descend les marches la main accrochée à son sac détourne le regard. Une main se tend, les taches qui s’y lisent sont celles d’un dessin enfoncé sous la peau, à l’annulaire manque une phalange, la pièce se pose dans la paume puis le flux d’une rame emporte les corps).

J19 échange-
l’image du mail : la phrase lue dans le train : l‘enfant du trottoir: la femme qui tend la main : K qui me regarde et pourrait pleurer : le guichetier de la rue du temple serré dans la cage de verre : l’homme déchiré devant le Carrefour de la gare saint Lazare : le gardien des caisses automatiques avec le col de chemise écossais : l’homme du quai fermé pour cause de colis piégé qui est Stewart dans le TGV et apprend le piano au conservatoire d’Ermont Eaubonne : C’est pour toi ! « Les vaches précipitent leur âme dans leurs yeux pour voir le terrible » . C’est ton doudou? S’il vous plait …Merci ! Trente ans ! Non quarante, tu te rends compte … Ah vous ne faites pas la réduction le dimanche… Le serment? Oui deux merci ! Après vous Madaaaaame ! Du bout du doigt  avec douceur et vous voyez ça marche elle vous a souri et maintenant elle tire la langue! Ils vont reporter d’une heure si on court on peut attraper le 2IH14 de la C, on y va ensemble? …

9H30

J18 (copier)
« … parce que je pense profondément que l’inconnu est fonction du défi que vous vous donnez à vous-même par rapport à un problème que vous vous posez. Qu’il soit déjà résolu, c’est possible, mais cela ne change rien à votre problème. Voilà ce qu’est l’inconnu à mes yeux. Je vous ai déjà dit que certains de mes tableaux restaient en plan pendant dix ans parce que je ne trouvais pas de solution au problème que je me posais. Les gens viennent chez moi, les marchands, et il me demande pourquoi je ne le finis pas. Je réponds que je ne sais pas comment finir que je n’ai pas la solution. En voilà de l’inconnu… »

Il est 20H21 je me lève pour prendre l’ordinateur, je veux lire la consigne. Je suis habillée comme pour sortir, je retourne m’allonger. A côté de moi sur le lit, parmi d’autres livres, il y a celui que je lisais un quart d’heure plus tôt; je me promène dans les pages. Je cherche le passage qui parle du temps et de l’enfant. La fenêtre s’ouvre sur le noir; la boule chinoise fait la lune. J’ai les jambes repliées et une envie de pomme dans l’estomac. Ma tête pèse (l’image de la pierre que j’aie lue dans un autre livre quelques heures plus tôt me traverse l’esprit), une pierre douce. Loin passe une voiture puis c’est un abime de silence.

J4 bis (éveil)
je ne crois pas à la réincarnation (et mettre C. André avec le Sacré Cœur dans le terrain vague) pourtant ce matin en regardant la chatte bientôt centenaire c’est elle que je vois, elle porte un chemisier rose et mange un biscuit qu’elle a trempé dans son vin

J17 (protocoles)
faire arriver les trains à l’heure mais ailleurs avec correspondance sur mer Repeindre le sacré cœur à l‘acrylique rose et verte : arroser avant séchage et mettre sous cloche dans un terrain vague Répondre à qui te parle quand qui te parle et surtout là où qui ne répond Rendre gris cendre et gris poussière au nuancier des lumières Ouvrir la nuit Regarder voir où les yeux se ferment ouvrir le jour et la nuit les latrines et les Bains Laisser couler l’eau du pont celui-là ou un autre par eau dessus et glisser le ciel en dessous Rajouter un R à la rue denière et qu’on en finisse

J16 frusques
kimono de Chine rouge cochenille en soie véritable avec fil de laine torsadée rouge primaire accroché au col | kimono outremer tout synthétique imprimé d’oiseaux à longues pattes made in Taïwan | pagne ou tube Amérindien en popeline épaisse ocre et encre | peignoir sans étiquette de percale ou de viscose imprimé d’hortensias vieux-rose | Wax à lions ripolinés | étole verte déchirée | cachemire à trous feutré | chemise et pantalon de treillis armés jusqu’aux dents | bottes à crans | slip mâchuré sans élastique | bonnet couvert d’ecchymoses | bâche, soulier et moufle …

Garde robe Matisse ... Blouse roumaine aux manches vertes Petite blouse roumaine au feuillage Blouse roumaine au fond rouge et bleu Femme en robe rayée accoudée Robe noire et robe violette Le chapeau rouge Manteau de fourrure La blouse verte Blouse slave à la bergère Blouse slave fond bleu Blouse brodée bleue Blouse noire brodée Femme à l’écharpe écossaise Petite odalisque à la robe violette aux dahlias Robe jaune Odalisque harmonie bleu La robe violette aux anémones La robe violette aux renoncules Nu au peignoir blanc Boléro violet La robe bleue reflétée dans la glace Robe bleue Robe rouge et tulipes violettes Collier d’ambre La grande robe bleue que harmonie bleu Corsage bleu Le châle écossais Corselet bleu Portrait au manteau bleu Le chapeau aux roses Le jabot bleu Blouse bleue Corselet sur fond de Tahiti... (Matisse quelques toiles entre 1935 et 1937)
Le jabot bleu

