carnet 40/4
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— les choses
de la saison qui vient de finir
Des listes de vocabulaire propre aux saisons, on appliquera le mot « saison » à toute chose dont la saison du texte aura besoin, car les saisons qu’on ne vit pas dans le réel, on les vit aussi bien à travers les mots.
Des recherches d’équivalences (tentatives) pour l’utilisation d’une majorité d’expressions exprimées par le féminin, transposer les écritures selon cette ligne et prendre la mesure de la contrainte.
Écrire dans la continuité, sans penser à la phrase, impression palimpseste.
S’éparpiller, faire des portraits, des mini fictions, dialoguer des rencontres ayant eu lieu, attraper des pensées du jour, faire des croquis rapides, poser des flèches et des schémas, en cas de notation de paroles : indiquer le nom de qui parle.
Installer des rubriques, ou spécialiser le carnet pour telle ou telle situation : promenades, portraits, rêves, état du monde. Ou seulement dater proprement chaque écriture.
Tenter le ralentissement (détails de détails de détails), l’accélération (en arrière, mouvement de recul) (en avant et avec des changements de niveaux, des effets visuels), les roulements (verbes en cascade ou son répété). D’un mot court aller dans le moelleux, allonger les expressions juste en attrapant un peu de réel au vol, sinon le provoquer.
Écrire sur un téléphone dans un document en ligne et penser fort à la douceur du papier, sa fibre et son velouté, à la couverture aussi, aux marques du temps sur le carton.
Faire un peu semblant de croire que le carnet pourrait se révéler trésor, le choyer un peu trop pour ce qu’il est vraiment : une poche avec sa bille, sa pierre qui brille, sa plume, ses petites collections d’amies imaginaires.
Penser aux grands carnettistes, en faisant des ratures sur des pages déjà presque perdues.
carnet 39/4
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— les choses
qui se créent
il y a dans tout secret, complice et dépositaire.
il y a dans tout secret, effort au mensonge
il y a dans tout secret, voie de sortie
il y a dans tout secret, voix de sortie.
carnet 38/4
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— les choses
qui se cueillent
La vision évolue, comme on éclaire d’un flash une pièce noire, j’y suis tolérée, je ne dors pas, mais je rêve, je ne rêve pas, mais je vois. Je rapporte la vision, je la chérie comme un oisillon, mais elle ne survit pas toujours, elle a besoin d’une autre rencontre, de plus de relâchement, de plus d’humilité, de plus de simplicité, elle est le prolongement d’un mouvement amorcé et développé plus loin que sa limite, elle est le problème et la solution. Écrire procède du même monde.
je me confrontais à une entrée d’écrire qui me déplaisait - je ne rêve pas, je suis de celles-là - mais j’y suis allée voir, d’abord ce qui ne se rêve pas, puis sur ce qui fait rêve chez moi, et le rituel qui l’entoure, en toute fin de quoi est fait le retour au réel, quelques mots qu’il était impossible d’écrire dans une volonté de première intention - une des vertus du carnet ? la fabrique du texte ?
carnet 37/4
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— les choses
gravées
Et d’être enfermé à la longue, ça rend méchant. Marguerite Duras Les petits chevaux de Tarquinia 1953
Méchante, Ludi l’a dit à Sara, elle est méchante. En 1980, dans l’hiver gallois je lis Les petits Chevaux de Tarquinia, je bascule dans le récit où amour et méchanceté sont liés. Ce trait de caractère – être ou ne pas être méchante – me hante, je suis souvent celle-là, on me le dit, je n’y comprends rien, et Marguerite Duras en fait un cœur palpitant de la vie, alors qu’un enfant silencieux pourrait être le sujet d’un livre – un garçon – comme elle le dit au début du texte, au premier lever de l’enfant. Je lis le livre plusieurs fois d’affilée, j’annote les pages et prends des notes sur une feuille qui est toujours dans le livre aujourd’hui, je me perds dans le texte et me retrouve dans les questions, la mort et l’amour se côtoient dans une danse macabre. Je ne sais rien de Marguerite Duras à ce moment-là, de sa biographie, j’ai lu – grâce à l’amoureux de l’été, Le Ravissement de Lol V. Stein. Mais ce serait une autre histoire, de route, de voyage et de chemin à pied, de nuits dans les Alpilles et d’abricots glanés, et enfin de soleil au matin du Ventoux. Rien de méchant ni de fou, une histoire simple et naturelle. Je ai emmené l’histoire avec moi dans les froidures atlantiques, et j’ai relu le livre plusieurs fois, puis il y a eu le Marin de Gibraltar juste après ou juste avant Les Petits Chevaux, mais il m’a moins accroché, trop mature sans doute. Les Petits Chevaux me hantent, j’en rêve, le mot me dévaste, comme il dévaste Sara. À Swansea, il fait sombre et froid, j’écoute en boucle Gato Barbieri sur un mauvais électrophone prêté par Mrs Davies, son saxophone pleure et convoque le soleil tout à la fois, il fait nuit à quinze heures trente, je ne comprends plus rien au langage, c’est à dire plus rien à rien, la langue étrangère m’offre un terrain de jeu flou, j’y divague, la musique et le livre me ligotent dans l’illusion, je me demande quel goût a le Campari, et si Tarquinia pourrait être une destination. L’histoire entre Sara et Ludi qui l’a nommée méchante est sans guérison. Le livre reste longtemps le seul.
carnet 36/4
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— les choses q
u’on arrache
Ce manque, la douleur quasiment, écrire est coincé. Coincé de temps, coincé d’obligations, coincé de rendez-vous, aujourd’hui par exemple, aller lire pour E, merveilleux : lire à voix haute. Enregistrement voix, ce sera dans ses podcasts, c’est chouette, E lance sa chaîne, les textes je les aime, je les ai suggérés, mais il y a le Champagne à prendre au passage, et le chantier presque fini, des photos à prendre, des détails à régler, et le déplacement pour le bout d’un village. Se perdre. Rue non répertoriée. Il pleut. Se laisser accueillir, se préparer, boire de bonnes boissons chaudes, et le temps file, mal calculé ce rendez-vous, et la pluie battante et le brouillard. Concentration. La voix claire donnée. La bouche dans chaque mot. Voix captée. Filer, boule dans la gorge, le retard dans le ventre. Le retard est une fiction, à digérer. C’est mal de tête, tournis. C’est chaos. Et les questions. Annuler 17h. Videz le retard comme une baignoire trop pleine, mais manquer un truc. Écrire comme une folle, téléphone, une seule main comme une bonne gauchère, comme une mauvaise typographe, texte s’allonge, écrire veut bien, la liste des empêchements, ceux d’aujourd’hui, façon carnet en freestyle, dans une minute : arrêter. Poser au passage le cadeau de l’enfant qui sera absente cette année. Relire. Envoyer. Le rendez-vous de 17h pas encore annulé, écrire se démène, agite ses petits bras. Je le lâche, comme toujours, comme abandon, tout le reste presse trop et la chose d’écrire a eu un peu de sa pitance, ça fait moins mal, ça ira. J’arrête.J’arrête.
carnet 35/4
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— les choses q
u’on se raconte à demi
…et un vieux van, une fille, deux branquignoles et un bébé, des meurtres, tout un imbroglio, et le bébé qu’on veut vendre, un film qui vient de sortir, une enquête de police, le prétexte, le titre en deux mots, c’est le nom du bébé, un nom coréen, le film est coréen, /les bonnes étoiles/ — trois mots — et bien pas ce film-là, le film d’avant où il pleut beaucoup, et il y a aussi un bébé, un peu plus grand, ce n’est pas le film qui se passe à Paris, il pleut et il y a une grand-mère.
carnet 34/4
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— les choses qu’on pense inspirées
À cause de cette nuit de neige, je remâche les faits, ceux d’une certitude. Curieusement, je n’ai plus peur, mais si certains témoins me reconnaissaient, ils diraient Elle abuse. Elle est inadaptée. Aujourd’hui, un peu de neige, et ça va mieux, je respire, l’air me comble, ma cage thoracique est mobile. Dans la ville blanche l’odeur fade est un peu ferreuse, j’emprunte à nouveau le chemin vers le fleuve, j’y accède sans croiser vos présences, je peux l’emprunter et m’y perdre.
