Épicerie : huit lettres dorées. Façade ocre. Large fenêtre, boiseries émeraude, carreaux pour voir au travers, regarder au dedans, s’il n’y avait les rideaux qui obscurcissent, qui font écran. Devant, des fleurs sauvages, des herbes hautes pour se protéger du dehors. C’est une forteresse, et rien n’y bouge depuis des décennies. On espérerait une réouverture, on voudrait y faire trois courses, y acheter les bonbecs au sortir de la messe – ou même avant, pour picorer sur le banc en attendant que ça finisse, tandis que la grande dame en blanc, celle de la chorale, s’égosille en priant le Seigneur, si loin si proche, tout près du coeur. Sur la photo, il n’y a rien de plus. Des pierres, du bois, de la végétation. Silence et recueillement. Parfois des ombres en imagination, des silhouettes invisibles que l’on dessine comme à l’encre magique. Devant l’établissement, il y aurait des tables, des chaises, des hommes à chapeau qui boiraient le café, des choses alcoolisées. Des femmes qui passeraient avec une ombrelle et des enfants et des cerceaux. Elles ne s’arrêtent pas, elles rentrent à la maison, comme celle-ci, sur le papier glacé jauni, avec ses murs de meulière où grimpent le lierre et la vigne vierge, et son grand portail de fer forgé, pris dans un fouillis de branches où l’on voudrait se perdre, la tête dans les grappes de lilas mauve – et qui a un air de vacances, comme sur une carte postale.