J15 en chaîne
d’où on vient et où on va il faut que j’y pense dans dix jours même quinze ça nous laisse un peu de temps pour réparer c’est ça Monsieur parfait c’est moi qui vous le dis et plutôt bleu parce que demain vous verrez ce sera rouge partout avant on mettait du beurre si on vous change la couleur c’est pas le même coût vert on peut avec des broderies d’outremer seulement pas l’hiver allez on s’embrasse quand même avec ces coupures on ne sait jamais et si on va être à l’heure parce que leur seule arme vous le savez mieux que moi c’est la terreur et le blé avec les moustiquaires alors je lui dis prends ton casque on ne sait jamais moi franchement si elle lui bouffe le doigt comme c’est décrit je n’irai pas c’est pas qu’à cause du patriarcat c’est multifactoriel en tout cas avec ou sans revenu universel je préfère conduire une locomotive en Occitanie plutôt que jeter le bébé vite fait avec la bière dans un trou des sept heures ça passe pour de l’arrogance mais tout le monde sait que ce n’est pas en se coupant là où on ne voit rien qu’on éteint la mèche alors si pour dix euros on gagne je gratte tout de suite tu le sais les bons sentiments c’est pas mon truc on a sûrement froid sans eau mais moins qu’eux qui crèvent de chaud ne cours pas dans l’escalier et surtout couvre toi bien

J14 à la seconde
si on ajoute une seconde à l’horloge autant y ajouter une vie.
t’as vu à un cheveu près, talon vipère… est-ce que ? est-ce que? est-ce que t’as une seconde ? Oui pourquoi : Trop tard!

T’as pas vu là ? Ben quoi parle! Bah ça quoi… Non. Là, jaune mouillé sur le trottoir, t’as pas vu…?
… le train hier c’était une hache, une seconde et hop tu y restes! sur le quai une seconde et tu changes de vie: oups! fini ! Trépas! Trop tard!
T’as vu le truc? blitz et hop dans la poche.. t’as pas vu la main : hop ! t’as pas vu le gars dans la poche direct un11 Pro le pro, à Anvers la main et blitz … et ça déboule bleu noir ou noir marine clic clic à la ceinture couic aux bottes, ça déboule, ça court contre marée montante, te bouscule et loin devant t’as vu le faune? file se faufile et saute noir jogging saute par-dessus la rame (c’est pour l’image) saute par dessus quoi en vrai? saute où, dis ? saute quelque part et pas le temps de siffler pchhhh ! disparu

La déflagration
La déflagration est une combustion rapide de la substance explosive, qui se traduit par une onde de choc dans l’atmosphère. On dit que l’explosif déflagre. La vitesse de transformation est supérieure à 340 mètres par seconde dans l’air.
La détonation
La détonation est une réaction de décomposition extrêmement rapide qui engendre une onde de choc dans la substance elle-même. La vitesse de transformation est généralement comprise entre 2 000 et 9 000 mètres par seconde dans l’air.

elle file


J13 arrêt
l’image d’abandon qu’offrent les épaules du dernier voyageur quand les portes du train se referment
les mains accrochées au landau et l’enfant qui s’échappe dans l’allée jonchée de coques
les deux mains posées sur le papier pour maintenir le nœud du ruban et les ciseaux posés à l’autre bout de la table
elle longue avec le plateau et trois marches à descendre longue triste

J 12 les dessous du lundi.
Quand je peignais il y a longtemps j’aimais les fonds palimpsestes; j’aimais les recouvrements par transparences sur des fonds mats un peu poreux; je n’aimais pas les dessous uniformes : j’aimais faire traces et garder traces : voir comme sur le carreau de ces vieilles fenêtres orientées au sud : la pluie et le vent, les ocelles de lumière, la vapeur qui embue la vitre. Je n’aimais pas les empâtements, ni les rehauts; revenir en arrière ce n’était pas possible, trop recouvrir en aval valait échouer… J’aimais que le fond refasse surface et qu’une parcelle de toile non peinte affleure. J’imaginais ainsi toucher/voir le temps. Ma grisaille affleurait. Quel fond à l’écriture? L’urgence d’écrire?… que ce sera court, un court voyage (très long), une idée de longueur préexiste, est-ce qu’elle joue au fond? Préexiste l’urgence de découvrir ce qui passe : débonder. En dessous le trop. Un flux comme fond. Puis reprendre jeter, jeter, élaguer, déplacer, du trop aller à l’os au risque d’assécher, de figer, d’étouffer…