carnet 33/4
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— les choses expédiées
Les écritures comme des bouchées doubles, avale avale avale, les écritures directement du bout de doigts, de l’œil au cerveau, lire écrire à la vitesse d’un petit bolide, comme cogner, percussion avec percuteur, agir la matière, ne pas savoir le faire, le faire. Avant : paralysie, vide noir.
carnet des suites x/4
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— les choses de carnet des carnets
Carnet des brèves choses observées et durant une seconde – 3600 bribes /// noter un à trois instants par jour, il faudrait 5 ans pour en finir avec ce recueil Carnet des paysages, sans fin – toujours le même ? Pas grave, penser à Cézanne, et à ce poète dont j’oublie le nom décrivant sa colline – jaune parfois Carnet des petits dangers, des petites transgressions Carnet des nuances et des emportements Carnet de la trivialité minuscule Carnet du regard féministe sur toute chose – régulièrement, pendant une journée entière, tout vivre avec un regard déconstruit Carnet sur lequel ne pas s’attarder. Passez — Je sais Espagne, le carnet à reprendre Le carnet qui s’arrache les yeux Carnet de Voler, approche du ressenti animal Carnet des extraits et copies en 480 signes — S’y tenir Carnet des tentations d’attraper au filet le flou Carnets de carnets, suite vidéo du Carnet individuel
carnet 32/4
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— les choses sans réponses
aurais-je fini par la consoler, grimpée sur les questions que je n’ai pas posées, aurai-je finis par accepter les réponses et la laisser en paix, comme ce jour le long de la descente vers l’autobus, quand elle avait dit Moi aussi à ton âge, sans un mot pour tout ce qui m’avait été épargné, quand il manque un peu de lumière ou de chaleur, elle remue le charbon et le bruit des galets remplit la cuisine, de loin elle dit au revoir, efface son visage immobile, une main s’agite, l’autre le long du tablier.
carnet 31/4
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— les choses
des colères et lendemain
et ce gâchis, tu dis quoi de ce gâchis, de ce marasme, de cette gabegie, tu dis quoi, tu restes là, bouche ouverte, ça suffit, ça suffit je te dis, ça suffit, quand petite les rivières pas propres, tu te souviens : la terreur, et les oiseaux déjà si peu visibles, tu te souviens : la déception, et la guerre, tu te souviens, la guerre et les vœux : pas la guerre, pas la guerre jamais, il est quasiment trop tard alors agis à ton échelle, à ta petite échelle, non de non, fais quelque chose.
carnet 30/4
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— les choses simultanées
le 9 décembre, une affaire de ce jour-même tôt ce matin, relatée ce midi, en deux endroits simultanément, à la même heure, deux endroits au moins, alors que chez eux, vaquant à l’étage ou au garage, peut-être au linge, des cambrioleurs là, devant, à surprendre chez eux le matin, la surprise du cambrioleur, là devant à tenter de prendre, tentative pendant que les habitants dedans, au linge ou au garage, cambriolages diurnes signalés mais pas liés, le même matin en deux lieux tentés.
carnet hors-Champ/4
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— les choses
de petite
(9ans ou presque)
C’est rouge et violet ça ne ressemble à rien mais pourtant c’est un loup est un âne ils se ressemblent bien ils sont jolis avec leurs écritures noires qui dégoulinent sur leurs lèvres qui sentent le parfum et qui entendent la voix douce du chagrin et la vie se lève sur la terre et les esprits danse on entend les lapins et les voix des lièvres les rênes les sangliers on les entend
carnet 29/4
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— les choses
qui grondent
Sorte de regret, un truc qui gratte, un caillou dans le soulier, comme le chantait ma grand-mère « mais comment, diable, est-il rentré ? ». La chanson a disparu, introuvable. Tout aurait pu être autre, et bien qu’il ne soit pas trop tard, y aller pour ne plus questionner, mais toujours garder ce pincement à l’idée qu’on aurait sans doute… Parfois résonnent les mots de O. Vous aurez à choisir, tout n’arrivera pas comme ça, écoutez-moi, et comprenez-le : tout dépendra de vos choix.
carnet 28/4
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— les choses
de loin
une impression la même qui revient d’un trop plein ou de manque de quoi de qui faite de mots ou de gestes il est trop tard déjà s’approche un obstacle à franchir des hauteurs lointaines et du temps à boire mêlé de vin pendant des nuits plus longues que des saisons à se perdre sur le trajet quand résonnent les paroles oubliées les reconnaître mais s’étonner qu’elles soient nouvelles ou qu’elles ne soient plus les armes qu’elles savaient être s’arrêter pour un peu de repos à à mi-pente jouissance de la perfection du lieu avec point de vue sur la vallée, au juste équilibre entre le fond trop humain et le sommet par trop détaché
au cœur des commentaires et des échanges qu’ils suscitent, une petite amitié de Carnets, d’idées de Carnets, de possibles de Carnets, j’en établie la liste ce soir - le 28 novembre, à mi-parcours, et je continuerai jusqu’au 20 décembre, dernière de Carnets Carnets, l’expérience.
carnet des suites 4/4
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— les choses premières des matins
Un œil comme un visage
Corps liquide corps solide
A toi de jouer, Einstein
Choc
Après tout
La lumière est vivante
Le visiteur d’hier est revenu
Si peu de nuit, si peu de nuit
Quelque chose d’indemne
Une entrée en rêve
Un bruit de quelque chose, la pluie
La première la première
Après les articulations
Les formes flottantes d’ Annapurna
Une cuisson de légumes
Voler — si j’ai volé j’ai oublié
Une chose ou l’autre, mais trop tard
Déchirer du papier
Ne rien abandonner
Et la neige n’est pas tombée
Vivre une journée flou, comme myope
Une chose recommence
Et la neige n’est pas tombée
Trop de nuit, le matin colle
Et trop de nuit encore
Cogner dans la tête dedans
Si le matin se recouchait
Ce n’est ni l’heure ni l’endroit
carnet 27/4
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— les choses de double vue
vers le métro sous la rivière, la pente aiguë – il est bien entendu que aiguë n’est pas un adjectif, c’est un choc. Le corps hésite à faire un pas, la marche vibre, pas la place de deux, côte à côte. Corps vers le vide vacille avec ce mouvement de vague qui va des pieds vers les hanches, la tête à ajuster en contrepoids, une attirance pour la chute à retenir en posant les yeux plus près, là où l’échelle de la réalité reste la même. En bas, l’horizontal à retrouver.
16 chaussures blanches sur le sol – 16 pieds qui trouent le sol – il est bien entendu que blanches n’est pas un adjectif, c’est un choc. Comme les corps s’appuient quand tout bouge.
Manger dans le froid, du chaud dans le froid, double réel à ressentir, le plat refroidit plus vite qu’il n’est mangé, les calories chauffe l’estomac mais le bout des doigts ne suit pas. Pour le thé – boire brûlant – le temps de l’infusion a passablement modifié cette perspective.
Quelques heures de Bureau, comme dire Argent, ou Commodité de fin de mois, les formulaires par catégories, par nature, par besoin, le sourire prêt à servir, l’écran prêt à renseigner, l’esprit ailleurs.
