...bouillie d’avoine, de sarrasin, bouillie de grand-mère, bouillie à la vanille, bouillie pour bébé, gruau, grits ( maïs séché et moulu consommé au petit déjeuner dans le sud-est des États-Unis), pudding, porridge, riz au lait (se souvenir du hussard sur le toit à chaque fois qu’on en mange), gâteau de semoule, purée de pommes de terre, de carotte, de manioc, polenta, crème qui remplit la bouche colmate le vide, parler la bouche pleine, coulée verbale, patemo, poutine, congee au poisson, au poulet, à la chinoise, congee au poulet et au gingembre à la mijoteuse, régression, bubur ayam, compotes, yoghourt à la grecque, s’en remplir plein la bouche après c’est comme si on n’avait plus de dents, avaler sans mâcher, engloutir, « manger l’univers », comme le dit Moloy en mangeant sa soupe, pour éviter qu’il ne vous dévore, ne jamais être rassasié, échapper à la faim en l’entretenant, car celui qui ne mâche pas a plus faim que les autres, pâté, hachis, plats de pauvres, pauvres plats, devenus attractions pour les touristes en mal d’exotisme, plaisir de l’enfance mise à mal par le monde, recours de la vieillesse qui a perdu ses crocs, mille et une façons de se remplir la panse au moindre coût, sensation étrange qu'une fois lesté le corps tiendra mieux, échapera à l'attraction du vide. « Plus de bouillie » répète Clov en réponse aux appels venus des poubelles...
Sarde a beccafico
C'est une recette d'origine modeste, née comme une imitation d'un plat destiné, dans le passé, exclusivement à l'aristocratie : le beccafichi farcis. Ces oiseaux étaient le butin de chasse des nobles siciliens. Pitance de pauvre faite à l’imitation d’un plat destiné à l’aristocratie : l’oiseau était préparé farcis de ses propres entrailles. La sardine remplace l’oiseau et la farce est constitué d’une mixture (la « molicca ») de chapelure, de pignons, de raisins secs, d’huile d’olive, le tout parfumé d’un jus d’orange. Ce qui semblait être une friandise réservée à quelques-uns, fut bientôt reproduit avec des ingrédients pauvres et plus facilement accessibles : les sardines remplaçaient les oiseaux, tandis que la chapelure et les pignons remplaçaient les entrailles des oiseaux. Beccafico est le nom de la fauvette celle qui becquette les figues (dans le parler populaire de mon enfance on disait becqu’ter) Beckett ? Un oiseau dans Molloy qui frappe à la vitre pour demander sa pitance. Dans la bouche on dissocie chaque saveur : le moelleux de la "molicca", le croquant du pignon et son goût juste un peu farineux qui se déploie sur la langue une fois écrasé par les dents, l'éclat ensoleillé du raisin sec qui vient frapper le fond du palais, les touches d'orange qui surgissent au hasard des papilles aux aguets, le contentement du corps qui se remplit peu à peu de tous ces univers, la pensée qui vous vient du moment de la préparation, des gestes hérités d'une lignée d'humbles cuisiniers.
belle recette, parfaite pour l’été. Merci.
ah je sais d’où venaient les sardines de la Gaby Chiapello de mon enfance !
Hum , j’ai faim.
Misère de la cuisine, cuisine de la misère pour paraphraser…