J 11 lire écrire
premières pages d’écolière, elles s’encrent | mot à la craie qui blesse l’ongle au tableau | dessiner le mot avant de le comprendre : pleins et déliés des phrases dans le cahier qui se tache | ça tangue : recommencez ! | le œ d’œil, de bœuf ou d’œuf | phrase à trous des livres de grammaire : écrire entre les mots | il y aura toujours des trous dans les phrases : lire d’un œil rêver de l’autre ( lutter pour ne pas) | entendre/lire, écrire | les dictées, la peur de mal écrire: la entise de la fote ; la joie d’un Y et d’un H rattrapés de justesse | puis un matin Baudelaire entre avec la hache de Raskolnikov… \ et t’habiller de noir \ lire écrire dans le noir, mimer leur mots \ au Bic creuser/graver la page \ carnet de poche et de pioche \ phrases recopiées jusque sur le mur \ écrire \ écrire \ lui écrire \ premier amour mot blessure … ( livre froissé de songes : livre trésor ou livre monde enroulé dans l’étoffe du doudou et retrouvé sous l’oreiller | caresser le relief de la couverture rouge et or, longer la phrase braille sur la page qui sent l’automne et la cave | sous le doigt un mot braille en sourdine : Ogre | l’autre chante plus doux : Caillou | (orgue et loup pour la rime) | lire/dire dans sa tête apprendre par cœur | ( le œ dans l’eau de cœur, ivresse, nausée et peur) | la littérature je l’ai d’abord entendue ; acteurs actrices plein la maison avec des phrases écrites dans leurs voix : dis encore!| phrases qu’ils te répètent en ouvrant la porte ou en tournant le potage: je ne vous aime pas Marianne c’était… te bercent ou te sidèrent ( ivresse, nausée et peur) | phrase déliée à pleine voix : mon mal vient de plus loin… | puis dans la chambre sous la lampe cloche : Les contes et Légendes ivoire, ta collection, comme leurs Pléiades sur l’étagère, la fierté de dire je les ai tous lu | le œ de l’oeil et le y du cyclope | la chèvre au piquet gravée sur la page de gauche et tu sautes des lignes à droite pour savoir plus vite : ta peur envie qu’elle meure | tes larmes pour un poussin hideux | Babar, baobab, Bérénice… )

pendant qu’elle photographie la pluie tombe

J 10 pendant que
pendant que je te parle, cette lueur ou autre chose (croire qu’on se souvient croire qu’on aurait pu) | cependant que j’écris il fait nuit et quelqu’un dort dans la chambre | pendant qu’ils préparaient la noce (à la campagne l’autre village) elle s’est pendue | c’est quand il agitait le bras le seul qu’il lui restait (si c’était sur le quai, si c’était seulement lui) que ses cheveux avaient volé | pendant qu’elle découd son carnet quelqu’un s’attache au mat | tandis qu’ils passent (path c’est chemin en anglais) elle agonise et quelqu’un trace un signe pas plus gros qu’un point sur le mur

Pendant que… après tout rien si : la nuit tombe

J9 ne pas m’attarder
ne pas m’attarder : danser | vivre vite trop tard | attraper au vol | « pardon mais je ne vais pas m’attarder »: tu te dérobes? non j’ai un train dans dix minutes | je ne vais pas m’attarder sur notre désaccord ( je t’aime) | et m’attarder à ton sourire? : te regarder ce n’est pas m’attarder | « comment pourrais-je jamais vous oublier puisque je n’ai pas à me souvenir de vous : vous êtes le présent qui s’accumule » elle vient faire quoi ici la phrase ? | noter | avancer | que c’est en train de finir : ne pas m’y attarder, enfin pas trop, si possible | être là | ne pas m’attarder sur la peur, le dégout | garder colère | et la joie passée? | je ne m’attarde pas je vole du temps | ne pas m’attarder sur le demi millimètre en moins qui est de trop : vous êtes perfectionniste, non? | ni au grain de sable qui s’est glissé dans le soulier (celui du rouage il faudra peut-être) | ni sur le fâcheux | ni à l’heure du loup sans caillou | ne pas m’attarder sur après-demain je l’ai fait avant hier et tout était gâché |

("l'exactitude est la politesse des princes " c'est un truc qu'elle disait, elle avait pris tout son temps, est-ce qu'elle était prête ? elle sentait comme les fleurs, elle a eu peur un peu . Elle s'attardait à vivre ont dit de méchantes langues)

J8 noms propres
Martial Rambaud Patrice Gallais Odette le Goëlic Piotr Wisniowski Julia Bream Franck Alpine Rémi Tourneux Lamia El Mezouar Claude de Bonfils Kornelia Wehlte Patrice Magnaval Léonora Créamer Fabrice Delahousse Victor Poirier Rémi Tourneux Megane Goutte Halilou Haoua Jules Ceccaldi Michel Ouimet Wanda Landowska Mathieu Marchive Oleg Coudlea Hermine Georgin Marcel Berdah Alice Roux Colia Betz Estelle Baux Léonora Créamer Victor Poirier Maxime Gatelier Isabel Banford Gilbert Houdon Marie -Madeleine Collin Elisabeth Blin Pascal Simhon Sandrine Boisson Julie Zizine Alexandre Guiomar Paola Ballano Blanche Bertrand Pascal Perbost Karim Salah Caroline Brue

celui qui faisait les comptes de celui qui est mort le même  qui a pris sa retraite et s'adonne à sa passion du ski celle qu'on a croisée sans le savoir celui qui aurait pu faire dans la mécanique s'il n'avait pas épousé la fille du charcutier celui qui habite à quelques numéros de celle dont on a lu le nom sur un badge et même si ce n'est pas vrai ça n'a plus d'importance celui du 15 dont on ne sait rien celui qui na pas retiré son alliance pour lui remettre les os en place celle qui a un accent suisse et vend par téléphone des draperies de théâtre en Alsace celui qui habite au 194 de la rue où l'enfant a grandi la voisine du 192 qui chante dans son sous-sol celle qui a beaucoup souffert et vit au 148 de la même rue celle qui est venue de Bretagne en 50 et marche avec un déambulateur la même qui avait un mari priapique et qui n'a jamais eu d'enfant celui qui a eu plusieurs noms (c'était la guerre) celle qui jouait du clavecin dont on lit le nom  sur la plaque celle qui n'existe que dans sa tête celui qui consulte à Montmartre en plusieurs langues celle qui meurt très tôt dans le roman celle qui panse et celle qui pique la même celui qui achète probablement son pain dans la boulangerie de la gare et croise le fleuriste celui qui est le fils de celui qui tenait boutique dans la rue principale (vente et location de cycles ) dont la sœur a eu des enfants métisses ce qui avait fait jaser (à l'époque il n'y avait pas de pont) celle qui s'est reconvertie dans la plomberie et qui se promène en forêt avec trois chiens celui qui est venu de Pologne il y a trente ans celle qui porte le même nom que celle qui croira se reconnaitre celle qui vit au rez de chaussée de l'escalier C du 15 et peint de tous petits tableaux qu'on aperçoit par la fenêtre en traversant la cour celles et ceux  dont a trouvé le nom dans l'annuaire celui qui est entré comme commis pour réparer quelque choses celui qui est en deuil celle dont on a raillé le nom trop souvent mais qui a tenu bon celui qui  ...