carnet 26/4
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— les choses de la vigilance
Observer, pour voir ce qui est – forme, poids, densité , mouvement — un arbre double brûlé : pas de deux à la foudre. Soudain, un rayon et la brume à l’évaporation. Surtout la lumière. Avant de s’affadir en jour de tous les jours. Le papier, la sensation qu’il s’offre à la caresse, qu’il la suscite et la réclame, Carnets des montagnes lointaines de Orhan Pamuk – les couleurs de ses dessins et de ses stylos d’écriture, et ses mots comme la voix, je l’entends, je l’imagine avec nous-autres dans la pièce qui fut le logement des animaux, avec aujourd’hui sur la poutre, comme dans une niche, la collection de bols que des mains ont façonnés avec de la boue. Plus tard, le café brûlant, dans une de ces tasses émaillée comme d’un peu de neige, brûlant dans le creux des doigts. La pile de feuilles, mot à mot s’en pénétrer, entendre le texte, être accordée. Feuilles relues avec soin, les mots sautent d’une à l’autre et le doute brouille les sens. Je décris la scène, elle aura lieu, peut-être moins précise. La comédie musicale Cabaret, impossible oubli de Liza Minelli, son corps liane, et le chant déchire. A Paris, une version avec Sam, artiste gendre fluid. Sam ? Sam Buttery. Feuilles du déploiement, goût qui persiste, cérémonie du manque. Image presque immobile de la jeune fille au coin du mur, elle entre dans le jardin monde, accroupie elle imite puis elle ressent, ses doigts sur la louche de bambou, et l’eau précieuse. Un autre film revient, un documentaire cette fois, Fumiko marche en fôret rejoindre le sage qui fait le thé à l’eau de source des volcans, elle en recueille pour cuire le riz. Son goût, un cadeau à imaginer. La tentation d’attraper au filet le flou, sa façon aussitôt de netteté, en moi le fort désir de le faire toute la journée, sans presque respirer, penser à caméra obscura – mais ce serait la nuit – image d’une chambre à l’heure de la quitter, des heures immobiles. Revient la sensation de la photo de la jeune fille, à l’entrée de Fagor, elle pose un coude sur la table, son regard dans la diagonale, nous la regardons en nous décalant un peu, l’image est unique, une sténopé justement, des couleurs comme un glacis, une peinture de Flandres, le percevoir, en éprouver l’émotion. J’ai croisé le photographe – un autre – pas réussi à lui parler, ce matin me dit qu’il ne sait pas que je suis brouillée avec MC, à jamais. Lui aussi en à souffert, de cette folle, comme avait dit SP, il me faudra lui écrire. La revoir n’a pas été douloureux au sens émotionnel, sauf le cerveau reptilien à l’affût, tachycardie, acouphènes, fort désir de fuir, hyper-vigilance disent les spécialistes des traumas. J’aime écrire flou, et net. Je garde l’expression pour quand il faudra parler du comment on écrit — pour les autres, et de penser le comment on écrit — pour soi. Ayant commencé à 7h, je m’arrête à 11h, j’attend 13h, je relis, 13h40, texte deux fois coupé et monté, version courte qui bat, sentiment de voir une chose important à l’œuvre, dans l’instant. Le phrase de ce matin était : vivre une journée flou comme myope, flou est un adjectif, je le délie de l’accord et lui accorde une journée de nom. (3133 caractères et espaces)
Feuilles relues avec soin, les mots sautent d’une à l’autre et le doute brouille les sens. Je décris la scène, elle aura lieu, peut-être moins précise. La tentation d’attraper au filet le flou, sa façon aussitôt de netteté, en moi le fort désir de le faire toute la journée, sans presque respirer, penser à la caméra obscura – mais ce serait la nuit – image d’une chambre à l’heure de la quitter, des heures immobiles. Revient la sensation de la photo de la jeune fille, à l’entrée de Fagor. Observer, pour voir ce qui est – forme, poids, densité , mouvement — un arbre double brûlé : pas de deux à la foudre. Soudain, un rayon et la brume à l’évaporation. Surtout la lumière. Avant de s’affadir en jour de tous les jours.(723 caractères et espaces)
Un rayon et la brume à l’évaporation. Surtout la lumière. Plus tard, le café brûlant, dans un de ces bols émaillés comme d’un peu de neige, à réchauffer le creux des doigts. Le doute brouille les sens, la scène aura lieu, peut-être moins précise. Caméra obscura — mais ce serait la nuit – image d’une chambre à l’heure de la quitter. Il y a eu la sensation à voir la photo de la jeune fille à l’entrée de Fagor, un sténopé, un effet de glacis comme une peinture de Flandres. CS. (479 caractères et espaces, or cette inscription)
carnet 25/4
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— les choses
des corps au loin
Clamer corps – comme un mur qui longe la combe – longer comme suivre la ligne de pente irrégulière creusée et remontante – clamer corps jets de pierre – dans le sang les graviers – le sombre à la lisière – la vie sous les frissons – se planter là – clamer – s’écorcher de corbeaux – glapir – fond de combe à la glace – comme dessous l’obstacle – gravir pour éprouver – cailloux comme des os – pas de deux à la foudre – torsade dans les fibres – falaise à ras de terre –
carnet 24/4
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— les choses
des montagnes au loin
Il y a eu l’heure de la dernière feuille tombée au sol. Le gris bleuté du jour ne s’en souvient pas, n’a pas fait attention, n’a pas pris garde. Trempées de pluie, de rosée, et du passage de la première neige, elles se font discrètes déjà, se fondent. Air qui revient à la terre, eau qui altère comme par le feu. Alisiers, chênes, tilleuls, frênes, ils rendent aux profondeurs, et s’offrent tout entier au repos, ils accrochent le ciel dans leurs branches.
© Catherine Serre
Il y a eu l’heure de la dernière feuille
Le silence profond se mêle en acouphènes, à peine un bruit de moteur dans un lointain invisible, des joies humaines traversent l’air, au loin des tâches bleues, rouges et grises s’agitent et jouent avec des chiens. La découpe des crêtes amolie de neige se fond au ciel.
Aux roches affleurantes, un tas de branches fait une chevelure presque humaine, la chevelure d’un grand troll endormi.
Au bosquet de troncs serrés, des branches rassemblées en nid épais, comme le nid merveilleux d’une femelle phénix.
Les piquets à neige, chaque 10 m bordant les routes les passages les parkings, trace d’avenir dans un jour bleu gris. Des corps penchés, grande pelle à la main, raclant et entassant. Pour chacun, une attente, un espoir, un désappointement mais aussi les froids mordants et lumineux, et l’air comme du cristal coulant profond dans les poumons.
carnet 23/4
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— les choses
comptables
Du 32 rue V. au 109 Cours E.Z.
4 perron
4 fissure
6 fissure
8 large fissure
15 arbre remarquable
3 citron grignoté
5 petite boite + curiosité = lipstick
3 ∟ 4 poubelle jaune 12 boite aux lettres 15 borne à incendie + curiosité = du livre, aucune trace
37 ∟
2 pieds sur une bande rugueuse (blanche) pour malvoyants
15 entre noir et blanc
1 en dehors de la bande rugueuse
15 sans caractère
30 sur le pas d’un homme lent et légèrement déporté à droite
15 accélération
5 ∟
15 ∟1 pieds sur la bande rugueuse métallique (grise) pour malvoyants
10 zigzag
15 ∟
1 banette
carnet 22/40 — les chose difficiles à perdre
Laisser le livre et le geste à sa réalité. Regarder derrière soi le livre déjà presque invisible. Sur la borne à incendie, déposer un des deux livres, glisser l’autre dans sa poche. Choisir aux éditions Divergences un livre en deux exemplaires. Faire le tour des rayons, lentement, avec comme critères : le budget et entre les deux : une autrice. Choisir un livre jaune ou rouge ? Repérer la borne à incendie pendant le court trajet à pied vers la librairie, et aussi une boîte à lettre.
carnet 21/40 — les choses des mains
Déchirer du papier, pendant le trajet d’autobus, façonner du papier, un passager de papier, un de plus dans le bus bondé, le bus qu’on connaît mal, donner forme à un siège, en papier avec bande collante, pour façonner c’est pratique, déchirer et coller un petit passager de papier, inutile, un petit passager de plus, assis, un siège pour le corps plié, sur la ligne de bus, aux heures de midi, le prendre en photo, inutile et indispensable, puis le laisser et sortir.
carnet 20/40 — les choses du silence entre nous
Le paiement symbolique est totalement dématérialisé, l’échange d’argent contre des mots, la grande ménagerie des mots en échange de la somme annoncée, contre la somme matérielle d’argent qui se confond maintenant avec une suite de validations ayant lieu avant que la porte ne s’ouvre, que l’homme ne s’efface pour me laisser entrer, juste avant de parler, les mots payés d’avance. J’avais une fois compté combien de mots et quel prix, mais c’était tellement trivial que j’avais arrêté, honteuse de cette affreuse idée, celle que mon silence me coûtait plus cher qu’une phrase, que deux phrases, que trois phrases, que… j’avais la preuve que ne rien dire coûte cher. Nos yeux se croisent, ou plutôt je lève les yeux et croise l’autre regard, je respire, une partie de l’échange a eu lieu, la somme est déjà donnée, quant aux mots, à moi de décider, si et quand.
