Juste un BOUT, tout seul, presque rien, moins que rien, une simple miette, un débris, un morceau, un résidu, ce petit pas grand-chose fait saliver les petits BOUTS, mignons enfants, la gourmandise dans les yeux, les mains, les doigts y reviennent, s’arrêtent net juste avant de saisir et grignoter ce dernier BOUT, épargné pour la bonne bouche, pour la route, pour la soif, pour le plaisir, pour ne pas laisser, pour ne pas gâcher, faut finir sinon ça va rester, dit-on au pays natal, là où ils sont les gens du BOUT, ça pourrait être un hommage à l’Albert, à sa fresque psychiatrique, à ses frasques dessinées, mais c’est plutôt pour dire le fond de l’allée, leur grande profondeur et leur finistère, à 300 mètres à peine de l’école et son tapage mais, puisque après eux le chemin s’arrête, ils se sentent aux confins du monde, sur une lande solitaire, derniers gardiens de phare face à la Haute Mer, fières vigies d’un poste de secours énumérant les optimistes qu’on voit naviguer à la file sans jamais toucher aux lointains, là-bas encore, dans l’autre maison d’enfance, là où circulent d’autres routes et d’autres patois, les enfants dévalent le pré jusqu’au BOUT dans les herbes sèches, viennent saluer encore ceux qui partent, puis roulent et butent dans les fourmilières, explorent les ramières, visitent les terriers, pêchent les écrevisses dans les gours, épuisent jusqu’au BOUT ces mots d’anciens, ces lieux d’enfance, qui n’ont pas cours ailleurs, qu’il faut ranger sur le BOUT de la langue, ou même les ravaler, mieux vaut les taire puisque aucun autre n’y entend rien, puisque entre eux ils ne s’entendent plus et, c’est comme si, dans la tête, au fond de la gorge, se tenait une remise des mots perdus ou presque, reclus en exil, ces mots à perdre ou à sauver mais de quoi ? pourquoi ? à quoi bon préserver ces BOUTS de mémoire qu’à soi seul on peut dire ? ceux qui écoutent ou lisent n’ont pas suivi l’histoire de BOUT en BOUT ils n’ont au mieux suivi qu’une partie du chemin BOUT-ci BOUT-là, l’humeur vagabonde, jamais à BOUT portant pour être touché en plein cœur par ces émois-là, pas même effleurés du BOUT des doigts par ce qui pourtant amène les larmes aux yeux, poussières du temps qui irritent, plongent dans le désespoir, poussent à BOUT, viennent à BOUT de la patience et de la tempérance, on en bégaie ou bredouille, la bouche pleine d’une saveur amère, indéfectible tant qu’on n’en aura pas craché le BOUT.