J7 visages
le geste pensif de la main gauche qui replace la mèche derrière l’oreille; est-ce la blouse qui détonne ou le visage qui étonne | à travers la portière la fulgurance floue de sa robe et le bruit du vent | l’air d’un physicien à truelle ou d’un poète à marteau, très énervé; s’étonner des mots qui lui viennent comme pas nés au milieu de sa figure

les cernes de la boulangère, un enfant sur chaque joue, empesée et ravie | sous le salpêtre, cette impression d’elle en rose qui se défait | l’effort qu’il faut faire pour retrouver l’image des yeux quand il t’annonce la ressemblance

cubiste œil pour œil et le cou ingresque : son visage plus vraie que peinture | entre le porche de l’église et la portière de l’auto sa taille à géométries variées | l’homme au petit chien derrière le phare qui photographie l’âne n’est pas une contrepèterie

J6 Personne d’autre que moi n’aurait remarqué
qu’elle pâlit qu’elle va s’éteindre que le fil qui la retient va se rompre personne puisqu’il n’y a personne d’autre ni le cri loin d’une délivrance personne qu’elle penche qu’il faut la redresser que quelques millimètres feront la différence ni que le mot fait un trou dans la page à part moi personne cette couche de poussière d’une douceur de fruit personne sa silhouette repoussant la foule triste à pleurer ou gaie selon ni qu’il manque du pain et du ciel mais qu’en se serrant un peu ça ira personne le bruit du feu sans fumée et qu’elle ment pour respirer personne que le jaune des fleurs va à la terre caillou comme une robe et qu’elle chante avec le hibou pour la rime personne d’autre n’aurait remarqué… personne qu’ils sont venus pour ajouter un peu de terre et repartis sans faire de bruit…

J5 Ciels
6H : L’obscur et loin, à l’oreille, une vague lente – 7H27 avec ou sans lunettes le même effet d’uniformité molle, bleu-encre, plus noire que bleue – 7H27: en insistant, il suffisait de tourner la tête sur la gauche du côté du levant, et distinguer dans l’encoignure du toit une lueur diffuse d’un demi ton plus claire – 8H29, un rectangle blanc pleut – 9h/12h le ciel hors champ, soudain le mur se couvre de lumière: grimper un étage : attraper au vol la nuée et boire un bol d’air bleu. 16h26 plein sud la cour pleure noire, là haut c’est lent et gris…

J4 éveil
L’auriculaire dans l’oreille gauche (« mon petit doigt m’a dit que »). L’oracle tombe en poussière

J3 il aurait fallu
Il aurait fallu en passant rattraper l’enfant qui courait. Au bout de la jetée ne pas le laisser fuir. Sous la bâche translucide les poteaux bleus : un vide froid. Il aurait fallu retenir l’enfant celui-là qui passait et n’avait pas de cri. À la sortie du Temple je porte la boite avec les hommes; ça me revient: le poids pour son corps de plume. Devant le bar fermé des « Frères » je me souviens qu’elle a couru sur cette jetée de sable. Elle aussi. Longtemps. Loin. Quand nous n’étions pas nés.

J2 Lacunaire
Qu’à poncer le sol, ces tomettes ocre-rose, on restaurerait la couleur perdue. Un nuage de poussière s’insinue. Ce sol poreux aux nuances diffuses c’est toi qui l’avais décidé. Dans la maison, il y avait un plancher et de la terre battue. Avant. Battre la terre; se faire battre. Tes pieds nus orteils rougis sur les carreaux gardaient le gel des marches en sabots dans la neige et la cicatrice au talon de ta blessure ancienne. Tu aimes marcher pieds nus. Tu aimes les tennis américains. On ne laisse pas partir un mort sans chaussures. Tu reviens les pieds nus.

Le voilier à coque noire, sa voile déchirée, ses gréements qui s’emmêlent, c’est lui qui tient la maison sur son dos à présent : posé devant la fenêtre du jardin comme une promesse de revenir. La moufle crocodile à saisir les plats chauds n’a pas survécu aux brûlures ni aux spectacles de marionnettes : cette bouche pleine de dents qui attrapait les doigts à rire peur.

Le miroir décroché creuse une rognure de temps .  

J1 Imprévus
– I. assise dans le transilien pour Paris, notre étonnement de tomber l’une sur l’autre. Elle me raconte l’explosion du radiateur dans l’atelier de D., le jus noir qui éclabousse les toiles et comment D. a cherché ses appareils auditifs dans le cloaque – (nous allons mourir bientôt, eux pas, m’avait dit D. en m’offrant son répertoire des personnages de La Recherche deux semaines plus tôt)

– L’effarement des nuages au-dessus de la tour qui penche dangereusement quand je réalise que j’ai perdu un verre de lunettes.