Deux à tenir la caisse dans l’espace minuscule et la cliente qui veut encore un produit de la réserve, elle a un vague sourire d’excuse, mais déjà je repars, la boite de cinq est bien quelque part, le stock le dit, mais je ne trouve rien, je fouille des étagères mal rangées, pas très pharmacie tout ça, mais c’est bien caché derrière, la boite enfin est là, j’en rapporte trois, une pour ma cliente, et deux d’avance, ma collègue me regarde étonnée, elle est molle et préfère renvoyer les gens sans rien plutôt que chercher un peu, les six articles de la cliente sont bien tapés, j’encaisse avec sa carte, elle prend elle-même ses achats et les faits disparaître dans un sac, le ticket me reste dans les mains.
Choisir un pantalon à son âge, pas très facile, je la surveille un peu, elles sont lentes ces toutes vieilles et restent un long moment dans la cabine, il leur faut un peu d’aide pour remettre une chaussure ou la manche d’un manteau, les épingles sont posées sur le bas de jambe, la somme payée est rondelette, elle a pris un pull et un haut soldés en plus du pantalon garanti bien chaud avec un tel taux de laine, à venir chercher vendredi, prêt à porter. La carte efface la réalité du montant.
Un échange de piécettes est toujours un grand moment, fouiller le porte-monnaie, compter toutes les dorées et puis les jaunes, faire l’appoint, cette perfection, cet émerveillement, le morcellement de la somme en la multitude fragmentée et la botte de persil est dans ma main, avec trois oranges et quelques bananes, un trésor contre un autre, dans sa main à elle les pièces filent, le tri se fait et le compte, tout y est, elle sourit et moi aussi, comme après une bonne action.
carnet 19/40 — les choses des échanges variables
Une tasse de thé dans la pénombre, offerte et posée sur la tablette, un peu de chaud pour le matin, un peu de liquide pour la bouche le matin, une attention chaude.
Un pantalon neuf, pour le chaud du corps et le chaud de la vie, un pantalon principalement chaud, la coupe du moment en lainage, une coupe large qui modifie les sensations, un pantalon des yeux au corps, et les épingles pour la longueur, la retouche, les jambes à la taille des vraies jambes et un pull et un haut à manches longues, et ça me suffit, et le pull c’est moitié prix mais le pantalon c’est plein pot ?
Un pantalon neuf et vraiment chaud, oui surtout bien chaud, coupe large, il faut s’y habituer, je lis dans vos pensées, tenez, passez le, avec quarante-deux pour cent de laine c’est chaud, vous verrez, et doublé c’est doux, doux et chaud, c’est ça qu’on aime, et un pull, un pull avec la réduction c’est moitié prix, voilà, et à vendredi, tenez, et le ticket, regardez, on est bien organisé ici, agrafé avec le coupon de retrait du pantalon, vendredi on vous attend, si on est encore là ? ah oui, à vendredi alors.
Un pantalon neuf et vraiment chaud, oui surtout bien chaud, avec quarante-deux pour cent de laine c’est chaud, tenez, et le ticket, agrafé avec le coupon de retrait du pantalon, vendredi on vous attend, si on est encore là ? oui, encore là, vendredi, si on y est encore.
Une boite, tu en as trouvée, j’en ai pas trouvée, j’ai plongé dans les bas-fonds, une boite de cinq, et un, deux, trois, quatre, cinq, six articles, vous avez tout rangé, j’allais…un sac, voilà, au revoir, votre ticket.
Je t’ai fait une assiette, tu n’as pas fini, mais il faut s’organiser dans l’agenda, pas faire que l’aspirateur et j’oublie le reste, tiens et le café, t’as pas fini, l’agenda, et régler le matériel.
carnet 18/40 — les choses de double
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http://a-lucien.fr/philippine/
rien n’est hasard, pour trouver l’image de ce jour – enlevée depuis – je découvre un immense travail d’archive et d’amour de l’arrière petite nièce de Germaine Bertin dont elle prend le pseudo sur Twitter – je lui fais part de ce partage
Maintenant je vais vous dire le secret de Philippine : c’est une amande avec un a. C’est une amande à deux amandes. L’une des deux amandes est frappée d’une amende. Il s’ensuit par identification que l’autre aussi est frappée. C’est un jeu d’amandes. Un double jeu. Qu’est ce qu’il y a dans Amande ? Il y a un double charme d’âme qui mande deux personnes à ne pas s’oublier, à s’appeler du même nom, à se précéder, à se faire écho, à se dissocier, à se réfléchir
Livre édition Galilée, collection Lignes fictives, écrit par celle qui fascine mais reste lointaine, livre prononcé en 2008, paru en 2009, livre emporté pour être rendu, mais toujours pas lu depuis trois ans, feuilleté, envisagé, touché, exploré par morceaux au hasard. Et puis ce matin, lire se révolte.
Revenons au point de départ.
Revenons à la grille du premier jardin.
carnet 17/4
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— les choses qui
révèlent
Ne plus rien changer des villes, laisser pousser les pelouses, ne plus tondre, laisser fleurir les acacias, ne plus élaguer, laisser les tilleuls étendre leurs ramures et parfumer l’air, ne plus intervenir, laisser éclater le goudron et faire place aux herbes folles, accepter la marge, voir s’élancer les roses tremières, les lavaterres, les giroflées, repiquer des plants de tomates, des côtes de bettes et du persil, si les citrouilles prolifèrent, les laisser tranquilles, dans les villes laisser faire.
carnet 16/4
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— les choses qui cachent
Chemise lourde rayée bleue, où va-t-elle.
Un pull épais ras du cou, un chapeau à hauts bords, des jeans informes tenant une robe alezan qui avance à pas égaux.
Juste un col de chemise.
Débardeur et pantalon flanelle grise trace la route, partage l’air.
Jean noir et haut noir, pas assez chaud pour la saison.
Gilet de laine, large, enveloppant, double peau de l’hiver.
Si les couleurs comptent, le rouge du manteau est un trait de lumière dans la rue vide.
La polaire marron tire sur le roux, une couleur que seuls les textiles entièrement chimiques inventent, une surprise pour l’œil.
Des chaussures de dehors portées dedans, pour le froid, par paresse, par négligence.
Une façon d’empiler des épaisseurs, du violet et du tendre, du coton et des laines, de la douceur avant tout.
La ceinture surligne le pantalon, une élégance simple.
Une parka sombre à col fourrure, fidèle à la traversée tout l’hiver.
Les motifs du manteau, prétexte à paraître originale.
La vitesse de la marche appuyée sur des chaussures confortables et bien taillées, des chaussures de marque, une façon diabolique.
Dans l’indescriptible unité grise de la rue, un peu du jaune d’une écharpe semble danser.
carnet 15/4
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— les choses de rumeurs
Comme ça on n’a pas à galérer tu vois comme ça, ça engage à rien de demander, tu vois tu vois comme ça, alors une table, vous avez réservé, on va lui acheter un meuble cd, un truc de cd, c’est pareil je lui dit, parce que je lui dit c’est comme ces jeunes qui chantent, il est retourné à Paris, du Michel Delpech du Jo Dassin, on a rentré de la vaisselle, c’est comme ça, la facture, normalement on doit en avoir, trente, quarante, tiens c’est pas Djamila ?
carnet 14/4
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— les choses de temps compté
Une seconde,
Vol de pigeon qui s’ouvre en demi-cercle, noires impressions mouvantes, un peu lourdes sur fond de ciel, la colonne baroque supportant l’horloge leur oppose sa masse.
et une autre seconde,
Yeux maquillés de noir et de gris, en large forme surlignée, deux amandes et des faux-cils façon cabaret. Un corps simple sous la sophistication, jogging, blouson, elle avance vite /J’ai envie de m’arracher les yeux/ elle s’éloigne sur l’escalator.
carnet 13/4
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— les choses rouges
Si un bras indéfinissable à la main aux doigts longs, tenant comme on tenait pour appeler le serveur, un billet vert entre l’index et le majeur plié en quatre, destiné à celui qui mendie, son corps hâtivement déplacé pour ne pas manquer l’occasion, le visage incrédule, le véhicule d’où il surgit retient l’attention. Si le large arrière rouge et surbaissé de la voiture est celui d’une Ferrari immatriculée dans les Pyrénées-Atlantiques, l’image se grave, mais déjà la réalité est défaite.
carnet 12/4
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— les choses de grisailles
Les matins si possible, en ayant un peu faim ou un peu froid, pas forcément bien réveillée, pour cet état nuageux, cet esprit encore peu actif, avec de la lumière naturelle si possible, dépasser l’excitation d’écrire, le texte pousse, chercher des mots, des étymologies, des contraires, des définitions, les faits qui entourent le mot, le mot qui émerge, atteindre un rivage plus calme, alors une heure ou deux suffiront à la matière de langue du jour, à ce peu dont il faut se contenter.
carnet 11/4
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— les choses de prédictions
Apprendre à lire = quitter la famille//la famille = le chaos+des frères et soeurs+la langue étrangère//apprendre la lecture = l’accident+le mensonge//apprendre le livre = grand-père+l’école dans l’atelier+le décalage avec les autres+l’odeur de cire//la lecture = un amas de contradiction+ma grand-mère qui me fait miroiter de lire BOUCHERIE//le geste = faire des patés+faire des fautes//conclusion elle lit bien elle écrit mal.
