A l’extérieur de l’enceinte, une pile d’annuaires sert de totem d’accueil, le trottoir défoncé s’égaie de quelques coquelicots essaimés par hasard entre les détritus. De l’essence dans les ornières ; des flaques d’eau trouble rident le ciel huileux tout entier coloré façon apocalypse. Au pied d’un pot d’échappement dont l’âme ne pétarade plus bondit un crapaud marronnasse qui rejoint le fossé enherbé. Sur les orties, les catalogues de Noël arc-boutées tournent leurs pages flétries par la pluie, les sacs poubelles dégueulent de canettes, de couches souillées, de bouteilles de lait débouchées, de peaux de bananes, de roues tordues, d’éponges décaties, d’happy meal écrasés, de Danette au chocolat éventrées, de journaux publicitaires. Des rochers empêchent le stationnement sur le bas-côté. Sur le portique d’entrée, au pied du poteau métallique, à cinquante centimètres du sol un carton écorné indique « 2m50 maximum ». Il manque un œil au bonhomme rouge du graffeur sur un rocher. Une araignée répare un siège pliant au tissu élimé. Sur les vestiges métalliques d’une chilienne un panneau de signalisation rectangle est posé, il a réussi sa nouvelle vie. Il arbore fièrement son précepte ; ralentir. Des tourbillons de poussière font office de vigiles endormis, ils circulent sans prévenir, comme des fantômes passent les grilles avant de secouer les bâches plastiques. Le soleil tape encore fort sur la montagne de grille-pains, de ventilateurs, de sèche-cheveux, de postes de radio, et autres appareils à raclette. Un jeune garçon est adossé contre le portique. Il regarde ses pieds et plisse les yeux pour observer le dernier ballet des fourgons déchargés. Les hommes fluo échangent une tape, le parking se vide. Au centre, un carton intel glisse sur le goudron, il s’est échappé des bennes. La révolte des déchets est une course contre la montre. Il doit être dix-sept heures trente passées ; le garçon essuie la poussière sur ses baskets blanches. Une fois. Deux fois. Trois fois. Au loin, la meute monte depuis la colline. Il fait mine de ne pas la voir. La voit-il seulement ? Il hésite à passer le portique. Il préfère refaire ses lacets. Se baissant, il ramasse un bout de plastique blanc à la forme étrange. La forme lui est familière. Il scanne ce centimètre carré, tourne et retourne l’objet. Il a trouvé. C’est la pomme d’Adam du docteur Maboul. Il continue à balayer le sol des yeux et inventorie ses trésors : une barrette rose avec une coccinelle à un œil collée dessus, une balle de ping-pong écrasée, un circuit imprimé dans la poussière, une figurine de l’oncle Picsou. Il recule de quelques pas et shoote dedans, elle franchit le portique. Ça fait but.
Quelle impression de paix dans ce désordre… jusqu’à l’arrivée des fourgons, je n’entendais que le silence des déchets, et puis la meute ne trouble pas sérénité de ce garçon qui refait ses lacets… C’est tellement troublant que j’attends la suite avec grand intérêt !
Merci Marlen pour ce retour… Peut-être que c’est une fausse sérénité et que ce garçon essaie de se donner une contenance, je ne sais pas. C’est vrai qu’on entend pas grand-chose, on voit plus qu’on entend… Une piste à explorer…
C’est poussif au début, ça cherche à faire beau, ça décrit sans « appui » ou sans poser un regard singulier… peut-être jusqu’aux hommes fluo ? Merci de votre aide…
J’ai aimé ce long « rapport visuel » détaillé qui intrigue et met en attente. et puis le focus sur le garçon, les objets qu’il trouve, on attend la suite…
j’avais encore en tête le 2m50 à cause de ces fichus gros camions qui évitent l’autoroute et ne lisent pas et ont deux fois écorché notre célèbre pont (d’Avignon) et voilà qu’arrive le docteur Maboul, il me ravit, je lui ris au ne… en attendant la suite
Emerge un garçon touchant de cette vaste nature morte…
à relire encore une fois tant les détails sont multiples.
A bientôt Anna !
Moi aussi, le docteur maboul et le but final qui clôt ce texte avec le personnage du jeune homme. L’araignée qui repare aussi… on attend la suite.