– La femme du train à qui j’offre ma bouteille d’eau pour qu’elle prenne un anti-douleur qui me parle de Bartelby avant de m’emporter dans son souvenir : « I would prefer not to ». La masse grise de ses cheveux quand elle s’éloigne en boitant sur le quai; la bouledogue qui la suit du regard; le vent de l’océan qui s’engouffre dans la gare.

– Le profil du chauffeur d’autocar (très grand) dans le pare-brise et cette fenêtre qui s’allume dans la ville éteinte. Les lettres défilantes dans la nuit du pare brise et le visage tout petit dans le rétroviseur de l’angle.

– Les deux filles sur la banquette arrière à la lueur de leurs portable : clair obscur comme un tableau de Georges de La Tour. Elles jouent à chercher des noms avec le prénom Michel : Michel de Montagne et Michel Ouestlebec. Leurs rires.

– La femme à l’arrêt de bus qui dit « mon petit » au garçon obèse qui descend avec un sac plastique presque vide à la main.

– Le bruit des roulettes de ma valise dans la venelle à peine éclairée. La lune tangue ou c’est le nuage qui lui joue un tour.

– La voix de l’écolier à 7h45 dans la rue aux volets fermés.

– Les enseignes de Noël suspendues sur le ciel bleu .

A propos de Nathalie Holt

voilà ! ou pas

240 commentaires à propos de “carnets individuels | Nathalie Holt (un possible journal)”

  1. Chez moi aussi les enseignes de Noël sont déjà installées…
    Ces imprévus comme des clins d’oeil m’enchantent. Vifs, précis. D’un seul élan. Bravo !

    • un « journal « c’est pas trop mon truc ( merci Ugo pour l’encouragement ). 40 jours pour s’y mettre.

  2. j’adore « possible », c’est aussitôt le jeu des ombres de tes textes et photos. Merci pour cette délicatesse.
    « On ne laisse pas partir un mort sans chaussures. » laisse-t-on partir les morts ? ce « sans chaussures » sonne comme « possible », c’est là, bien là, là où il pourrait ne pas (ombre ?)
    merci fort

    • je crois qu’on les laisse et c’est une souffrance .
      « Je possède des morts, je les ai tous abandonnés
      Et je fus étonné de les voir si confiants,
      Si promptement chez eux dans l’être mort, si justes,
      Si différents de leur renommée. Toi seule tu reviens… »Rilke (abandonner ce n’est pas laisser partir). Merci Gracia

  3. Bonjour Nathalie,
    comme ce travail nous emmène… j’aime arriver ici (dans le cours d’une première lecture chez chacun.e en partant de Z) et trouver dans ton possible journal, le famillier et le nouveau qui se cotoient, le mystère tjs des morts, à accompagner, chaussés ou déchaussés – quelle vision – et des enfants à aimer trop, le petit rien et le tourbillon,

  4. Bonheur de retrouver ton regard écrit sur le monde, aussi lumineux et ciselé que le regard qui photographie.

  5. « personne puisqu’il n’y a personne d’autre ». La force d’un scalpel, vos mots.
    Mais aussi: « attraper au vol la nuée et boire un bol d’air bleu »
    Merci Nathalie Holt. D’un jour l’autre, nous mettre dans tous les états.

  6. J’ai commencé à lire par le jour 1. Chacun des « imprévus » est un monde en soi, où l’écriture oui est possible. Je reviendrai lire les autres jours. Merci Nathalie.

  7. Parti pris assumé, le gaucher que je suis aime particulièrement « le geste pensif de la main gauche » qui ouvre votre septième jour. Au delà de ce petit détail, merci Nathalie Holt de toutes vos écriture qui contiennent tant.

  8. Un possible journal… qui se visite comme un jardin tropical ? Luxuriant ! On écarte une palme (à nombre de signes limité bien sûr ou presque…) et on perçoit une profusion de couleurs et de senteurs…

  9. l’impression d’elle en rose qui se défait… et se souvenir de cheveux châtains noués au dessus de nuque courbée ligne longue de la joue illuminée du reflet de l’Iphone

  10. Merci Nathalie Holt pour ces celles et ceux qui…
    Une poétique mémoire entre Jacques Prevert et Paul Guimard,quelque chose des rencontres à la Raymond Queneau aussi, rencontres avec la vie. Merci Nathalie qui…

  11. Bonsoir Nathalie,
    ta liste m’as intriguée, j’ai cherché qui ou quoi, me disant que si on ne sait rien ou presque de ces noms ils forment une cosmogonie qui ne demande qu’à s’animer,

    • merci du retour Catherine ils risquent d’être très exigeants (ils m’effrayent un peu )

  12. Nolwenn, Anh, Catherine, Christophe, Helena, Caroline, Ugo, Brigitte, Laure grand merci de vos passages et de vos retours

    • pas pu m’empêcher de revenir vers les celle celui trop tentant avec les noms Merci Brigitte !

    • j’ai gardé le principe (en principe‌) du prince ( ou roi) qu’elle disait ( remarquer que le modèle masculin l’emporte) mais il arrive que la batterie tombe en panne . Merci Piero

  13. Atterri dans votre carnet par jeu de marelle des publications et des commentaires, et le hasard fait bien les choses. Je suis amoureux du J9 / ce qui n’enlève absolument rien au plaisir d’avoir lu les autres J. (existe-t-il ici un moyen de coller en favoris les carnets à suivre ?)