Ils avaient cru qu’un peu d’école espagnole suffirait. Le grand-père est venu me prendre et m’a ramenée en France. Il m’a appris dans son atelier, un petit bureau installé au milieu des outils et dans l’odeur de cire d’abeille. J’ai fait semblant, la maîtresse l’a vu, mais j’ai rattrapé mon retard et c’est rentré. Sinon j’ai déçu — j’ai bousillé mes pages avec des tâches et des fautes. Conclusion ordinaire : Elle lit bien, elle écrit mal.
4 ans Maternelle en Suisse assurée par des religieuses, un grand Jésus qui saigne nous regarde, 6 ans Primaire en Espagne, interdit de parler pendant les leçons de Français, 6 ans et demi Primaire en Aveyron, apprendre au milieu des enfants qui savent, se trouver en retard et décalée, lire BOUCHERIE, mais ça sert à rien.
Pourquoi ont-ils cru que j’apprendrai à lire comme ça, sans leçons et sans parler espagnol. Ma mère raconte que seul mon frère l’a parlé, c’est idiot, j’étais à l’école espagnole toute la journée, je n’y aurais pas parlé ? Pour lire, mon grand-père est venu me chercher, il m’a appris le soir et le jeudi, à l’école j’écoutais, des journées entières dans un cours préparatoire à Victor Hugo, pour lirai j’ai fait semblant et après j’ai réussi, mais pour l’écriture ça a foiré, j’ai mal écrit. On me l’a répété des milliers de fois. C’était répété sur les pages et les cahiers Orthographe Mal écrit. Ils répétaient Elle lit bien Elle écrit mal.
carnet 10/4
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— les choses qui basculent
Pendant que les yeux cherchent le conducteur et que le cerveau analyse qu’il est automatique, je monte dans le funiculaire en évitant de glisser, la pente est raide.
Pendant qu’il pleut des grosses gouttes sur ma tête je me demande pourquoi le ciel est bleu.
Pendant qu’un peu de savon fond sur mes doigts, me revient la joie des premiers gels douches Ushuïa et leurs emballages cube.
Pendant que ce qui compte est mon texte en cours laissé seul à la maison, j’écoute d’une oreille critique les poèmes lus dans une salle mal sonorisée et comble, je divague sur la poésie aimée mal aimée.
Pendant que j’entends les rires de l’enfant, le silence de demain envahit tout.
Pendant que les aurochs, fac-similés de préhistoire, dorment dans les prés de la ferme Cérès, j’étale sur du pain carré, un fromage industriel au lait de vaches qui ne voient pas le ciel.
Pendant que le genoux gémissent et que les cartilages se souviennent, les bras et les jambes à l’action, le corps bouge d’une façon qui s’appelle danser, faire ça seule dans la rue inciterait les forces publiques à intervenir.
Pendant que ce petit florilège se termine, une onzième journée commence.
carnet 9/4
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— les choses d'obsession
Ne pas s’attarder sur la minuscule tache de tomate au milieu de la nappe de tissu, inutile de créer l’incident pour quelques molécules de sauce, la salissure est minuscule, pas besoin d’envisager le suicide pour un reste qu’on peut gratter avec l’ongle, pas de drame façon Grèce antique pour un peu de colorant tirant sur le orange, réduire l’événement à une simple inattention de fourchette, détourner le regard de la granuleuse saleté, lutter contre la journée qui tente de s’y engloutir.
Ne pas s’attarder sur la décalcomanie façon tatouage de mon poignet, un geste enfantin, juste pour essayer, un tatouage d’eau et colle, appuyer et frotter, c’est fait, ridicule, un petit bonnet d’élan du père-noël (il faut le savoir), j’aurai du choisir un autre motif, il y en avait plein, en théorie ça s’en va au savon, mais pas vraiment, faut frotter, ça fait mal, tirer la manche du pull, espérer que personne ne laisse traîner un œil à la lisière de la manche et ma main.
Ne pas s’attarder sur la durée de cuisson des lentilles, vingt-cinq minutes est un peu trop, vingt ne sont pas suffisantes, ne pas s’attarder sur un aliment marron qui sent trop fort quand il cuit, patienter, ne pas s’attarder sur la consistance des graines chaudes, partir du principe que ça ira, que le vinaigre et la moutarde, un œuf dur et un peu de carotte arrangeront le tout et puis il y a aura la couleur, on aura évité l’assiette monochrome, toujours à éviter, principalement quand c’est du blanc, mais c’est une autre affaire.
Ne pas s’attarder sur une pile de feuilles mal imprimées, ne pas tenir compte de la contrariété des voir les textes tête-bêche, ne pas déprimer devant l’ordre absurde que la machine a inventé, que l’opératrice elle-même ne sait résoudre, se dire qu’on pourra le supporter, que la relecture à ce stade se fait page par page, que pour la continuité il faut d’abord réviser chaque unité, ne pas s’attarder sur le fait que dès qu’il s’agit d’impression, l’entropie est à son comble, une impossible adéquation entre le virtuel et le réel.
carnet 8/4
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— les choses du nom des filles
Francesca de Pressensé Rokia Salengro Émilie Zola Alexia Perroncel Charlie de Gaulle Lucette Desgrand Mimi Pinçon Charlotte Germain Simone Veil Françoise Mitterand Damienne Combet Hélène Gaudin Franckie Favre Laure Maurin Jeanne-Louise Touraine Françoise Dolto Ellie Levi Aline Amasse Monique Andréa Ghania Moussa Claudette Duret Michelle Yonnet Norah Jones Penelope Bagieu Mavis Staple Charlène Caudrelier Ada Hegerberg Catarino Macario Melvine Manard Anne de Beaujeu
carnet 7/ 4
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— les choses de regard glissé
Tête menue sous des cheveux qui lui mangent les joues, longue et fine, visage flottant léger au-dessus d’elle à trancher l’air d’un pas rapide, derrière la barrière du jardin il se penche sur les roses mourantes, un trop grand sérieux dans le regard, qui accroche et se perd, qu’a-t-il vu que je ne vois, un casque bouche ses oreilles, son nez en trompette hume l’air comme sorti d’ un dessin animé, ses yeux fureteurs percent la rue, elle file, sort de mon champ de vision.
carnet 6/4
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— les choses de la chasse aux feuilles
Personne d’autre que moi n’aurait remarqué que la figure de l’homme assis dans le local technique pendant que la femme récrimine dans une langue qu’il comprend sans répondre, porte tant de fatigue et d’ennui.
Personne d’autre que moi n’aurait remarqué que fleurit la dernière rose du massif devant Pôle Emploi, dans un carré d’herbe peu soigné, en quasi friche après un été de sécheresse et une repousse d’automne qui n’a rien consolé. La rose penche, elle essaie de s’ouvrir avec l’air maladif des fleurs à moitié éclose, qui n’auront pas le temps de faire mieux. Son jaune ourlé se confond à présent avec le vert délavé de l’herbe poussée trop haute. Presque invisible, elle demeure.
Personne d’autre que moi n’aurait remarqué que la pièce de cuivre avait roulé au pied du caniveau, déjà invisible.
