De dos elle ressemble à un petit garçon d’à peine douze ans. Gommer les signes de féminité est assez facile, ici. Ça l’arrange. Au boulot personne ne sait qu’elle vit avec une femme, s’en fichent un peu d’façon. Elle sait qu’on ne la désirera pas là. Tant mieux. Charlotte-clip à usage unique en guise de couvre-chef éternellement laid. Chaussures de sécurité, blanches, lourdes, font mal en fin de service mais on n’était pas aux normes au dernier contrôle, ça ne doit pas se reproduire! Et puis depuis qu’elle l’a ouverte, elle ne tourne plus, niveau poste. Reste à la plonge. Elle fait sa plonge, comme elle dit, avec résignation.
Elle n’a jamais aimé les gâteaux, ni le chocolat. Mais tout ce qu’on lui avait demandé c’était d’y mettre un peu du sien, de faire comme si. Alors elle avait appris à conseiller les meilleurs entremets, à dissimuler au mieux son dégoût intérieur, à ne pas dire que les croissants chauds lui foutaient la gerbe là où tout le monde pensait qu’être réveillée par cette odeur devait être le comble du bonheur. Son malheur sentait bon, alors personne ne l’aurait compris. Bien cuite ou pas trop cuite la baguette, monsieur?
Le pire c’est les femmes, celles qui lui tiraient les cheveux, peut-être parce qu’avec sa jeunesse elle les renvoyait avec violence dans les sillons de leurs rides. Les vieilles. Surtout celle de la 23. Elle rêvait secrètement d’arriver et de la trouver raide, pour s’épargner le supplice de cette toilette à chaque fois plus violente, comme si l’ancienne, en décrépissant, gagnait en poigne. Bien sûr elle l’avait signalé. Pour rien. Le combat reprendrait, même avec les cheveux attachés, l’autre trouvait toujours une prise. Et puis il y avait trop de reportages à la TV, surtout en ce moment, pour oser dire que parfois…
J’aime vraiment beaucoup…
et cette empoigne, et ce qui est dit, révélé, pris à la gorge
Merci Françoise pour ces mots qui sentent si bien les choses…les prises à la gorge de toutes sortes oui…
Encore trois super portraits de femmes qui travaillent, qui me touchent beaucoup.
Ils viennent compléter à leur manière à eux le foisonnement qu’a déclanché la proposition #17.
Bravo, Marie-Caroline, et un grand merci pour ce beau moment de lecture !
Oh merci Fil je suis très touchée .