  14. « puis un matin Baudelaire entre avec la hache de Raskolnikov… »
    ça secoue fort ! merci Nathalie

  15. le lacunaire, la phrase d’éveil qui n’en finit pas de tourner (ô combien l’image !), tellement émue par le 6, comme UP touchée par « personne puisqu’il n’y a personne d’autre ». Intriguée par les noms.
    Et puis « lire d’un œil rêver de l’autre ».

  16. #11, la version verso, la deuxième, que je qualifie d’ébourrifée, me plaît beaucoup, elle montre l’enfant entourée et seule, nourrit et laissée sur sa faim, j’aime l’impression qu’elle produit, quand tout est là, (me vient le générique de Fanny et Alexandre)

  17. « il y aura toujours des trous dans les phrases : lire d’un œil rêver de l’autre ( lutter pour ne pas) »
    Merci Nathalie Holt. Les trouées dans vos phrases ouvrent des voies, aperçoivent des clairières, percent des ombres, franchissent des imaginaires, traversent des forêts inconnues. Merci.

  18. De la peinture à l’écriture, et jeter, jeter, jusqu’à l’os – et même au-dedans de l’os : la substantifs moelle [mais il arrive qu’on la recouvre pour mieux recommencer – célèbre Fail again…

  19. puis un matin Baudelaire entre avec la hache de Raskolnikov… C’est beau ces souvenirs de lectures par les yeux et les oreilles, ça tourbillonne comme une valse, j’entends les portes qui claquent, les pages qui se froissent et la louche dans le potage, tant de vie !

  20. Merci Nathalie Holt pour ces «  choses à la seconde ». Toutes les inquiétudes qu’elles contiennent suscitent en moi une peur profonde. De la vie, sans doute. Bravo d’écrire si bien où ça fait mal.

  21. Nathalie, une impression générale, chacun de vos textes, votre univers, s’ouvre toujours sur beaucoup de lumière et de justesse même quand le sujet est sombre
    art du peintre écrivain sûrement

  22. splendide le Max ripoliné et bonnet aux ecchymoses, mais où les as-tu trouvé ces multicolores ? autour de moi, c’est noir et gris, décourageant…

    • merci Catherine (entre dedans et dehors de gare à gare y’a des couleurs qui trainent et fanent, photographier en noir et blanc c’est bien aussi )

  23. Du splendide à l’élimé, comme on les voit ces habits, ces étoffes, presque la sensation de les toucher !

  24. tes frusques (alors j’ai pensé à la comtesse, quand elle décrivait les vêtement des petites filles, la précisions des matières , mais version rock) et protocoles si poétiques, faut que je revienne, mais ça va être à la rame

  25. #17 (pas facile, hein, surtout pour un samedi) : « Laisser couler l’eau du pont celui-là ou un autre par eau dessus et glisser le ciel en dessous »
    Délicieux, ce eau dessus détourné.

    • oui c’était très dur, et en plus la veille je n’avais pas su lire la consigne, le matin j’ai fait au plus vite (comme ça venait)… Merci du passage

  26. « Rendre gris cendre et gris poussière au nuancier des lumières ». Que c’est beau. Merci Nathalie Holt. Vous donnez lumières plurielles au nuancier des écritures. Merci, merci, merci et bravi (le pluriel de bravo).

  27. yes pour les trains ailleurs le sacré coeur rose et vert et l’eau qui coule, je vote pour ton programme!!!

  28. Merci Nathalie Holt pour votre ajout de la garde robe de Matisse et, en 18, ces renvois aux obsessions de Sam Szafran. Des écritures dans la peinture aux peintures dans l’écriture: merci pour ces passages. Ils élèvent et emportent. Merci.

    • vous aimez Matisse? j’aurais du penser plus tôt aux vêtements qui traversent ses toiles . Merci du passage Ugo

  29. A vous lire, je partage cet « être bien » que souligne Brigitte. Merci Nathalie Holt. Et ce n’est pas juste qu’il ne fasse pas les réductions le dimanche.

  30. Des corps palimpsestes dans les décors de la vie .
    « un dessin enfoncé sous la peau »
    Quelle force vous avez Nathalie Holt pour nous donner à lire comme entre les lignes de ces mains. Merci Nathalie et bravo encore et encore. Allez savoir pourquoi, mais je vois la Gitane de Matisse à cet instant.

  31. Non mais c’est dingue tous ces commentaires, c’est absolument génial !
    J’ai adoré : l est 20H21 je me lève pour prendre l’ordinateur, je veux lire la consigne. Je suis habillée comme pour sortir, je retourne m’allonger.

    J’aime l’image, je te vois, as tu gardé tes talons sur le lit ?

    La bise d’automne. J’aime cette saison, la forêt est belle et écrire au chaud aussi.

  32. ce #21 avec ses mots mêlés, une bien belle trouvaille pour cet automne – ici aussi on a une araignée rouge pour les feuilles (mais flemme de ramasser)

  33. Quelle belle émotion vous livrez Nathalie Holt en déposant ce livre aux premières heures du jour. « Il ne contient pas de larmes, plutôt des questions. »
    Et cette odeur des mains qui lui tient encore.
    « Émotion de la vie, là » a écrit un autre auteur proche. Merci Nathalie Holt qui délivre des livres de secrets trésors. Merci.