Personne d’autre que moi n’aurait remarqué qu’elle tient à bout de bras un bac de fruits vide. Elle vient de jeter dans la borne à compost, un sac rempli d’épluchures. Illusion d’une vie plus naturelle. La bouche de la borne était sale, elle sera vidée et nettoyée dans la journée comme l’explique la notice. Tous les déchets sont triés à nouveau mais où, elle essaie de ne pas y penser, à ce métier de trier les épluchures et les restes alimentaires, humides et poisseux.
Personne d’autre que moi n’aurait remarqué que la barrette-fleur se mêlaient aux feuilles pourrissantes de la saison des transitions
Personne d’autre que moi n’aurait remarqué qu’une peau de banane était laissée au coin de la fenêtre. Une fenêtre basse sur la rue, avec un rebord. La dépouille est pliée en deux, le pli rond de l’épluchure n’a pas été écrasé, sculpture éphémère gonflée de vie, bien jaune : trace d’une personne soigneuse qui s’assît sur le semblant de siège ou resta debout à proximité. Elle a été déposée, on sent le geste précis, peut-être avec l’intention d’être emportée puis oubliée.
Personne d’autre que moi n’aurait remarqué qu’une peau de banane était laissée au coin de la fenêtre. Une fenêtre basse sur la rue, avec un rebord. La dépouille est pliée en deux, le pli rond de l’épluchure n’a pas été écrasé, sculpture éphémère gonflée de vie, bien jaune : trace d’une personne soigneuse qui s’assît sur le semblant de siège ou resta debout à proximité. Elle a été déposée, on sent le geste précis, peut-être avec l’intention d’être emportée puis oubliée.
crédit Catherine Serre
Carnet 5/4
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— les choses d'éviter le mot de la chose
Contraste des façades aux strictes géométries plantées contre les langueurs, les étirements, évolution lumineuse changeante de seconde en seconde — détourner les yeux
Consolation des droites, des surfaces ocres et des gris, contraste avec les aplats verts touchés d’impression rouillées, entaillée par des verticales ombreuses, oubliée par les corps prisonniers
Dans la plaine, les fragments bleus dispersés, du bleu roi au bleu céruléen, au lointain du nord un presque vert dans le flou des atmosphères des villes, tout le ciel habillé de mousseline sophistiquées, avec par endroit de voiles dans le courant des hauteurs, à l’horizon de l’est un vitrail aux grisailles légères.
Des épaisseurs moelleuses et des gris, des volutes savantes et des gris reflétant rosée, des écharpes flegmatiques et des gris bleutés, des masses fabuleuses et des touches flocons blancs, des recouvrements estompés et des longues traces nacrées, des gris de peyne et gris perle, gris argent et gris tourterelle, gris souris et gris acier, dans l’arrière saison douce, ni gris anthracite ni gris taupe.
N’ont cessé d’épaissir au fil de heures en deux couches, l’une haut dans le ciel, uniforme et indistincte, lointaine et encore lumineuse de faire écran aux rayons solaires, l’autre irrégulière, filant au vent dans un sens, tourmenté étiré dans un autre, amas ou écheveau, plus sombre, annonçant le soir, strié de vol d’étourneaux, murmurassions des crépuscules
carnet 3/4
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— les choses du tranchant
Une sensation légère, venue de derrière moi, silencieuse, à me doubler, l’espace corps frôlé dans l’avenue vide bordée d’arbres, les trottoirs cabossés de racines, les contre-allées encombrées de véhicules comme morts, il me dépasse, trois enjambées, sa présence grise à peine
Il y a à marcher la nuit dans les villes la sensation des transgressions, des petites dangers
carnet 2/4
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— les choses qui font les jours
Les journées chantier, plâtre, odeurs fades
Les journées le vent tourne, chaleurs douces à nouveau
Les journées changer un pantalon trop grand, être obligée d’en changer la couleur
Les journées téléphoner à M, parle de L, de ce qui est arrivé à L, de l’importance de parler de ce qui est arrivé à L
Les journées manger avec J, parler avec S, parler avec C, écouter F, et entendre le rire de C, le léger chuintement de sa voix, faire mieux connaissance O, rire et pleurer avec M
Les journées tard dans les villes, aux heures d’après minuit, les rues d’alcool, de corps, de gestes. Les journées tard dans les villes, la nuit basculée, les verres toujours pleins, et les corps qui s’énervent de faim. Les journées tard dans les villes, les lumières évanouies, les respirations retenues, l’écarquillement des pupilles, et le sonore de la nuit plus coupant et plus feutré. Les journées tard dans les villes, le noir à apprivoiser.
carnet 1/40
— les choses qu'il faudrait noter sans omettre
Huit heures. Moins tôt qu’ordinairement mais déphasage dans la routine, les enfants ont déjà petit-déjeuné
Le thème de la séance : les animaux préhistorique, la proposition : un mammouth, au fusain et à la craie — façon Lascaux ?
Vous êtes vraiment d’accord pour le ketchup ? Elle fait réfléchir leur question
Deux contes dont un inversé qui devient Blanc Flocon – c’est le père qui meurt et qui est remplacé, c’est un changement fondamental, presque plus fort que l’inversion du genre de l’enfant. Les sept naines ne sont pas mal non plus
Une toute petite muselière pour empêcher le chien minuscule de s’empoisonner à chaque promenade, d’avaler des trucs dégueux qui le rendent malade, il la supporte bien et trotte. Quand la petite part courir dans les flaques – elle en compte trente six, crie de loin qu’il y en a quarante deux, au moins – il pleure un peu de la voir s’éloigner, il se met en alerte quand elle revient en enjambant et sautant, une vraie chevrette
A l’heure du kimono, le petit se parle à lui même J’ai l’air d’une petite boule de neige avec ça — il repense à Blanc Flocon raconté après le déjeuner ? Peut-être
Imprévu, mais pas étonnant, après la pluie de la journée, obstinée, lourde, froide, rallier le nord à l’est de la ville prend un temps fou, un temps ralenti sous la pluie qui continue de tomber drue
L’accident sous le tunnel, tout est brutalement rouge sur l’assistant de conduite, toutes les files sont bloquées, chaque feu est interminable
Rejoindre V. a pris une heure. Il est vingt heures
Riches journées Catherine et les riches heures de ces enfants !
merci Catherine et ce n’était que le début ! où va-t-on ? une fois encore pas sûre du paysage mais du chemin certaine,
pour le 3 quand viendra = aime beaucoup la façon de rendre cette fugitivité et de lui donner importance
Merci de me mettre en perspective de moi-même (tant et si bien que j’avais cru manquer un jour 🙂 ),
finalement le trois est son fragment, si j’ai un peu de force j’essaierai de l’emplifier,
je me suis concentrée sur la 4 qui sort ce soir (dimanche 14) et une petite tentative de recueil de rêve de rêves, moi qui ne rêve pas,
« Des épaisseurs moelleuses et des gris, des volutes savantes et des gris reflétant rosée, des écharpes flegmatiques et des gris bleutés, des masses fabuleuses et des touches flocons blancs » Emportée…
oh Catherine vous en déclinez si bien les nuances que me feriez aimer rétrospectivement ce gris qui était au dessus de moi aussi
j’ai « bloqué » sur la peau de banane […] laissée au coin de la fenêtre » et sur la photo.
J’ai souri « sur la peau de banane {…} laissée au coin de la fenêtre » et sur le texte posé sur la photo.
J’ai relu pour la troisième fois, et j’ai aimé « la peau de banane […] laissée au coin de la fenêtre » et le texte posé sur la photo.
Merci Alexia, de ce triple regard , c’est un peu ce que m’a fait la scène vue ce matin, furtive, et pas photographiée, petit recul puis adoption, j’ai aimé qu’il n’y ait aucun romantisme à ce sujet peau de banane, et de l’introduire par le regard, par l’imaginaire et l’écriture – pas commun pour moi,
l’écriture sur la photo est venue de ce que j’aurai aimé l’encadrer par le texte mais je n’y suis pas arrivée, finalement l’effet produit atténu la naïveté du dessin et croise ecriture papier et écriture ordinateur, gros sujet hier soir,
Très belle série « personne d’autre que moi ». Point de rencontre sur : la peau de banane. La mienne par terre, après le marché.
