La campagne romaine s’étend sur 2100 km2. La campagna romana se trouve dans le Latium, en Italie centrale, aux environs de Rome. Elle déroule ses paysages de l’ager romanus jusqu’aux monts Sabins au nord-est, jusqu’au mont Albain au sud-est, jusqu’à la mer Tyrrhénienne au sud-ouest, et jusqu’aux montagnes de Tolfa et de de Sabatini au nord-ouest. Sabins, Albain, Tyrrhénienne, Tolfa, Sabatini. Fallait-il que son air soit empoisonné pour que la malaria y règne jusqu’à la fin du XIXe siècle ? Ce serait plutôt la chaleur. Ne serait-ce pas la chaleur qui s’abattait dès le lever du jour sur toute trace de vie ? La chaleur étouffante, qui imposait son poids sur les âmes des paysans saisonniers des Marche et des Abruzzes que les riches propriétaires faisaient travailler comme bêtes de somme, et qui n’y survivaient pas. William Stanley Haseltine en a peint la lumière du matin. A l’heure où les bergers descendaient des Abruzzes pour y faire paître leurs troupeaux, quand la saison d’été s’estompait et que l’air redevenait respirable. Nicolas Poussin a vu déjà, en L’Automne, ces pins parasols, les bois de chêne vert et les pâturages, pins, cyprès, lauriers, magnolias, palmiers, eucalyptus, cèdres, lauriers-roses. Claude Lorrain a déambulé à Tivoli. Et Chateaubriand ? Ah, être Chateaubriand ou rien. Il a dérobé cette même lumière, cet air irrespirable, ces déclinaisons de verdure, ces serpolets, ces vesces, ces gesses, ces fenugrecs. Le silence et les arabesques des étourneaux. Et Corot.
Brusquement, la ville surgit. L’autoroute périphérique entoure la ville d’un anneau et la dérobe à la campagne le long de quelques kilomètres. S’entrelacent des pins parasols bordant des chemins, des fermes, des troupeaux, des champs cultivés, des moutons paissant dans les prés, des quartiers d’habitations anarchiques surgit au bord de l’autoroute, noyant les ruines romaines, les eucalyptus, des murailles, et soudain des prairies, vides et verdoyantes. Platanes, tilleuls, prunus, mimosas, glycines règnent le long des voies, sur les façades, et parmi les ruines. Balcons et terrasses verdissent en jardins miniatures, comme si la campagne avait fait glisser de longues et minces tentacules sur les habitations, le long du Tibre, sur les berges. Les villas détruites pour construire les quartiers neufs, immeubles désorganisés, propriétés démembrées pour la modernité sans espace vert. La villa Borghese, la villa Ada, la villa Doria Pamphili.