  34. Magnifique, cette note #22.
    Pas le seul à avoir plusieurs exemplaires des livres importants/appréciés/à offrir/abandonner(offert à qui le voudra)

  35. Lire tes textes, en ordre ou en désordre, c’est déguster quelques saveurs fortes et subtiles à la suite, ça en met plein le palais. Et épuiser le mot compter jusqu’à s’enfarger dans la boue poisseuse de l’horreur. Merci pour ces beaux moments de lecture.

  36. Crescendo abrupt jusqu’aux horreurs dont nous sommes comptables. Une nouvelle fois, Nathalie Holt vous savez creuser là où ça fait mal. Des mots cliniques qui déchirent le confort de nos propres images. Merci de nous faire voir ainsi, de nous rendre compte.

  37. J23 je trouve qu’il y a quelque chose du parpaing de Tarkos dans ce compter décompte un rythme (celui de la marche ?)

  38. J24 : concision ouvrant sur l’infini – splendide. (le lacet au cœur de l’attente est parfaitement à sa place).
    Aimerais savoir faire ça

  39. Brigitte, Ugo, Piero, Christian, Caroline, Jacques, Francoise, Cecile, Huguette, merci beaucoup de vos lectures .

  40. #25 — à la lecture, les images désarticulées de bousculent — on hésite entre frémir et compatir. Ça secoue le dimanche matin caféiné.

  41. Merci Nathalie Holt pour ce vingt-cinquième jour et fleuve de vie(s). Et ce « s’antre » au sens si pluriels. « Il faut que vous connaissiez mon vrai domicile, mon antre » écrivait Flaubert.

  42. Chapeau pour les deux versions du #26 ! Il fallait y penser.
    Bravo, salue l’exploit. (texte toujours aussi parlant pour moi — j’aime passer ici)

  43. « c’est pas épique (c’est à pic la rue) : ce jeu de mot dès l’aube?« 
    En dingue des jeux de mots, beaucoup aimé celui-ci 🙂

  44. « un visage à prendre pour une autre » Merci Nathalie Holt, y compris pour ce portrait cubiste. Fait-il voir ce qu’il dérobe ? La maligne ? La maline ? Vos mots et vos images, dans tous les cas, ne dérobent rien, jamais, de ces plurielles richesses de votre être là. Merci Nathalie. Et comme les adjectifs redeviennent possibles: grands, très grands mercis.

  45. « ou le mot caillou ou le mot cendre qui rôde et se rumine » Merci Nathalie Holt. Des mots qui se posent, se déposent, se reposent. Caillou en fait partie. Cendre aussi. Ils touchent toujours.

  46. Ces ressassements perlés de regrets (#29) me remuent et me retournent dans cet état que je connais si bien au détour d’une pensée que je veux fugitive. Merci.

  47. C’est pas dû résonnent en moi aujourd’hui, sont quasi liens – leur dire je vous emmerde — ça j’aurais dû
    Merci Nathalie

  48. « allez on remonte le revêche on rabâche le gâché »
    ça c’est de la phrase qui claque comme j’aime — notée pour y repenser un jour, si besoin — merci

  49. Ce matin, j’ai enfin pris le temps de lire un peu… C’est tombé sur vous. D’être entrée dans votre journal, en suis ressortie , nettoyée, nouvelle, revigorée par une grande vague de beauté vivante et très puissante. Cela me laisse même un sentiment étrange… comme de nouveaux droits pour mon écriture mais qui ne se nomment pas… Cela me rappelle à quel point lire participe d’écrire… Mais cet  » écrire partagé », ces vagues d’écriture dans cet horizon commun que nous fabrique chaque jour, François Bon, c’est très singulier… comme apport… quelque chose de la foule nous habite dans l’écrire, ce partage d’horizon, et à se lire, quand on y voit briller l’éclat d’un astre, on se prend à rêver d’un monde meilleur… d’une révolution !
    Un grand merci !

    • Caroline, si touchée que ce que vous écrivez ,si bien, que je ressens à propos de l’échange, des transmissions et bousculades de nos lectures respectives, se retrouve, par le hasard de votre lecture, ici dans mon carnet. Oui, Imbrication d’écrire/lire ou l’inverse. Un mot une phrase (un livre) pour impulser, sous tendre mettre en question. Et nos renvois, nos commentaires… il est souvent difficile d’écrire à propos du texte de l’autre, de se sentir légitime d’avancer telle ou telle nuance. Cette diversité de réponses en jours qui nous réunit et nous questionne : « Ils tombent dans un couloir du temps où les choses et les êtres se mélangent… On dirait deux lampadaires qui se donnent du feu. » C’est dans l’Imprévu de votre carnet cette image vient brutalement me toucher…. Merci Caroline .

    • l’urgence d’écrire chaque jour (de faire court) ouvre sans doute… Merci Gracia de tes mots .

  50. #30 poignant et aussi une porte ouverte au fantastique  » elle a déclaré avoir couru droit devant elle par crainte d’être absorbée par l’obscurité. »

    • Myriam est vraie (dans ma tête) quand je lis et réécris le fait M. arrive qui se cachait sous d’autres histoires. Merci du passage Brigitte.