Somptueuse série également autour des ciels : dans la richesse du lexique et des météores. Regard à même la matérialité. Merci Catherine.
hâte de la lire cette peau là !
pour les ciels, merci d’avoir senti / lu ce que j’ai cherché : dire le ciel sans presque le mot (deux fois dans le carnet personnel et pas du tout le mot nuage) une petite contrainte qui oblige à chercher,
Oui merci Catherine pour tous ces » personne d’autre que moi » . Très belle narration. Suis admirative.
merci du passage Marie, j’ai essayé de méler les choses et les gens, ça renforce la narration sans doute, pareil pour les touts petits trucs, pas vus ce matin je le reconnais, mais facile à glisser
« Personne d’autre que moi n’aurait remarqué que la barrette-fleur se mêlaient aux feuilles pourrissantes de la saison des transitions » personne d’autre: Toi … j’aime arpenter la ville avec toi cette peau de banane ne nous fait pas glisser elle nous pose à l’intersection des corps et des choses
merci de ton regard,
Des femmes en nombre, et même majoritaires dans les noms propres. Plaisir ! (Loin loin d’être le cas.dans mon relevé… ).
😉
Bonjour Catherine, c’est un très beau carnet ! Forte, l’idée de placer le fragment condensé du 4 en tête. Certaines images m’ont particulièrement frappée : la rose qui n’arrive pas à fleurir devant Pôle Emploi, la pièce qui roule dans le caniveau… et je suis admirative de la façon dont vous nous faites glisser d’un visage à l’autre dans la 6. Belle suite à vous
savoureuses les noms
merci Brigitte, comme je disais une façon de se laver du réel de ces rues de noms d’hommes,
Merci pour ces noms de filles. Beaucoup aimé aussi personne d’autre que moi. Grand plaisir à vous lire, bonne continuation.
Merci Irène, même si dix grands jours ont passé ! A vous aussi belle deuxième partie de Carnets,
Et bien en voilà une bonne série, non dénuée d’humour – de ne pas s’attarder – pour rester Cool et Zen avec les petites choses qui parfois nous empoisonnent le quotidien. ! Je retiens. Merci beaucoup Catherine
Ce qui est génial c’est quand la lecture, le regard extérieur allège ce qu’il y a de lourd dans un texte, via le biographique crypté – merci de ce passage,
(Ne pas s’attarder sur)
j’aime cette succession de ne pas s’attarder rebondissants l’un sur l’autre
Merci du passage Brigitte, je vais relire avec cette idée de rebondissement, pour éprouver cette sensation,
Le concret Le matière Le réel Le vivant Ta 9 en vie matérielle et petit accroc du jour me réjouit Catherine et méditer sur ( impossible adéquation entre le virtuel et le réel).
j’adore ça vraiment, la minuscule tache de tomate,la décalcomanie du type malabar (que tu cherches à cacher), et surtout beaucoup beaucoup ce trait : « dès qu’il s’agit d’impression, l’entropie est à son comble » – je suis impressionné… (merci à toi)
c’est le réel qui offre les form(ul)es
la tomate grattée à l’ongle comme une croûte qu’on vient taquiner pour réveiller un flux, et ces gouttes qui tombent du ciel bleu, on s’y retrouve dans ton carnet
tant mieux si on s’y retrouve – j’essaie moi-même de ne pas m’y perdre d’un jour sur l’autre, 🙂
Très touchée par la 11, elle lit bien, elle écrit mal…Merci Catherine.
Merci de la lecture, cette malédiction du mal écrire tjs stigmatisé et jamais allégé a été longue à se lever,
lu à rebours
n’ai pas pu m’empêcher de penser à notre chère Frida K au premier du #10…
et puis les mains colorées qui ponctuent ce « ne pas s’attarder sur » et agissent comme une décalcomanie enfantine, m’ont redonné confiance…
oh, Françoise, ça c’est la magie de ce dont on parlait samedi, ce qui se passe, se crée dans le hors champ du lecteur, l’importance – pour l’auteur – d’accepter de ne pas tout dire, de laisser cet espace, et ainsi comme ici une scène non définie en temps et heure, non attribuée (et par rapport au réel plutôt anticipée que déjà vécue) est soudain par la force de la lecture apliquée à un temps précis et à un personnage réel, (tant et si bien que je comprenais pas à quoi tu te te référais, j’y suis vite aller voir — et je constate que pensant à elle, jamais je n’aurais écris ça, avec cette liberté, ici serait caché le profond du carnet, ce en quoi il peut aider à écrire)
Je me laisse ici un commentaire à moi-même, pour pas le perdre, une citation, (dans le film des Straub et Hullier, Cezanne dit : « Quand on ne sait pas, on croit que ceux qui savent vous obstruent. Alors qu’au contraire, si on les fréquente, au lieu de vous encombrer, ils vous prennent par la main, et vous font gentiment, à côté d’eux, balbutier votre petite histoire ».)
Magnifique ta 11
Blessures de l’enfance… ta belle distance (elle lit bien elle écrit mal : leur couperet) le grand Jésus qui saigne en fond et le mot boucherie ( bouche rit pardon impossible de ne pas ) L’odeur de cire de l’atelier (pensé à Kachtanka la petite chienne perdue dans l’atelier du menuisier ( un conte de Tchekhov) Merci Catherine
Mon grand-père faisait du miel, abeille étrange et silencieuse…
elles sont belles ces notes de chevet, la dernière bien mystérieuse, l’apprentissage lecture écriture avec son lot d’humiliations pour l’enfant brinquebalée ahlalala (tu t’en es bien remise finalement!)
À force apprivoiser
Merci du regard, Catherine.
Relire tout l’ensemble de ces douze notations et l’on voit apparaître une belle étoffe de carnet qui se tisse. J’erre entre ces mots offerts avec un grand plaisir.
Merci Solange, de la lecture et de ce trait que tu décèles, comme le dit aussi Anna ci-dessous, je te fais même réponse, il est étonnant que sans intention ce fil se lise, cela donne des pistes pour ne pas trop s’accrocher à cette sacro-sainte continuité de la fiction, on peut lâcher le déroulement linéaire et sans doute quand même emmener les lecteurs quelque part (ce sont mes questions que je partage là, et celle de la continuité en est une)
Enfin venir lire ton très beau carnet. Une joie !
Che bello questo quaderno Cathérine!
Quel plaisir de se balader entre ces titres, ces photos, ces images, ces écrits. Grazie !
Avec un grand retard, Anna, vous répondre, merci de la lecture et du regard baladeur, c’est étrange que ce qui s’écrit sans idée préconçue ni direction permettre cette promenade après quelques jours, très encourageant quand à la ténacité, donne à penser la relativité de la notion de “continu”
dans l
pardon : dans la 13 la belle surprise de l’assis, le bras mérite la Ferrari (si bien raconté, et moi si mal commenté… mais merci)
chère Catherine, je suis très impressionnée par votre beau carnet (la tête irrésistible prise de face profil plongée), ce que vous écrivez sur la fille qui avance trop vite, l’escalator , l’envie de s’arracher les yeux, cette flambée tout à coup ultra réelle qui prend au bide
et puis ce que je découvre, la vie en atelier près du grand-père, les langues mélangées mal appréciées, le verdict qui colle aux yeux, mais on apprend vite (on s’adapte pour correspondre aux choses) et encore
les pérégrinations improbables qui sidèrent
tant les paysages s’opposent, s’entrechoquent, je reviendrai vers vos textes plus souvent, c’est un sacré voyage pour moi
Bonsoir Françoise,
un peu de temps à vous répondre, et dire d’abord que votre lecture fait le texte, et c’est ça la découverte, pour moi, de cette traversée des carnats, à quel point ces textes « à trous » donne de la liberté à être écrit, et en offre à être lu, ils installe une place folle d’où élargir le monde, les perceptions, les impressions, merci de ce retour très beau,
poésie de vos secondes
merci Brigitte, elles sont si brèves…. pourrait-on écrire l’histoire d’une heure ? 3600 brèves visions ? ce serait un beau livre ou une purge ? combien de temps faudrait-il pour en attraper autant, dans le filet à large maille ? un peu comme aller et venir dans quelques rues d’une ville en somme… à poésie, poésie et demi,
Ce bras sorti de la Ferrari se grave en effet. Merci Catherine
un instant cadeau des villes, où je suis si peu, je réagis à tout ce qui s’y passe, (si en lien avec l’attention flottante demandée par les carnets)
oui voir s’élancer les roses trémières … d’un seul souffle c’est beau …
« lire se révolte » ah oui ! Cet infinitif-là finit toujours par gagner (avoir gain de cause)
Vous dire Christophe, que cette inspiration vient d’un livre qui m’a accompagné, et m’accompagne La philosophie du Geste de Michel Guerin, il chemine vers le geste Danser, après avoir en avoir exploré trois autres : Faire, Donner, Ecrire, il y inscrit cette expression inoubliable, Ecrire se révolte — pendant de celle d’aujourd’hui, double aller retour œil main œil,
Vous répondre, Catherine, que mon allusion à l’infinitif est confortée par la lecture de cette conférence, Les animaux sont des maître silencieux, de Jean-Christophe Bailly, dans laquelle il évoque, notamment, l’infinitif voler, suggérant que la forme infinitive puisse nous être un mode d’approche du ressenti (de l’être-au-monde) animal
Ces amandes jumelles réveillent en moi un souvenir d’enfance enfoui auquel « Revenons à la grille du premier jardin. » fait puissamment écho. Merci Catherine.
Tant Mieux, je suis contente que cet effet se partage, je reviens aussi sur votre commentaire précédent et vous en remercie,
Ce livre a bien fait de se révolter !
Merci Sylvie, je vois la lecture telle que l’a décrite Michel Guerin lorsqu’il parle d’Ecriture, un geste en retour qui dévoile ce que la main a déposée, c’est ce retour qu’il désigne par révolte, comme on dirait volte à propos d’une danse ou d’une figure équestre, (Guerin conclut d’ailleurs par le geste DANSER, sa philosophie du Geste). J’adore cette idée, mes yeux ce matin n’ont rien fait de plus mais le geste d’Hélène Cixious s’est renversé pour arriver à moi,
A propos de la #17
Vive la prolifération des citrouilles, les potirons et autres cucurbitacées de tout poils ! La couleur orangée enchante la grisaille de la plupart des villes.
Bien pratique pour faire des soupes en groupes et à se partager, et entière mise à cuire si pittoresques, et puis cette joie du orange
#17 Tels des temples incas, les villes seraient alors enfouies sous la végétation et les chats redeviendraient sauvages, ils s’en sortent toujours ceux là !
cela dit, attention aux acacias, certains repoussent partout et ont des épines redoutables…
J’ai failli y installer des chats, et puis… 😉 ils sont là de toute façon, et oui les acacias… très double jeu, mais pour leurs fleurs et leurs fruits on leur pardonne par ici,
(me fait souvenir de cet « Adieu Philippine » (Jacques Rozier,62) magnifique…) (merci pour ça – aussi)
Merci de cette référence ou plutôt rebond, je ne connais pas ce film, mais il est disponible en VOD, le voir – chic, par ici : https://www.universcine.com/films/adieu-philippine?gclid=Cj0KCQiAsoycBhC6ARIsAPPbeLt83_IFxTINSwRb7Yp1xQizVz8R1sJ5-d4vuBevj5G9ib8_IajUPYwaAuwGEALw_wcB
mon ignorance grande ne me permet pas de savoir quel est ce livre, mais aime ce qui est cité
Il s’agit d’un livre de Hélène Cixious, Philippine — le sous-titre en est prédelles, nom des petits tableaux sous les rétablies, (je n’ai pas encore lu (ou compris) ce qui a trait cette référence)
je veux ce pantalon
Oh… oui, il est douillet,
Je me plonge ce soir dans votre carnet. Textes et écriture qui me touchent infiniment ! J’aime particulièrement le regard féministe « Carnet du regard féministe sur toute chose…. », la liste avec les noms féminisés, toutes les petites touches tout le long des récits. Et aussi le regard sur la ville : Les journées tard dans les villes…
J’adore aussi l’esthétisme du carnet, la mise en page, les annotations, les photos et les titres.
Je reviendrai plus souvent !
Merci Isabelle,
pour suivre cette piste féministe, pourquoi pas demain inventer une intervention que seule une femme peut faire, ou à elles destinées, ou les deux — ce qui se crée via les carnets est si stimulant…
ainsi les carnets « fictifs » du début me sont venus de la chance des commentaires que m’offrent les unes et les autres, et des pistes qu’ils offrent. Belle suite pour les 20 jours à venir,
rien qu’une chose (on pourrait en relever mille mais c’est le je(u)) : celle-ci donc
la preuve que ne rien dire coûte cher.
par carte (postale) ou pas
et donc dire
merci à toi (solidairement)
Ah…cette phrase, le silence est d’or…
je partage gout de cette magie: le morcellement de la somme en la multitude fragmentée et j’aime ce passager clandestin en papier
Je vais en poster une petite vidéo, il était bien fragile, dans son bus ce matin, et étrange,
Je n’avais pas encore pris le temps de te lire. Le regard déconstruit me parle. Si on pouvait se fondre inverse.
Beau ce carnet complet et varié en esthéthique.
merci Jen, et ce soir ça continue – la déconstruction –
Je découvre l’ensemble de votre carnet aujourd’hui, Catherine. Quelle belle mise en page qui ajoute à beauté des mots. Les videos également, et la voix…
Coup de coeur pour ce bonhomme de papier qui fait son trajet en bus!
Merci de passage Elisabeth, votre plaisir est le mien,
Le petit bonhomme de papier m’a surprise aussi, car quand je fais ces petits déchirages j’ai vaguement l’idée au départ puis le papier impose ses contraintes,
chère CS, je te suis toujours autant que possible dans ta forêt de propositions, de carnets, de fissures
amitié et à continuer le compagnonnage délicieux à travers ce grand carnet
Merci Françoise ! Ma forêt est en grande ville encore pour un bon mois, je profite de sa familière étrangeté,
Tes choses, Catherine, se lisent avec autant de plaisir que celles de Sei Shonagon. Belle maîtrise assurément du carnet. On aimerait en tourner aussi les pages…
Merci Cécile, et pourtant ce n’est pas ma pratique, mais me donne envie (j’ai eu des carnets et puis plus, s’y remettre)
j’aime te lire ! merci pour ce foisonnement !
Bonjour Cat
Je reconnais du Jura dans tes flous et dans tes nets…
Sinon, quel carnet brillant que le tien !
Merci !
merci Fil, du passage, oui le Jura, de belles retrouvailles,
bonjour Catherine (je fais comme toi) (comme Fil) (mais je ne le fais jamais) c’est pour dire « attraper le flou au filet » c’est tellement exactement ça (mais ça ne reste pas) – on aime à voir la décantation – merci du partage et de l’entraide
Merci Piero, il y a tant de manière de tresser le filet… C’est notre chance.
crevée ce soir, décidé de ne pas tenter de commenter mais n’ai pas résisté à ce corps sur l’escalator ou plutôt à la façon dont il est dit.
C’est super gentil … et ça continue ! Plaisir ou malédiction,
Non non – les 2
c’est pas bien… mon cerveau s’est entortillé avec ces deux endroits et le reste
désolée, mais c’est vrai que j’ai un peu fait exprès, 😉
je ne m’en étais pas douté 🙂
l’écriture rend bien la simultanéité du/des fait(s)
Merci Cécile, dans le Beaujolais on en fait pas les choses à moitié,
’32) elles nous laissent parfois le besoin de corriger notre regard, nos échanges, et de connaître la jeune femme que furent
ce « Moi aussi à ton âge, sans un mot pour tout ce qui m’avait été épargné » c’est juste de l’amour – pur
… le cadeau de tes images (elle remue les galets) je ne veux pas faire de bruit en te lisant. C’est beau. Merci
#35. Le désir de raconter et ça coince terriblement ! Il reste les morceaux d’un drôle de puzzle ! Merci !
Les deux sont bien – pour le premier il y a aussi un petit môme et son ballon –
richesse de ce que la lecture entraine, de plus ou moins loin du texte déclencheur
belle idée, cette vision précieuse mais timide
De très beaux textes toujours qui invitent à la réflexion, à la méditation, à l’imaginaire et des photos que j’ai accueillies poétiquement avec vos mots.
Merci Catherine..
Oui semblant et re-semblant… autant qu’on peut
Les choses qui nous relient, celles qui vont continuer, les saisons de toutes les coutures… Ça va valser j’ai l’impression ! À bientôt, Catherine.