    • merci Caroline et je vais réfléchir à tes mots: « avalée par obscurité » qui dit autre chose ( c’est trop souvent ce qui me guette )

    • je crois qu’elles sont vraiment là par impuissance à dire ce jour là la violence en dedans et … Merci des mots Ugo

    • merci beaucoup Piero d’être passé à 32 jours… ( et les autres jours)
      la 2 je la déplace en 1 (c’est celle-ci que j’envoie)

  51. Écrire lumière, méditations, écrire ombre corps à la peine
    C’est ce que je ressens sous tes mots déjà si beaux…

  52. Inspirer, expirer. Je vous relis, tôt, dans la forêt à ce J 33. En me souvenant aussi qu’un peu plus tard, comme vous l’aviez écrit à J5, tout est possible :
    « attraper au vol la nuée et boire un bol d’air bleu ». Merci Nathalie Holt.

  53. bien beau texte Nathalie
    « ce que tu inspires tu l’expires, ce que tu vois tu le frôles »

    et ce qu’on voit et frôle n’est-ce pas la part mystérieus du monde ?
    et faire le vide c’est s’en approcher

  54. Nathalie, ton possible journal est splendide ! J’aime beaucoup m’y promener. Me laisser émouvoir par tes mots et tes images touchants et si beaux. Un très grand merci pour ces moments de lecture uniques !

  55. #33
    la brume qui revient dans certains carnets aujourd’hui — et cette araignée rouge qui me fait encore penser que j’ai toujours la flemme de
    Merci

  56. Oui, appeler le vide en faisant des tas, en marchant, en bougeant. Arrêter le monde sans s’arrêter. Merci.

  57. Jean-luc, Christian, Brigitte, Fil, Huguette, Piero, Françoise, Ugo, Catherine, Merci de vos lectures, de vos mots (et musique) .

  58. 34 (en réponse à ta dernière question, par parenthèse) (si tu l’enlèves, enlève aussi ce commentaire steuplé) : avec un T de plus, c’est le type chauve, là, dans sa grotte (non loin, au dessus de la jungle, on entend les pales des hélicoptères qui tente de broyer et les hommes et le monde et cette musique qui les excitent)

  59. beau texte énigmatique.
    j »ai cherché la traduction : « la vie est trop courte pour avoir peur  »
    alors j’ai mieux compris !

  60. #35 « le prénom est une coupe blanche dans le déroulé du souvenir. » très beau et si juste…
    ai été très sensible aussi à « je cherche ce couloir qui n’existe qu’en rêve. ». Merci Nathalie

  61. Lu dans le désordre (le retard) en picorant et en savourant des mots, expressions, phrase en allemand, des choses qui inspirent (et respirent), des paragraphes qui éclairent.

  62. Les SMS ont changé la façon de rompre et la façon d’aimer.

    Quand elle entre je lis l’oubli sur ses lèvres – j’aime beaucoup et la 35 (1) aussi, donne envie de les rencontrer elle et son homme.

    Je lis vite, picore, je reviendrai plus longuement.
    merci Nathalie.

  63. En lisant ta 37, l’impression de passer la tête dans une cour de récréation où jouent toutes tes phrases. Joyeux (ou pas) tumulte plein d’énergie. Surprenant. Merci.

  64. Brigitte, Muriel, Françoise, Piero, Ugo, Clarence, Christian, Jean-Luc, Perle , Laurent, Christophe, Merci infiniment de vos passages et mots

  65. Gogo et Didi ça a été en première le prof jeune type qui avait peut-être vingt-cinq ans, je revois son visage et ses cheveux un peu longs (70), on les jouait on se marrait (« viens là-dedans » disait Didi ouvrant les bras), puis il nous a fait lire « le premier manuel du surréalisme » (j’ai tapé 18 au bac, comme je disais à…? je ne sais plus bien), puis on riait moins parce que les exos de maths…

  66. Ta taxonomie des rêves est l’une des choses les plus belles qu’il m’ait été données de lire depuis des mois. Pourrais-tu, s’il te plait, la dire avec ta voix, l’enregistrer et nous en faire profiter ? J’aimerais être capable de l’apprendre par coeur. De le dire sur scène, avec mon ami Yannis qui improviserait au piano. Et pourquoi pas, tiens. Merci Nathalie, merci d’éclairer ce samedi.

    • Philippe merci de tes mots . Taxonomie (ou comment se donner un cadre pour ne pas trop toucher au contenu latent ou manifeste) Longtemps que je rêve peu (pas). Merci de ta proposition de l’enregistrer, je vais y penser ( suis assez timide avec ça) Quel cadeau si toi et Yannis…? fait rêver . Merci.

  67. « …quelque chose se déchire qui se trouvait serré à l’encre blanche… » lire la #39 sur la pointe des pieds, impression d’entrer dans le cœur même de ce qu’est un secret. Merci Nathalie

    • Ugo merci pour les zanimaux rêveurs et les haïkus longs de cette aventure en 40 jours et 49 marches

  68. « l’élan nait de l’échauffement »
    sans savoir pourquoi, j’ai pensé à Murakami, en lisant ceci
    Merci Nathalie pour toutes ces notes — et à bientôt !

  69. Ton écriture porte tes secrets et ta poésie. C’est très beau, j’aime beaucoup cette musique (je reprends le mot de Brigitte). Merci Nathalie pour ces beaux moments de lecture.

  70. Viens de lire la #40. J’aime comment vous rendez difficulté et ténacité que cela suppose d’écrire. Et la parenthèse scandée par les gérondifs. Et les participes présents qui rendent si bien l’omniprésence de l’écriture, dans chaque repli de l’existence. Merci Nathalie.